Intervention de Marie-Agnès Labarre

Réunion du 9 juin 2011 à 15h00
Interdiction de l'exploration et de l'exploitation des mines d'hydrocarbures par fracturation hydraulique — Vote sur l'ensemble

Photo de Marie-Agnès LabarreMarie-Agnès Labarre :

Le décalage entre ce texte et vos promesses est frappant. On est passé, en effet, de l’interdiction de l’exploration et de l’exploitation des gaz et huiles de schiste à la simple interdiction de la fracturation hydraulique. Sous prétexte que cette technique est celle qui présente le plus de risques avérés et potentiels, tout le reste est oublié ! La ficelle est grosse : il s’agit simplement de permettre aux industriels de poursuivre leurs activités !

Les risques que comporte la fracturation hydraulique seraient-ils donc les seuls associés à l’exploitation des gaz et huiles de schiste ? Différentes études, y compris parmi celles qu’a citées le rapporteur, en mentionnent pourtant bien d’autres : accentuation du réchauffement climatique, « noriade camions », emprise au sol, destruction des paysages...

Si le principe de précaution a pour but de prévenir un risque potentiel, le principe de prévention, mentionné à l’article L110-1 du code de l’environnement, implique l’interdiction de la source des risques lorsque ceux-ci sont avérés. Pourquoi donc la fracturation hydraulique est-elle seule interdite alors que les risques liés aux camions ou à l’occupation des sols sont bien réels ?

Le fond du problème est que l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels est indéfendable ! On ne peut pas, d’un côté, prétendre combattre le réchauffement climatique et, de l’autre, autoriser la multiplication de projets qui l’aggravent.

La rédaction de l’article 2 est ainsi particulièrement hypocrite. Au lieu d’abroger purement et simplement les permis exclusifs, comme cela était prévu au départ, il n’est plus question que de demander aux titulaires de s’engager à ne pas utiliser la fracturation hydraulique ! Allons-nous nous contenter d’une simple déclaration de principe de la part des exploitants ? Suffit-il, à vos yeux, de dire que l’on ne pollue pas pour ne pas être un pollueur ?

Abroger les permis existants, c’était pourtant la garantie que tout allait être remis à plat. Vous nous répondez que cela n’aurait pas de sens dans la mesure où les permis ne précisent pas les techniques utilisées ni le type d’hydrocarbure exploité. Mais cela revient à reconnaître que vous laissez la porte ouverte aux abus ! Nous considérons que cette imprécision est à elle seule une raison suffisante pour abroger les permis existants.

Du reste, il est parfaitement hypocrite de prétendre que nous ne savons rien : ni les gaz ni les huiles de schiste ne peuvent être exploités autrement que par la fracturation hydraulique, et il n’y a pas de réserves majeures d’hydrocarbures conventionnels dans la plupart des zones concernées par les permis déjà délivrés…

Or, dans la rédaction actuelle, il n’est même plus question de moratoire. Cela est nettement en deçà des engagements pris par le Premier ministre, selon lequel il fallait « annuler les autorisations qui ont déjà été données », ou par sa ministre de l’écologie, qui avait fermement critiqué l’octroi de ces permis. Le Gouvernement se déjuge donc en soutenant cette proposition de loi.

Votre démarche n’a qu’un seul objectif : laisser le temps aux industriels de prospecter comme ils l’avaient prévu, afin qu’ils puissent commencer l’exploitation une fois les échéances électorales passées. Demain, vous nous expliquerez sans doute que les exploitants ont réussi à limiter les conséquences des techniques d’exploitation. On aura donc trouvé d’un seul coup le remède miracle pour améliorer une technique pourtant utilisée depuis plus de quarante ans, notamment aux États-Unis…

L’« amicale des foreurs » a eu gain de cause : vous avez trahi l’intérêt général au profit de l’intérêt privé des lobbies. Pour illustrer mon propos, je rappellerai les mots prononcés devant ses actionnaires par Christophe de Margerie, patron de Total…

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