Intervention de Claude Guéant

Réunion du 31 mai 2011 à 22h15
Protection de l'identité — Article 5

Claude Guéant, ministre :

Cet amendement porte sur une disposition qui semble essentielle au Gouvernement.

La proposition de loi a plusieurs objectifs. Elle tend d’abord à offrir à nos compatriotes un document d’identité plus commode, plus sûr et quelques prestations supplémentaires, je pense en particulier à la signature électronique. Elle vise également – c’est sa finalité première – à lutter contre l’usurpation d’identité. Tous les intervenants l’ont fait remarquer et ont souligné à quel point il était important de lutter plus efficacement contre l’usurpation d’identité, qui est un véritable fléau.

Des chiffres ont été cités, dont personne ne peut dire la fiabilité réelle. Pour ma part, je vous ai transmis une information que j’avais recueillie à l’occasion d’une visite au siège de la Police technique et scientifique : sur les contrôles aléatoires d’empreintes digitales, qui sont réalisés pour d’autres raisons dans le cadre d’enquêtes n’ayant rien à voir avec l’usurpation d’identité, et alors qu’il y a de l’ordre de 3 millions de vérifications, on trouve bon an mal an de 20 000 à 25 000 usurpations d’identité. C’est dire que, si l’on transposait ces données à l’échelle de notre population, on dénombrerait à coup sûr plus de 100 000 usurpations d’identité par an !

À mes yeux, le texte qui est proposé par la commission ne permet pas cette efficacité qui est pourtant souhaitée par tous. M. Détraigne l’a indiqué de façon tout à fait claire ; le rapporteur, avec la très grande honnêteté qui le caractérise, a également reconnu que l’usurpation d’identité ne pouvait pas être directement mise en évidence.

Je voudrais vous apporter une indication supplémentaire, provenant d’un courrier en date du 19 avril 2011, adressé au ministère de l’intérieur par le directeur de l’entreprise qui a élaboré ce concept de « lien faible » en biométrie et qui a, du reste, déposé un brevet pour développer la technique correspondante.

Il affirme que ce concept permet de détecter l’usurpation d’identité avec une probabilité dissuasive réglable, mais qu’il ne permet en aucune façon d’identifier l’usurpateur. Il poursuit en indiquant qu’entre autres conséquences le « lien faible » ne permet pas non plus d’identifier des amnésiques, des enfants perdus ou des victimes de catastrophes naturelles ou d’attentats.

Il est donc très clair que cette technique permet, dans certains cas, de déceler l’usurpation, mais ne permet pas de remonter à l’usurpateur.

Alors, bien sûr, madame Klès, si un usurpateur se présente en demandant une carte d’identité, et que l’identité dont il se réclame est déjà dans la base, l’usurpation sera décelée, mais je me permets d’appeler votre attention sur le fait qu’il y a d’autres cas de figure.

Si la victime n’est pas dans la base, l’usurpateur peut alors obtenir une identité. Par ailleurs, si le détenteur d’une identité constate que son identité a été usurpée, il faudra alors, faute de lien univoque, faire des enquêtes lourdes sur les indices qui seront effectivement rendus disponibles par la technologie du « lien faible ». Ce seront des enquêtes de police impliquant des dizaines ou des centaines de personnes dont la situation devra être vérifiée, y compris des personnes qui n’ont rien à voir avec l’usurpation, ce qui, évidemment, sera de nature à quelque peu les perturber.

J’ajoute, en me tournant vers Mme Escoffier, que le ministère de l’intérieur – je voudrais être très catégorique à cet égard et je suis même surpris que l’on puisse penser qu’il en soit autrement –, n’a pas d’objectif autre que celui visé par la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui.

Je voudrais enfin rappeler que la mesure d’application prévue à l’article 6, qui sera un décret en Conseil d’État pris après avis de la CNIL, fixera de façon très précise les personnes qui pourront interroger la base.

A priori, il pourra s’agir, comme pour la base « passeport », des agents de l’Agence nationale des titres sécurisés, des agents chargés de la lutte contre le terrorisme et des personnes qui mettent en œuvre des réquisitions de caractère pénal. Le tout sera bien entendu l’objet d’une traçabilité totale, placée sous le contrôle de la CNIL.

Je demande donc le rétablissement du texte initial de la proposition de loi.

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