Madame la ministre, comme vous m’y avez invité hier, je suis présent aujourd'hui afin de poursuivre avec vous cette discussion.
Je tiens d’abord à souligner combien – mais nous ne nous en étonnons plus – les remarques de notre collègue Alain Lambert sont pertinentes.
Permettez-moi de revenir sur les problèmes de fond. Vous nous avez expliqué hier l’importance de nous situer dans un contexte macroéconomique. Vous avez ainsi souligné que le niveau de croissance française n’était pas, en comparaison de celui des autres pays européens, si alarmant. Cela est certes vrai, mais vous oubliez, madame la ministre, que, dans le même temps, les déficits de la France se sont accrus de manière extrême, et que nos collègues européens s’en inquiètent. Si, avec ces déficits abyssaux, nous ne constations pas un début de reprise de croissance, la situation serait extrêmement grave.
Le montant de ces déficits a d’ailleurs amené la commission présidée par MM. Rocard et Juppé à limiter le plan de relance à 35 milliards d’euros plutôt qu’à prévoir 60 milliards ou 100 milliards d’euros, comme un certain nombre de parlementaires l’estimaient nécessaire.
L’état de nos finances publiques implique effectivement de cibler très précisément les dépenses de l’État, de manière à ce qu’elles soient efficaces pour l’économie nationale. Au final, il existe un différentiel de 5 milliards d’euros entre les dépenses engagées par le Gouvernement au titre de la réforme de la taxe professionnelle, et le montant des nouvelles taxes que vous nous proposez d’adopter aujourd'hui. Au regard des 35 milliards d’euros sur lesquels le Gouvernement s’est engagé pour de longues années, à moins qu’il ne diminue le montant des recettes compensatoires destinées aux collectivités, 5 milliards d’euros, ce n’est pas tout à fait anodin.
Dans ces conditions, comment concentrer les aides de l’État ?
La suppression de la taxe professionnelle concerne plus ou moins la quasi-totalité des entreprises. Madame la ministre, pour quelques-unes d’entre elles, cela constituera un effet d’aubaine. En effet, certaines entreprises ne sont pas aujourd'hui dans une situation défavorable et cette suppression représentera pour elles un gain supplémentaire.
En revanche, un certain nombre de sociétés éprouvent aujourd'hui de véritables difficultés. Je pense ici aux PME affectées par la crise, ou à des secteurs, comme celui des poids lourds et plus généralement des transports, qui font face à une situation catastrophique.
Par ailleurs, nous connaissons tous les lacunes de l’appareil économique français. Notre économie est positionnée sur des produits de basse ou de moyenne gamme, et subit en conséquence la concurrence des pays émergents, qu’il s’agisse du Brésil, de la Chine ou encore de l’Inde. N’aurait-il pas mieux valu concentrer nos efforts sur l’amélioration qualitative de nos PME, afin qu’elles deviennent de « moyennes-grandes » entreprises, à l’exemple de l’Allemagne ?
N’aurait-il pas mieux valu consacrer ces 5 milliards d’euros à un accroissement de l’investissement dans les technologies de pointe pour positionner nos PME sur des produits technologiques majeurs et instaurer cette culture de l’innovation que le plan de relance entendait favoriser ? Peut-être aurions-nous pu mieux utiliser l’argent public. J’aimerais avoir votre sentiment à ce sujet, madame la ministre. Pouvez-vous nous dire quelle est la part de l’effet d’aubaine et quelle est la part de l’effet directement productif pour le système économique français ?