Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous étudions aujourd'hui une proposition de loi relative à la protection de l’identité.
Parce que je souscris, ainsi que le groupe socialiste, à bien des observations qui ont déjà été formulées, je vais m’efforcer d’éviter les redites.
L’usurpation d’identité a des conséquences importantes pour la société mais également pour les individus et, au-delà, pour leurs familles, sur le plan tant qualitatif que quantitatif. Je crois donc qu’il se dégage une unanimité sur la nécessité de lutter efficacement contre ces phénomènes d’usurpation d’identité et de réparer les dommages subis par les victimes.
Les outils proposés dans la proposition de loi s’appuient sur la biométrie ; c’est en effet un outil extrêmement fiable. Ce qui suscite davantage de souci, c’est la constitution de bases de données. L’on sent bien là un retrait, une prudence largement partagée, avec la mise en avant des principes de proportionnalité et de respect des seuls objectifs affichés. Tout cela a été dit et redit au sujet de la puce dite « régalienne ».
En revanche, s'agissant de la puce dite « vie quotidienne », on sent un peu moins de prudence, alors que, à mon sens, la prudence est ici particulièrement nécessaire dans la mesure où cette puce laissera des traces de nos navigations sur Internet, donc des éléments qui touchent à notre vie privée. J’insisterai donc davantage que ceux qui m’ont précédée à cette tribune sur la puce « vie quotidienne ».
L’usurpation d'identité peut s’effectuer par des moyens extrêmement variables, allant du simple vol de documents jusqu’à l’utilisation de « vrais-faux » documents. Les conséquences financières peuvent être aussi bien collectives, dommageables à la société dans son ensemble, qu’individuelles – nous avons parlé des escroqueries et de tous les autres délits qui peuvent s’ajouter au simple délit d’usurpation d’identité. Les conséquences sont morales, psychologiques, à la fois individuelles et familiales.
De nombreux exemples ayant été cités, je n’y reviendrai pas, sinon pour confirmer que nous partageons tous le désarroi des victimes et de leurs familles, et déplorons l’immense tort qui leur a été fait par ces usurpations d’identité.
Pour ce qui est des chiffres, je pense que ce n’est ni le lieu - ni l’heure ! - d’entamer une polémique. Certains ont évoqué 210 000 cas, le Gouvernement avait avancé un total de 13 000 ou 14 000 cas, enfin vous avez, monsieur le ministre, parlé tout à l’heure de 20 000 à 25 000 cas ; de fait, l’on ne sait pas très bien évaluer le nombre de victimes d’une usurpation d'identité. Mais, à la limite, qu’importe : chaque cas est un cas de trop, et les chiffres ne sont pas le cœur du débat de ce soir. §Du reste, il est toujours difficile de quantifier une nouvelle forme de délinquance quand on vient de la découvrir et que l’on s’organise pour lutter contre.
La vérité se trouve sans doute entre tous les chiffres que j’ai mentionnés.
En tout état de cause, il s’agit de drames humains. Nous sommes donc d’accord : il faut lutter contre l’usurpation d'identité.
Comment lutter ? La proposition de loi qui nous est soumise prévoit tout d'abord de renforcer les contrôles et la sécurisation lors de la délivrance du premier titre : par exemple, l’obtention des données d’état civil devrait être moins facile, en tout cas mieux contrôlée, et la vérification de l’identité de la personne serait effectuée lors du retrait du dossier afin de s’assurer que c’est la même personne qui l’a déposé. Ce texte contient donc un certain nombre d’avancées auxquelles nous adhérons, bien entendu.
Le texte prévoit également la nécessaire garantie que la même certification d’identité ne sera pas délivrée à deux personnes différentes. C’est le cœur du problème, nous en avons déjà parlé, et la question de la centralisation des données en est le corollaire. Celle-ci nécessite forcément la sécurisation tant du recueil que de la gestion et de la consultation des données.
Les données biométriques sont des données personnelles, non falsifiables, particulièrement attachées à la personne ; en l’occurrence, ces données seront confiées par la personne à un tiers. Je souhaite donc que l’on garde à l’esprit que l’outil qui sera construit pour gérer ces données biométriques afin de lutter contre l’usurpation d'identité doit demeurer un outil au service d’un objectif. Prenons un marteau pour enfoncer un clou, et non une massue..)