Monsieur le président Arthuis, monsieur le rapporteur pour avis, j'ai bien entendu les questions que vous m'avez pertinemment posées en vous fondant sur l'analyse des conditions de l'exécution du budget de mon ministère en 2005.
Ce budget, je l'ai découvert en cours de gestion à mon arrivée au ministère de l'écologie et du développement durable au début du mois de juin 2005. Je considère qu'il a été bien mené - c'est également l'avis de M. Arthuis - compte tenu des mesures de régulation qui lui ont été imposées. Et pourtant, l'exécution a été satisfaisante, malgré l'ancienne architecture budgétaire qui répartissait les crédits dans une nomenclature plus éclatée qu'en mode LOLF.
Je fais porter mon effort dans la présente gestion pour que nous puissions tirer tout le bénéfice de la rénovation des règles budgétaires, porteuse d'une plus grande responsabilisation des gestionnaires et d'une attention primordiale à la performance. Nous n'échappons pas au besoin d'un certain réglage des outils nouveaux en ce début d'exercice, mais je me réjouis de ce grand mouvement modernisateur qui, grâce à la LOLF, souffle sur la gestion de nos services.
Vous m'avez interrogée sur les dettes de mon ministère. Leur montant ne peut, hélas ! encore faire l'objet que d'une estimation. Vous le savez, les outils interministériels de comptabilité sont en cours de mise en place, mais à ce jour, ils ne permettent absolument pas d'avoir une vision précise et incontestable de la situation comptable comme l'exigerait la LOLF.
C'est pourquoi, parmi mes projets prioritaires pour 2007, se trouve celui qui consiste à construire un système informatique de gestion digne de ce nom au ministère de l'écologie et du développement durable. Dans l'attente d'outils modernes, nous sommes bien obligés de fonctionner sur le fondement de recensements ponctuels qui n'ont pas la valeur comptable souhaitable.
La seule donnée faisant l'objet d'une certification comptable s'élève à 26, 7 millions d'euros, mais il s'agit d'une vision restrictive de l'endettement : ce sont les factures que les services du ministère de l'écologie et du développement durable n'ont pu honorer à la fin de l'exercice 2005.
Les estimations de la dette fournies par mes services, qui ont été transmises à la Cour des comptes à l'occasion de son questionnaire pour la note d'exécution budgétaire, aboutissent à un montant de 101 millions d'euros - selon l'estimation consolidée des directions -, qui est à rapprocher du calcul théorique du service des affaires financières s'élevant à 107 millions d'euros.
Il y a donc là une cohérence, qui permet d'évaluer à une centaine de millions d'euros l'endettement du ministère de l'écologie et du développement durable à l'ouverture de la gestion 2006. C'est d'ailleurs le montant retenu par la commission des finances du Sénat lors du débat sur le projet de loi de finances pour 2006, que je confirme.
Je me suis efforcée de prendre à bras-le-corps ce problème, qui est de nature à nuire à la crédibilité financière de mon ministère. J'ai sollicité et obtenu le soutien du Premier ministre pour résorber une partie de la dette. Il m'a autorisée, au mois de novembre dernier, à prélever une première tranche de 25 millions d'euros sur les disponibilités du fonds Barnier, avec la perspective d'une seconde tranche de 25 millions d'euros en fonction de la situation à l'issue de la première ; et il m'a accordé, au mois de décembre, un complément de 7 millions d'euros en raison des difficultés liées aux reports de crédits.
Cet engagement s'est traduit par un article inséré dans le projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques dont vous aurez à débattre prochainement en deuxième lecture. Cet article tend à attribuer dans un premier temps 40 millions d'euros en provenance du fonds Barnier pour des opérations identifiées lancées avant le 31 décembre 2005.
Mon ambition serait d'aller plus loin à l'occasion de la discussion du projet de loi de finances pour 2007. Outre la poursuite des actions prioritaires et du lancement de projets nouveaux tels que la création des parcs nationaux, et notamment ceux de la Guyane et de la Réunion, j'estime mettre en oeuvre une politique tendant à assainir la situation financière du ministère de l'écologie et du développement durable par rapport à celle que j'ai trouvée lors de ma nomination.
J'en viens à l'avenir de la direction de l'eau.
La politique de l'eau représente une capacité d'investissement de l'État et de ses établissements publics de plus de 2 milliards d'euros par an, et représente près de 4 500 emplois équivalents temps plein ou ETP, soit environ 40 % du service public de l'environnement. Elle touche la vie quotidienne et la santé de tous les Français. C'est une politique majeure de mon ministère, programme LOLF ou non, Office national de l'eau et des milieux aquatiques, ONEMA, ou pas ! Il est logique qu'une des directions opérationnelles de mon ministère lui soit consacrée.
La LOLF est d'une application trop récente pour que l'on envisage de remettre fondamentalement en question la structure des programmes, mais il me semblerait normal que la politique de l'eau jouisse dans ce domaine d'une identification de même niveau que les autres politiques majeures de mon ministère.
Le projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques est encore en navette. Même lorsque ce texte sera adopté définitivement, la politique de l'eau est trop importante pour faire l'objet d'une mesure de périmètre mécanique, et ce pour au moins trois raisons.
Tout d'abord, les besoins d'une action régalienne de l'État sont importants et rappelés avec force par les Français lorsqu'on les interroge.
