Intervention de Michel Houel

Réunion du 31 mai 2011 à 22h15
Protection de l'identité — Discussion et adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Michel HouelMichel Houel :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’usurpation d’identité constitue une infraction fréquente. Je ne rappellerai pas les chiffres, ils ont déjà été cités. Je me contenterai d’observer qu’en France le phénomène connaît une croissance particulièrement inquiétante sur Internet.

Selon un rapport du CREDOC, le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie, un Français a plus de risques de subir une usurpation d’identité qu’un cambriolage ou un vol de voiture. Le coût pour la société d’un tel phénomène frôle les 4 milliards d’euros.

Il faut surtout avoir à l’esprit que cette infraction est relativement traumatisante pour ceux qui en sont les victimes.

Nous savons également que l’usurpation d’identité peut être une étape pour la commission d’autres infractions tendant, par exemple, à ouvrir un compte bancaire, à bénéficier de prestations sociales, à échapper aux recherches des forces de l’ordre, à quitter le territoire, ou encore à régulariser sa présence sur celui-ci.

De plus, le lien entre usurpation d’identité et crime organisé ou terrorisme peut se révéler extrêmement étroit. Les réseaux terroristes, notamment, utilisent quasi systématiquement de faux documents d’identité, délivrés par des faussaires.

Ainsi, afin de lutter efficacement contre ces dérives, j’ai présenté, avec mon collègue Jean-René Lecerf, cette proposition de loi.

Nous ne sommes pas sans savoir que la mission d’information sur la nouvelle génération de documents d’identité et la fraude documentaire, dont Jean-René Lecerf était le rapporteur, avait à la fois dressé le constat de défaillances dans la chaîne de l’identité, proposé des solutions pour y remédier et exploré de nouvelles perspectives de sécurisation de l’identité.

Il est temps aujourd’hui de légiférer. La présente proposition de loi constitue une occasion pour le Parlement de se prononcer sur les moyens d’assurer la sécurité de l’identité, dans une juste conciliation entre les impératifs de préservation de l’ordre public et les exigences de protection des libertés individuelles.

Ce texte vise à garantir une fiabilité maximale des cartes nationales d’identité et des passeports.

Il est aujourd’hui nécessaire de continuer sur la voie tracée par la mise en place du passeport biométrique, décidée conformément aux engagements européens de la France.

Il est en effet urgent d’équiper les cartes nationales d’identité de puces électroniques sécurisées, qui contiendront des données biométriques numérisées.

La carte d’identité électronique, parfois désignée par l’anglicisme electronic identity card, est un nouveau type de document mis en place dans de nombreux pays, notamment en Belgique. Elle est constituée d’une carte à puce contenant toutes les informations nécessaires et celles qui sont apparentes sur les anciennes cartes plastifiées.

Pour lutter contre l’usurpation d’identité, la proposition de loi met également en place une base centrale de données biométriques. Le recours à ce fichier central aura pour finalité de garantir qu’une même personne ne puisse disposer de deux identités différentes, puisque les empreintes biométriques ne pourront correspondre qu’à une seule identité.

Même si ce dispositif, nous le savons, n’évitera pas l’usurpation initiale d’identité, il permettra d’interdire la multiplication de fausses identités ou d’identités usurpées.

La finalité initiale de la proposition de loi que j’ai déposée avec Jean-René Lecerf est bien de donner à nos concitoyens l’assurance que leur identité sera protégée et que, à l’avenir, il sera mis beaucoup plus rapidement fin qu’aujourd’hui aux usurpations, qui se multiplient.

Je ne reviendrai pas sur les conséquences extrêmement lourdes pour les victimes de ces usurpations d’identité. Depuis plusieurs années, le défi est clairement posé, et notre responsabilité est non moins clairement identifiée : il nous faut maintenant répondre.

Depuis 2005, au cours de nos travaux sur l’identité, nous avons toujours eu le souci de définir des équilibres entre sécurité et protection des libertés individuelles. Déjà, en 2005, Jean-René Lecerf, dans le rapport intitulé Identité intelligente et respect des libertés, mettait l’accent à la fois sur le retard de la France en matière de protection de l’identité et sur la nécessité de lutter contre l’usurpation d’identité.

La France est l’un des derniers pays européens qui n’ont pas encore développé de carte d’identité électronique et, bien sûr, les usurpations n’ont jamais été aussi nombreuses.

Notre proposition de loi s’appuyait clairement à la fois sur les études, rapports et échanges de ces dernières années et sur les préconisations, notamment de la CNIL, relatives à la sécurité des données, au droit de rectification, à la traçabilité de tous ceux qui accèdent à la base – l’accès demeure limité aux agents qui participent à la confection des cartes, aux personnels des services de lutte anti-terrorisme ou aux agents agissant sous le contrôle de la justice –, à l’effacement des données au bout de quinze ans. Les garanties existent donc bien.

L’article 5 du texte actuel, en interdisant toutes possibilités de rencontres entre les éléments d’état civil et les données biométriques, prévoit très certainement des précautions que l’on pourrait qualifier de disproportionnées au regard des objectifs à atteindre. Je vous le rappelle, mes chers collègues, l’exposé des motifs de la proposition de loi initiale précisait : « La confrontation des caractéristiques biométriques d’une personne avec celles figurant dans le composant électronique ou la base centrale permettra de confondre les fraudeurs. » Il faut, me semble-t-il, donner les garanties à nos concitoyens que nous allons réaliser ce que nous promettons.

Au regard des débats qui ont eu lieu et des multiples questions que suscitent la rédaction du présent texte, je vous recommande donc, mes chers collègues, de revenir à la rédaction initiale, qui garantit la cohérence avec les objectifs et qui s’appuie sur une réflexion ancienne, animée par la volonté d’équilibre, que je souligne régulièrement, entre sécurité et liberté.

De plus, nous avons souhaité apporter des innovations supplémentaires dans cette recherche de protection de l’identité. Ainsi, les cartes d’identité biométriques pourront également offrir aux titulaires qui le souhaitent des fonctionnalités propres à faciliter leurs démarches administratives et à sécuriser certaines transactions.

En effet, cette proposition de loi ouvre la possibilité au titulaire d’une carte d’identité électronique de bénéficier de nouveaux services, tels que l’authentification à distance et la signature électronique.

Parallèlement, la mise à disposition des données d’identification personnelles via une carte à puce qui peut être lue directement par un ordinateur, entraîne nombre de problèmes potentiels liés à la protection de la vie privée.

Nous savons qu’il est primordial d’apporter les garanties nécessaires à la protection de la liberté individuelle et au respect de la vie privée.

Notre rapporteur, François Pillet, et la commission des lois se sont attachés à compléter ces garanties. Je tiens, en cet instant, à les remercier de la qualité de leur travail.

Ainsi, la commission des lois a souhaité limiter l’usage du fichier biométrique à la seule lutte contre la fraude à l’identité, en doublant les garanties juridiques de garanties matérielles, afin d’interdire l’utilisation de ce fichier dans le cadre de recherches criminelles.

Elle a également souhaité encadrer les vérifications d’identité effectuées à partir des données biométriques, en traduisant les recommandations formulées par la CNIL, et donner à l’usager la pleine maîtrise de la fonctionnalité d’identification électronique de la carte d’identité, afin d’éviter que ceux qui la refusent ne soient évincés de certains services.

Mes chers collègues, la présente proposition de loi va permettre de sécuriser réellement nos titres d’identité et, ainsi, de renforcer la lutte contre la fraude. C’est pourquoi les membres du groupe UMP la voteront avec conviction, pour la préservation des droits de nos concitoyens.

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