Intervention de Thierry Repentin

Réunion du 24 janvier 2008 à 9h45
Pouvoir d'achat — Article 4

Photo de Thierry RepentinThierry Repentin :

Cet amendement tend à modifier l'article 17 de la loi du 6 juillet 1989 afin qu'il soit précisé que, lorsque le propriétaire fait effectuer des travaux dans un logement qu'il loue, il ne peut imputer au locataire qu'une partie des frais qu'il a engagés, et ce à condition que le montant des travaux soit suffisamment élevé. Cela permettrait de limiter les risques qui pèseront bientôt sur les locataires de logements dont le propriétaire entreprendrait des travaux de rénovation importants.

La hausse ne pourrait excéder 15 % du coût réel des travaux d'amélioration portant sur les parties privatives ou communes quand ces travaux sont d'un montant au moins égal à la dernière année de loyer, toutes taxes comprises. Cette proposition ne prend pas en considération la possibilité qui sera peut-être ouverte, en plus, aux propriétaires de récupérer une partie de leur investissement par l'intermédiaire des charges récupérables. Dans cette perspective, un débat sur la nature des charges récupérables devra avoir lieu, et nous y participerons activement.

Reste que, aujourd'hui, en cas de travaux, les propriétaires peuvent imposer des hausses de loyers à leurs locataires, qui sont souvent contraints de les accepter compte tenu des difficultés rencontrées pour trouver un nouveau logement.

La rédaction que nous vous proposons n'est pas le fruit du hasard, pas plus que le choix du plafond de 15 %, puisqu'il s'inspire de la rédaction du décret concernant l'Île-de-France, qui prévoit depuis 2007 de limiter les hausses de loyers imputables à la réalisation de travaux dans un logement à 15 % du coût réel des travaux.

Les annonces consécutives au Grenelle de l'environnement laissent en effet espérer une accélération des mises en chantier de rénovation : en France, 63 % du parc ont été construits avant 1975, ce qui signifie que 19 millions de logements ne sont aujourd'hui soumis à aucune norme d'isolation. Or, selon la norme visée, les travaux de rénovation coûtent de 10 % à 20% plus cher selon l'état d'origine du bien considéré. Qu'adviendra-t-il du montant du loyer des bailleurs méritants, respectant les objectifs du Grenelle ? L'équation est difficile à résoudre !

Pour ces logements, le groupe opérationnel du Grenelle de l'environnement présidé par Philippe Pelletier, le président de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, a donc planché et remis quarante-quatre propositions voilà quelques jours, propositions qui visent à aider, puis contraindre à la rénovation de près de 2, 6 milliards de mètres carrés de logements existants privés.

De nombreuses propositions concernent les propriétaires occupants : elles consistent essentiellement en des extensions de prêts avantageux et d'avantages fiscaux. Plus rares sont en revanche les suggestions visant des mesures en direction des propriétaires bailleurs, et donc, par ricochet, des locataires. Il est difficile de dire combien de locataires seront concernés, mais, selon le dernier rapport sur l'évolution des loyers dans le parc privé de la direction générale de l'urbanisme, de l'habitat et de la construction, la DGUHC - auquel M. Lecomte doit être très sensible -, en 2002, le parc locatif représentait 38 % du parc des résidences principales, soit 9, 3 millions de logement ; le parc privé représentait 55 % du total et 46 % des bailleurs étaient des personnes physiques.

Pour eux, le comité présidé par M. Pelletier propose par exemple l'extension du crédit d'impôt, ou l'extension du contrat de performance énergétique, sans vraiment lever le voile sur les modalités d'application de ces mesures aux locataires.

Si, comme semble l'attester le rapport Pelletier, on se dirige à terme vers une obligation de travaux, comment peut-on être certain que les charges que devront supporter les propriétaires bailleurs ne seront pas répercutées sur les locataires, sous prétexte que les économies de charges leur seraient bénéfiques ? À la page 49, M. le rapporteur propose de prévoir explicitement la possibilité d'une récupération partielle de l'amortissement de l'investissement dans les charges en modifiant la loi du 6 juillet 1989.

Je vous propose d'anticiper cette décision par une mesure de précaution. Pourquoi ? Parce qu'en évoquant un mécanisme de surloyer - je cite la page 50 du rapport - comme « une garantie pour le locataire », il se peut que, dès aujourd'hui certains propriétaires anticipent leurs obligations. Aujourd'hui, aux termes de la loi, un propriétaire qui ferait effectuer des travaux par anticipation sur les mesures du Grenelle pourrait imposer à son locataire sans grande difficulté une hausse importante du loyer.

Vous en conviendrez pourtant, il est indispensable de ne pas exposer les locataires à une nouvelle vague de hausses brutales de loyer, qui serait consécutive à une anticipation des acteurs sur les décisions futures du Grenelle. C'est pourquoi, en adoptant dès maintenant un amendement qui viserait à limiter ces hausses, nous sécuriserions les locataires sur leur pouvoir d'achat à venir et faciliterions, du même coup, les négociations avec le propriétaire quand il s'agira, comme le précise le rapport Pelletier, de « passer à l'acte » de la rénovation.

J'espère que le ministère du logement est pleinement impliqué dans les suites du Grenelle de l'environnement et qu'il en tirera toutes les conséquences tant législatives que réglementaires.

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