Ensuite, la lutte contre les inondations doit être menée avec rigueur et rapidité dans les bassins où le risque est connu, sous peine de voir l'État - et nul autre - violemment attaqué pour son inaction.
Enfin, des économies réalisées aujourd'hui sur les services alimentent les contentieux nationaux de demain et les indemnités d'après-demain. Le Conseil d'État considère, par exemple, que si un préfet n'exerce pas ses pouvoirs de police de l'eau, l'inondation résultant du mauvais entretien des cours d'eaux par négligence des propriétaires - que l'administration n'a pas mis en demeure - engage la responsabilité pécuniaire de l'État jusqu'à un maximum de 50 % des dégâts constatés.
Je rappelle que la création de l'ONEMA permet, avant tout, de réorienter les missions de l'actuel Conseil supérieur de la pêche pour mieux répondre à la problématique actuelle de mise en oeuvre de la directive-cadre. Il s'agit non pas d'une création, mais d'une transformation d'établissement existant. Cet organisme ne retire aucune mission de la direction de l'eau, à l'exception de la gestion du système d'information sur l'eau, pour lequel les moyens nécessaires seront effectivement transférés. La direction de l'eau devra parallèlement renforcer ses différentes missions.
Vous m'avez également interrogée, monsieur le président de la commission, sur le rapprochement entre les directions régionales de l'environnement, les DIREN, et les directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, les DRIRE.
Une expérimentation de rapprochement a été lancée dans cinq régions. Volontairement réversible, elle a consisté à conserver les deux directions, mais à nommer, dans ces régions, un directeur unique chargé d'animer et de coordonner leurs actions.
Un tel rapprochement est susceptible de renforcer l'efficacité de l'action de l'État en région dans la mise en oeuvre des politiques gouvernementales, dans les domaines de l'environnement et du développement économique.
En effet, conformément aux principes du développement durable, désormais inscrit dans la Charte de l'environnement adossée à notre Constitution, les enjeux économiques et les enjeux écologiques doivent désormais être conciliés, et non plus opposés.
Après une année d'expérimentation de rapprochement, le bilan paraît globalement positif, comme en témoignent les rapports d'étape transmis, ainsi que le rapport conjoint de l'Inspection générale de l'environnement et du Conseil général des mines. Il existe bien des convergences entre certaines missions des DRIRE et certaines missions des DIREN, par exemple entre prévention des risques industriels et prévention des risques naturels, et des complémentarités, notamment dans la gestion des ressources naturelles - l'air, l'énergie, les matériaux, l'eau, la nature.
Je suis cependant attentive aux conditions dans lesquelles les missions que gère en propre mon ministère seront assumées, en cas de fusion généralisée, et je souhaite que le bilan soit, à tous égards, gagnant-gagnant.
Les préfets pourraient, certes, en cas de fusion, s'appuyer encore plus largement sur ce nouveau service renforcé, qui continuerait de tenir en même temps un rôle de premier plan au sein du pôle régional « gestion publique et développement économique ». Mais il doit être clair que cette double appartenance ne signifie pas qu'à terme le pôle « écologie et développement durable » aurait vocation à être fusionné avec ce dernier. Les synergies du pôle avec ceux de l'agriculture, de l'équipement et leurs activités économiques, environnementales et d'aménagement du territoire doivent être, au contraire, valorisées dans les réflexions futures sur l'organisation déconcentrée à l'échelon régional.
C'est pourquoi je réfléchis, avec mon collègue chargé de l'industrie, à la manière de donner une suite positive à cette expérimentation, par exemple en prenant la décision d'engager le processus de pleine fusion des services dans les régions où le rapprochement a pu être réalisé avec suffisamment de recul et de succès - pour le moment, c'est le cas de trois régions sur cinq. Nous donnerions ainsi toute liberté organisationnelle aux expérimentateurs de cette fusion afin, au-delà de son principe même, d'évaluer concrètement les avancées au regard de l'ensemble des finalités attendues : celles qui peuvent être qualifiées de développement durable par rapport à celles qui sont spécifiquement environnementales.
Parallèlement nous devrons mener l'analyse des questions que posera, sur le plan national, la généralisation de cette fusion, en matière de LOLF par exemple, et y trouver des réponses.
Cette démarche est exemplaire pour la réforme de l'État, et j'entends effectivement la mener au fond avec détermination. Je suis convaincue que, compte tenu de ses implications en termes de management et de la sensibilité des agents à leur « culture d'entreprise », elle doit être réalisée avec toute la prudence nécessaire, dans une concertation permanente avec les représentants du personnel et en respectant le temps, sans quoi rien de solide ne se fera.
Aussi suis-je attachée à ce qu'aucune précipitation ne risque de faire échouer ce chantier structurant pour mon ministère.
J'en viens aux suites du rapport Keller.
Le rapport de Mme Keller évalue à 1, 2 milliard d'euros les pénalités financières potentielles en l'état des contentieux en cours au moment de ses recherches. Encore ne s'agit-il que des sommes forfaitaires encourues, auxquelles il faudrait, hélas ! ajouter les astreintes.
Je suis heureuse de pouvoir vous annoncer que cette évaluation peut être revue aujourd'hui à la baisse, en raison notamment de plusieurs classements de dossiers très sensibles survenus depuis lors, ou espérés dans les prochaines semaines.