Intervention de Muguette Dini

Réunion du 24 janvier 2008 à 9h45
Pouvoir d'achat — Article 5

Photo de Muguette DiniMuguette Dini :

L'article 5 du présent projet de loi tend à réduire de deux mois à un mois de loyer en principal le montant maximal du dépôt de garantie pouvant être exigé du locataire par le bailleur, l'objectif avancé étant d'augmenter le pouvoir d'achat des locataires.

Il convient en réalité de qualifier cette disposition de simple jeu de trésorerie. Le député Pierre Morange, rapporteur à l'Assemblée nationale du présent projet de loi, évoque des « effets bénéfiques immédiats sur la trésorerie des ménages », ou encore une « avance de trésorerie ». Il s'agit donc non pas de pouvoir d'achat supplémentaire, mais de décalage de dépenses identiques dans le temps.

Le dépôt de garantie est prévu au premier alinéa de l'article 22 de la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs. Si l'on se réfère aux travaux parlementaires ayant précédé le vote de cet article, le dépôt de garantie joue un double rôle : d'une part, garantir au bailleur le non-paiement du loyer ou des charges ; d'autre part, couvrir les dépenses exposées par le propriétaire lorsqu'il est obligé de remettre en état le logement après le départ du locataire. Hormis ces deux cas, la somme nominale versée en garantie est restituée au locataire après son départ des lieux. Nous sommes donc bien dans un cas de transfert de trésorerie.

Madame la ministre, comme vous le savez déjà, les dispositions de cet article ont suscité l'inquiétude et, parfois, la colère des propriétaires privés. L'Union nationale de la propriété immobilière, l'UNPI, s'en est fait l'écho, n'hésitant pas à évoquer un regain de tension entre les deux parties, et les élus que nous sommes ont reçu de nombreux courriers de particuliers bailleurs nous faisant part de leur mécontentement.

Dans les faits, l'équilibre entre les droits et obligations réciproques des bailleurs et des locataires, que tente de préserver la loi du 6 juillet 1989, est de plus en plus menacé. Le nombre de locataires mauvais payeurs et irrespectueux de l'état des lieux qui leur sont loués se multiplie. Parallèlement, il est souvent difficile et long de mettre fin à leur contrat de bail ou de les expulser.

Je tiens à citer cet exemple d'un retraité qui m'écrit en ces termes :

« Depuis août 2006, j'ai un locataire qui ne paye pas son loyer. Il aura fallu quatorze mois pour obtenir une audience auprès du tribunal. Le jugement rendu ordonne l'expulsion de mon locataire. Ce dernier a décidé de faire appel de cette décision afin de prolonger son occupation illicite des lieux. Mon avocat me dit qu'il devrait s'écouler un an avant l'expulsion effective.

« Pendant ce temps, sa dette s'alourdit. Elle s'élève aujourd'hui à plus de 44 000 euros.

« De mon côté, je dois honorer mes échéances auprès de ma banque. Je paye mes impôts fonciers et même la taxe d'enlèvement des ordures ménagères de mon locataire. Ma femme a été obligée de repousser la date de son départ à la retraite pour nous permettre de respecter nos obligations financières.

« Je suis à la retraite et j'ai construit, en partie de mes mains, la maison que nous louons, afin d'améliorer notre retraite ; mais c'est plutôt le contraire qui se produit à cause d'un locataire particulièrement indélicat. »

Nous sommes bien là face à une réelle atteinte au pouvoir d'achat des petits propriétaires privés, pour qui ces loyers sont le complément indispensable de leurs revenus ou de leurs pensions de retraite. C'est souvent le cas des commerçants et artisans retraités.

Il convient de noter que, selon un rapport de la direction générale de l'urbanisme, de l'habitat et de la construction publié en juin 2007, le parc locatif privé représente 57 % du parc locatif total, ce qui correspond à plus de 6 millions de logements. Surtout, dans le secteur locatif privé, 93 % des propriétaires bailleurs sont des particuliers dont la très grande majorité dispose de un à trois biens immobiliers loués. Les 7 % restants sont des personnes morales : sociétés privées, sociétés d'assurance et organismes d'HLM. Pour ces derniers, un contentieux en cas d'inexécution des obligations locatives ne pose pas d'énormes problèmes ; pour les petits bailleurs, en revanche, cela entraîne de lourdes conséquences financières et une perte de leur propre pouvoir d'achat.

Pour répondre à leur inquiétude, il m'a paru important de déposer plusieurs amendements.

Le premier a pour objet de rétablir la possibilité pour le bailleur de demander deux mois de loyer au titre du dépôt de garantie, assortie de l'étalement sur les dix premiers mois du bail du paiement du deuxième mois. En contrepartie, et même si cela ne peut être réglé dans la loi, il pourrait être suggéré aux bailleurs de réduire le délai maximal prévu pour la restitution du dépôt de garantie : si l'état des lieux ne permet de déceler aucune dégradation, une part importante du dépôt de garantie pourrait être restituée le jour même de la remise des clés.

Les quatre autres amendements visent à diminuer les délais de règlement des litiges qui mettent à mal le pouvoir d'achat des petits propriétaires et à améliorer l'exécution des décisions de justice en cas de défaut d'exécution des obligations locatives ou en cas d'expulsion.

Il me paraît fondamental de rassurer les petits bailleurs privés, faute de quoi une partie des 2 millions de logements du parc locatif privé jusqu'alors proposés chaque année sur le marché risque de devenir de plus en plus difficile d'accès.

Pour éviter cet écueil, je demanderai donc à mes collègues de soutenir ces amendements.

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