Intervention de Jean-Pierre Godefroy

Réunion du 25 juin 2009 à 9h00
Débat sur la crise de la filière laitière

Photo de Jean-Pierre GodefroyJean-Pierre Godefroy :

La Manche est le deuxième département producteur en volume et le premier en nombre de producteurs. Lors d’une table ronde organisée à la préfecture de région à Caen, le 11 juin dernier, j’ai pu constater que les situations variaient d’un département à l’autre, selon que la production de lait est l’activité principale – ce qui est souvent le cas chez nous –, voire exclusive du producteur ou une production complémentaire. Mais ce qui est certain, c’est qu’il est impossible de vivre avec les prix pratiqués depuis le début de l’année, pour une production moyenne d’environ 300 000 litres, si j’ai bien compris.

Les producteurs de mon département l’ont dit clairement : l’accord signé portant à 280 euros les 1 000 litres de lait est tout à fait insuffisant, notamment pour les jeunes producteurs. En effet, il ne leur permet pas de couvrir le coût des investissements nécessaires, notamment en matière d’environnement et de normes réglementaires, et il les contraint toujours à produire à perte.

De même, si dans ma région, les représentants des grandes et moyennes surfaces présents à la table ronde se sont engagés à ne pas renégocier à la baisse les prix d’achat des produits laitiers de grande consommation jusqu’au 31 décembre 2009, cet engagement doit faire l’objet d’une validation au niveau national, et il est, reconnaissez-le, très largement insuffisant.

Quant aux autres mesures suggérées notamment du côté des banques – le report d’un an des annuités d’investissement, en particulier pour la mise aux normes – et du côté de l’État – les reports ou dégrèvements de charges sociales –, ce ne sont que des mesures palliatives, qui ne pourront régler le fond du problème.

Le problème vient bien d’abord de la déréglementation au niveau européen. J’ai bien entendu les propos et l’analyse de mon collègue Jean Bizet tout à l’heure concernant l’augmentation des quotas et leur suppression en 2015. Je pense néanmoins que cela a contribué à déstabiliser la rémunération de la production. Et si en France la situation est aussi grave, monsieur le ministre, c’est parce que s’ajoute à cette déréglementation au niveau européen la fameuse loi LME, la loi de modernisation de l’économie. La négociation libre et non encadrée, qui devait soi-disant permettre au marché de s’autoréguler et devait être favorable aux consommateurs, s’avère être une erreur fatale tant pour les producteurs que pour les consommateurs – qui n’ont pas perçu de baisse des prix. Au passage, personne ne peut croire que la mise en place d’un observatoire des prix et des marges suffira à remédier à cette situation.

À qui cela profite-t-il ? En posant la question, j’y réponds, comme notre collègue François Fortassin l’a fait tout à l’heure, avec la verve que chacun lui connaît. Une plus grande transparence est nécessaire pour évaluer les marges des différents acteurs de la chaîne, surtout quand on sait que le prix du lait payé par le consommateur a augmenté de 17 % entre l’été 2007 et l’été 2008 et n’a baissé que de 2 % depuis l’été 2008 !

Aujourd’hui, les producteurs attendent donc des actes forts. Ils sont dans une situation sociale intenable. Ce qui est en jeu, c’est leur avenir, l’avenir de leur famille, l’avenir de leur exploitation.

Monsieur le ministre, nous attendons des propositions susceptibles d’apporter une réponse à la détresse des producteurs et de remettre de l’ordre dans la filière, notamment en révisant la loi LME dont nous avions à l’époque longuement expliqué les dérives qu’elle risquait de produire. La politique européenne ne peut pas rester figée en la matière. Les producteurs doivent pouvoir compter sur un prix de vente de leur production garanti, la juste rémunération de leur travail ainsi que sur des volumes régulés par une plus grande maîtrise de la production.

Monsieur le ministre, c’est un message que je tenais à vous transmettre en tant que membre de la commission des affaires sociales car j’ai bien compris lors de la réunion qui a eu lieu à Caen, au mois de juin, que les producteurs étaient dans une très grande détresse ; après les avoir entendus, j’estimais tout à fait normal de vous interroger à cet égard.

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