Ma question s’adresse à M. le Premier ministre et à Mme le garde des sceaux, et je la pose à la fois en tant que parlementaire, ancien maire de Cherbourg et ancien de DCN Cherbourg.
Elle concerne l’attentat survenu le 8 mai 2002 à Karachi contre des personnels de la Direction des constructions navales, la DCN. Lors des obsèques des victimes – ceux qui y ont assisté n’ont pas oublié –, promesse fut faite aux familles et aux milliers de salariés de DCN venus en cortège silencieux depuis leur entreprise rendre un ultime hommage à leurs compagnons que toute la vérité serait faite sur ce drame.
Sept ans plus tard, la piste terroriste d’Al-Qaïda, qui n’a jamais revendiqué l’attentat, semble s’effondrer, à telle enseigne que la justice pakistanaise a récemment remis en liberté deux personnes condamnées en première instance et innocentées en appel. Lors de la visite en France, le 15 mai dernier, du président pakistanais, les familles des victimes ont souhaité que le Président de la République obtienne de sa part des informations sur cette remise en liberté ; il n’en fut rien.
Le 18 juin dernier, lors d’un entretien avec les familles au tribunal de grande instance de Cherbourg, les deux juges d’instruction antiterroristes chargés de l’enquête ont avancé la thèse d’un règlement de compte lié à des non-versements de commissions, la qualifiant de « piste cruellement logique ».
Mes chers collègues, s’il convient d’aborder ce dossier complexe et sensible avec rigueur, le contexte judiciaire nouveau et les questions qui sont officiellement soulevées exigent que toute la lumière soit faite. Comme l’a dit l’une des victimes blessées dans cet attentat : « Si tout cela est bien vrai, alors on nous a sacrifiés. »
Je souhaite poser trois questions.
Premièrement, le Président de la République, qui, interrogé sur ce point à Bruxelles, a parlé d’une « fable », envisage-t-il, comme il s’y était engagé, de recevoir les familles des victimes ?
Deuxièmement, monsieur le Premier ministre, le Gouvernement dispose-t-il d’informations sur cet attentat ? Si oui et dans l’hypothèse où celles-ci relèveraient du secret-défense, est-il prêt à les déclassifier pour faciliter le travail des juges ?
Troisièmement, le Gouvernement entend-il faire la lumière sur le contrat de vente à l’État pakistanais des sous-marins Agosta, à l’origine de ces supposées commissions et donc, peut-être, de cet attentat ? Les déclarations dans la presse ce matin de M. Charles Millon, ministre de la défense en 1995, semblent conforter la thèse avancée par les juges antiterroristes.
Pour ce qui nous concerne, monsieur le président, nous souhaitons la constitution d’une mission d’information parlementaire sur ce sujet.
Toutes ces questions sont d’autant plus urgentes que le Gouvernement envisage la suppression des juges d’instruction et l’élargissement du champ du secret-défense, ce qui ne facilitera pas l’émergence de la vérité.