Je voudrais, bien sûr, rendre hommage au courage qui fut celui de la commission des finances, ou en tout cas de la majorité de ses membres, qui s’est pliée à l’exercice de réécriture et d’amélioration du texte.
Permettez-moi tout d’abord quelques mots sur l’article 2, afin d’éviter d’avoir à revenir sur la genèse de cet article à l’occasion de l’examen de chacun des amendements. Nous examinerons avec beaucoup d’attention, bien évidemment, chacune des propositions de modification de la commission.
Il faut se rappeler quel est notre objectif et aussi se souvenir de la situation dans laquelle se trouve le pays : nous traversons une crise, un certain nombre de nos entreprises connaissent des difficultés de trésorerie. Il ne faut pas oublier non plus le lien très net qui existe entre l’industrie, la recherche et le développement, et le lien étroit et souvent très fort entre l’industrie et les services.
Ce serait nourrir une grande illusion que d’imaginer que nous pourrions nous contenter, à l’avenir, d’une économie fondée sur des services, laquelle d’ailleurs, en l’état actuel de la taxe professionnelle, serait fortement exonérée de ce mode d’imposition ! Un pays ne peut durablement conserver sa capacité de recherche, de développement et d’innovation sans posséder parallèlement une industrie. La commission Juppé-Rocard sur le grand emprunt préconise d’ailleurs que nous nous concentrions sur un certain nombre de secteurs éminemment industriels, afin de doter notre pays d’une vraie puissance économique, d’une valeur ajoutée constituée localement et permettant d’éviter ce que vous redoutez tous régulièrement, à savoir les effets des délocalisations.
Je reprendrai très rapidement les trois principes qui sont au cœur de cette réforme.
Le premier, sur lequel nous serons amenés à revenir, est la territorialisation. La contribution économique territoriale qui se substituera à la taxe professionnelle reposera sur deux jambes, si vous me permettez cette image : une jambe « foncière », établissant un lien étroit entre l’entreprise et le territoire, et une jambe « valeur ajoutée », élément moderne, dynamique, intelligent et conforme à l’évolution de notre économie, dont le barème sera progressif. Comme l’a très justement rappelé Jean-Pierre Fourcade lors de la discussion générale, la progression de cette assiette sera plus importante et meilleure que celle de la taxe professionnelle au cours des dernières années.
C’est dans un esprit d’ouverture que nous allons examiner ces trois principes qui intéressent votre assemblée, notamment sa commission des finances.
Le second principe est celui d’une compensation intelligente qui ne repose pas seulement sur les dotations, mais qui respecte le principe de l’autonomie financière. Nous y reviendrons à l’occasion de l’examen de certains amendements.
Le troisième principe auquel vous êtes légitimement attachés, mesdames, messieurs les sénateurs, est celui d’une véritable péréquation.
Par conséquent, territorialisation, compensation, péréquation fondées sur le respect de l’autonomie financière : c’est à l’aune de ces trois principes que la réforme que nous vous proposons doit être appréciée.
Pour notre part, nous ferons preuve d’une volonté passionnée de pédagogie. À cet égard, j’ai été effarée tout à l’heure d’entendre M. Massion reprocher à M. le Premier ministre d’avoir été abusivement pédagogique ! Notre engagement dans la vie publique ne nous impose-t-il pas, aux uns et aux autres, de faire preuve de pédagogie, en particulier pour expliquer l’effort collectif auquel nous astreint le niveau de la dette publique ? Si nous refusons d’assumer cette tâche, alors nous ne sommes pas à notre place ! J’espère que, durant toute cette discussion, nous saurons tous faire montre de pédagogie !
Je voudrais rassurer Mme Goulet, qui a appelé dans un mouvement d’humeur, comme elle l’a elle-même reconnu, à ne pas examiner ce texte. Il est vrai qu’il s’agit d’une réforme de grande ampleur, d’un texte effroyablement compliqué. Le dispositif de la taxe professionnelle, vieux de trente ans, était intelligent à l’origine, mais a été par la suite détérioré, abusivement détourné de son objet, détruit pour partie, au fil de plus de soixante-dix réformes intervenues au cours des trente dernières années.
Si la matière est effectivement difficile, la réforme que nous proposons, bien campée sur ses deux jambes et fondée sur les trois principes que j’ai évoqués, fait œuvre de modernité et permettra de bien enraciner les entreprises dans leur territoire. Nous sommes placés devant une tâche ardue mais exaltante, dont Éric Woerth et moi-même avons tiré un plaisir qui ne nous a cependant jamais conduits jusqu’à l’ivresse