Intervention de François Marc

Réunion du 20 novembre 2009 à 14h30
Loi de finances pour 2010 — Article 2

Photo de François MarcFrançois Marc :

Nous avons eu hier un débat très intéressant sur les conséquences de la suppression de la taxe professionnelle, qui seront parfois dramatiques pour certaines collectivités ; nous en sommes tous convenus, sur l’ensemble des travées. Mais je ne souhaite pas m’appesantir sur cet aspect de la question ; j’évoquerai l’argumentation qui a été la vôtre, madame la ministre, tout au long de la soirée d’hier : cette réforme vaut la peine d’être entreprise, même si elle a des effets pervers redoutables, parce qu’elle améliorera la compétitivité économique du site « France » et permettra de lutter contre les délocalisations. C’est sur ce point qu’il existe entre nous un profond désaccord. En effet, nombreux sont les économistes à nous alerter aujourd’hui sur les risques d’effets pervers du dispositif envisagé.

Je voudrais aborder ici six conséquences du dispositif envisagé.

Première conséquence : la baisse prévisible du pouvoir d’achat des ménages. Il est clair que, moins on taxera les entreprises, plus la contribution à laquelle seront soumis les ménages sera forte, et plus le pouvoir d’achat diminuera. Il s’agit incontestablement d’une mesure « anti-relance » économique par la consommation, mais tout le monde connaît votre aversion pour la relance par la consommation. C’est une réalité que l’on ne peut oublier.

La deuxième conséquence est plus grave : c’est un mauvais coup pour l’emploi et une mesure contre-productive en matière de délocalisation.

En faisant le choix d’un nouvel impôt assis sur la valeur ajoutée, le Gouvernement réintroduit les salaires dans le dispositif. Déjà, en 2004, le rapport de la commission Fouquet, du nom de son président, avait évoqué l’inconvénient majeur d’un tel choix comparable à la taxation de l’emploi. C’est donc en partie un retour à la situation qui prévalait avant le retrait des salaires de l’assiette, sous Jospin, en 1999. Il s’agissait alors de rendre « moins imbécile » l’impôt honni. Au travers de cette mesure, on voit toute la contradiction dont peut faire preuve le Gouvernement ! La cotisation sur la valeur ajoutée devient une réelle incitation à la délocalisation, puisqu’elle réintroduit la part salaire dans l’assiette imposable.

La troisième conséquence porte sur le secteur industriel, qui, en définitive, n’est pas favorisé, comme cela est annoncé.

Le Gouvernement mettait en avant la nécessité de combler le gap de compétitivité industrielle avec l’Allemagne. Pourtant, le secteur de l’industrie, cible principale de la réforme, n’arrive qu’à la quatrième place des secteurs gagnants, avec une diminution de son imposition de 36 %.

Quatrième conséquence : une nouvelle cotisation économique peu favorable aux entreprises les plus exportatrices. On nous dit que l’on veut favoriser la compétitivité, donc l’exportation. Or les entreprises qui vont être le plus taxées par le nouveau dispositif, ce sont les grandes entreprises et les PME importantes, qui sont, par nature, les plus exportatrices. Il y a là une contradiction évidente.

Cinquième conséquence : le système fiscal est ressenti comme très injuste par nombre d’acteurs économiques. La question ne manquera pas de créer un climat malsain dans la sphère économique. Même les professions libérales s’interrogent aujourd’hui sur les modalités de cette réforme difficile à comprendre. On ne peut ignorer les effets pervers de ce système en matière d’optimisation fiscale.

Enfin, sixième conséquence : un risque de rupture des chaînes de valeur localisées, donc un risque d’accroissement des coûts de production des entreprises.

On sait que, pour être pleinement efficaces, les entreprises ont besoin de trouver dans leur proximité locale de production le maximum de maillons amont et aval de leur chaîne de valeur industrielle. À cet égard, la taxe professionnelle constitue un élément motivant pour les acteurs publics locaux. Qu’en sera-t-il demain si, comme le prévoit le projet du Gouvernement, on supprime tout lien entre la démarche d’accompagnement des collectivités et la recette fiscale issue de leur investissement économique ?

Le désengagement probable des collectivités de la dynamique de développement économique local aura comme inéluctable conséquence le renchérissement prévisible des coûts de production, sans oublier l’effet « carbone » dû aux transports de plus en plus distants. En matière de compétitivité, l’effet attendu pourrait donc se révéler totalement contre-productif.

L’article 2 révèle, par ses fondements mêmes, des orientations qui vont à l’encontre de l’objectif visé. Il nous paraît donc souhaitable de le supprimer et d’entamer une réflexion plus approfondie sur les conséquences de cette réforme.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion