En effet, sous couvert de recherche scientifique, la fracturation hydraulique sera encore utilisée, quoique des études aient démontré ses impacts négatifs sur l’environnement et la santé publique.
Il me semble que, au moment où notre pays est frappé par la sécheresse et où la ministre de l’écologie invite la population à réduire sa consommation d’eau de 20 % d’ici à 2020, vous n’avez pas bien pris la mesure des conséquences dramatiques que la nouvelle version de cette proposition de loi emportera pour nos réserves d’eau.
Plus grave encore, il sera possible aux industriels de conserver leurs permis de recherches s’ils indiquent qu’ils ne recourent pas à la fracturation hydraulique. Concrètement, cela revient à leur laisser le temps de trouver de nouvelles techniques, ou de nouvelles appellations, tout en conservant leurs permis. Qui plus est, je vous le rappelle, ces permis de recherches deviendront aisément, à l’avenir, des permis d’exploitation…
Du reste, comme par miracle, de nouvelles techniques sont en train d’apparaître : un article de La Tribune a évoqué la fracturation pneumatique, qui consiste à remplacer l’eau par de l’air comprimé, ainsi que la fracturation par choc électrique ; l’Humanité a mis au jour la stratégie de certains industriels, qui ne parlent plus de « fracturation hydraulique » mais de « stimulation hydraulique » ; enfin, la semaine dernière, le rapporteur a évoqué la fracturation au propane, qui est utilisée au Canada.
Pourtant, ainsi que le reconnaissait récemment un membre du cabinet de Mme Kosciusko-Morizet, interrogé par La Tribune, « personne ne sait si ces méthodes sont efficaces ni rentables économiquement ». Cette analyse constitue un révélateur des dysfonctionnements du marché de l’énergie, au sein duquel l’impératif de rentabilité économique prime sur l’intérêt général. Ce n’est donc pas le service public de l’énergie mais bien le marché de l’énergie qui pose problème, dans la mesure où les entreprises, pour la plupart privées, qui en sont les acteurs principaux ne recherchent que la rentabilité, sans faire aucune place aux considérations d’ordre social ou environnemental.
Cet exemple illustre la nécessité d’un pôle public de l’énergie, qui permettrait non seulement de garantir la sécurité d’approvisionnement, mais également de financer la recherche dans le domaine des énergies renouvelables, qui seules nous permettront de répondre aux besoins de demain. Quand on connaît la politique du Gouvernement en matière de recherche publique, sans parler de son sous-financement, la constitution de ce pôle public de l’énergie constitue manifestement une priorité.
Résumons-nous : si l’on comprend bien l’intérêt qu’ont les industriels à poursuivre dans la voie de l’exploitation des hydrocarbures de roche, il est de notre responsabilité d’hommes et de femmes politiques de condamner clairement cette exploitation, qui détruit la roche, nécessite une quantité d’eau invraisemblable et pollue nos nappes phréatiques.
J’achèverai mon propos par quelques mots sur l’importance de la transparence et de l’information dans ce domaine. De fait, vous avez confirmé votre refus de soumettre les demandes de permis à débat public, étude d’impact ou enquête publique, ce qui est un comble ! Nous le regrettons d’autant plus que ce refus est contraire aux exigences posées par l’article 7 de la Charte de l’environnement.
Je regrette également que cette question n’ait pas suscité de débat plus large, dépassant le cadre de cet hémicycle. Pis encore : en plus de n’avoir pas été entendus, les maires qui ont signé des arrêtés visant à interdire l’exploitation du gaz de schiste sur le territoire de leur commune ont été assignés en justice par la société Schuepbach Energy LLC, qui leur reproche d’avoir abusé de leur pouvoir. Voilà une première conséquence du renoncement des parlementaires de la majorité !
Ainsi, faute de volonté politique claire, l’exploitation des gaz et huiles de schiste a encore de beaux jours devant elle, grâce à cette proposition de loi. Nous voterons donc contre dernière et continuerons, avec nos concitoyens et les élus locaux, d’exiger l’interdiction de toute extraction des huiles et gaz de schiste.