Madame la ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, depuis le début des discussions sur la suppression de la taxe professionnelle annoncée par le Président de la République en février dernier, on nous ressort régulièrement le refrain usé selon lequel la taxe professionnelle aurait supprimé jusqu’à 500 000 emplois dans notre pays !
Toute analyse économique, toute analyse du marché de l’emploi doit être appréhendée en mesurant bien que c’est un faisceau de causes qui produit toujours les effets que l’on peut observer dans le fonctionnement d’un système.
Aussi, quand vous essayez de nous prouver que seule la taxe professionnelle est la cause de tous nos maux, et qu’elle est à l’origine de la saignée d’emplois que notre pays à connue depuis trop longtemps, c’est plus une affirmation qu’une démonstration avec études d’impact à l’appui.
Ce refus d’utiliser les outils de la science et de l’analyse montre en partie le caractère de la réforme et le refus ou l’impossibilité de faire partager les raisons qui président à cette décision.
Vous voulez absolument prouver que la taxe professionnelle doit être supprimée ; comme le dit le proverbe : « qui veut noyer son chien l’accuse de la rage ».
Tenir un tel raisonnement, aux limites du discours idéologique au sens premier du terme, c’est-à-dire inexact au regard de l’analyse objective de la situation concrète, est donc au mieux une erreur, au pire une tromperie.
Nous savons bien que ce sont les choix mêmes d’investissement des entreprises, la stratégie des groupes, la recherche continue de la rentabilité maximale des capitaux qui ont occasionné des suppressions d’emplois, des plans sociaux, des délocalisations.
Les milieux économiques savent parfaitement que cette taxe n’a rien de confiscatoire ni de véritablement coûteux.
La taxe professionnelle, ce sont 22 milliards d’euros à la charge des entreprises assujetties, une somme d’ailleurs réduite mécaniquement d’un tiers par simple application du principe de déductibilité de la taxe au titre de l’impôt sur les sociétés ou de l’impôt sur le revenu.
Même en retenant la base des 22 milliards d’euros, le prélèvement se situe aux alentours de 1 % du produit intérieur brut marchand.
Si nous établissons une comparaison avec les autres impositions locales, nous constatons que le taux de plafonnement de la taxe d’habitation se situe à un niveau bien plus élevé : 3, 44 % du revenu imposable en moyenne.
Pour nombre de ménages, l’ensemble taxe d’habitation plus taxe foncière plus taxe d’enlèvement des ordures ménagères représente une somme importante par rapport à leur revenu, et ce sont les ménages les plus modestes qui ont la charge la plus lourde.
En outre, à la différence de la taxe professionnelle, les impositions locales dues par les particuliers ne sont pas déductibles des impôts dus, sauf à appliquer le bouclier fiscal.
On peut s’interroger sur le fait qu’aucune voix, dans les rangs de la majorité sénatoriale, ne demande que l’on évalue les effets antiéconomiques de la taxe foncière comme de la taxe d’habitation. Ces deux impôts pèsent pourtant lourdement, notamment en cette période de l’année, sur le revenu disponible des ménages, avec les conséquences économiques, mais aussi sociales, qui en résultent.
Aujourd’hui, vous nous proposez de supprimer la taxe professionnelle et de la remplacer par un nouvel impôt, la cotisation économique territoriale, dont on ne sait pas, faute de simulation, si elle sera capable de répondre aux besoins financiers des collectivités territoriales.
L’assiette de l’impôt économique doit évoluer. Nous avons formulé des propositions hier soir, pour assurer une plus grande équité des entreprises face à cet impôt, quel que soit le secteur économique ; mais nous n’avons entendu aucune réponse à ce sujet.
Vous le savez bien, ce débat sur l’impôt économique ne peut se tenir en dehors d’une réforme d’ensemble de la fiscalité locale. Cela me semble d’autant plus indispensable que l’intérêt général, celui des entreprises installées sur nos territoires, qui sont très exigeantes, y compris au sujet des infrastructures dont elles ont besoin pour fonctionner, comme celui de nos habitants, mérite que la contribution des uns et des autres soit étudiée avec la même rigueur.