Intervention de Christine Boutin

Réunion du 24 janvier 2008 à 15h00
Pouvoir d'achat — Articles additionnels après l'article 5

Christine Boutin, ministre :

Au préalable, je voudrais dire que, lorsque sera mise en place, dans les prochains mois, la garantie universelle du risque locatif, au sujet de laquelle nous avons eu une discussion très intéressante ce matin, le problème des expulsions, qui sont toujours un drame humain, ne se posera plus.

C'est la raison pour laquelle je défends avec tant d'ardeur cette garantie des risques locatifs, qui répond à une demande légitime des propriétaires et comporte une dimension humaine pour les personnes menacées d'expulsion.

L'expulsion est toujours une opération très difficile, qui suscite un certain nombre d'interrogations et un sentiment d'injustice, notamment chez le propriétaire. En effet, à l'issue d'une longue procédure, établie pour protéger un individu ou une famille, le préfet n'applique pas toujours le jugement d'expulsion, pour la simple raison - je me permets d'appeler votre attention sur ce point, mesdames, messieurs les sénateurs - qu'il est excessivement délicat, sur le plan humain, de mettre quelqu'un à la rue, même s'il n'a pas payé son loyer.

Ces situations sont d'autant plus pénibles que nous manquons de logements et qu'il peut être très compliqué pour le préfet de trouver un logement disponible pour reloger les personnes expulsées.

Je me permets donc de vous redire combien il est nécessaire de construire des logements dans les mois qui viennent, afin d'éviter de tels drames. Au demeurant, la garantie des risques locatifs apportera une réponse au propriétaire et permettra de prévenir les attitudes inhumaines.

Cela dit, je souhaiterais vous expliciter plus longuement l'avis du Gouvernement, avis qui vaudra également pour les amendements suivants.

La mesure d'expulsion est une mesure qui doit être un recours ultime. C'est un acte lourd. En effet, lorsqu'une famille est expulsée, lorsque des enfants se retrouvent à la rue, une rupture se produit. Elle peut être irréversible. Le coût pour la société peut alors être très élevé.

Quand une famille est de bonne foi, nous devons bien sûr tout faire pour éviter l'expulsion. Il faut tout mettre en oeuvre pour permettre aux personnes de trouver des solutions face aux difficultés qu'elles rencontrent. Les dispositifs sociaux dont nous disposons en France devraient le permettre.

En revanche, lorsqu'une personne est de mauvaise foi, quand elle crée des troubles de voisinage, la mesure d'expulsion se justifie et les retards constatés dans sa mise en oeuvre sont préjudiciables. Et, vous le savez bien, la frontière entre la bonne et la mauvaise foi peut parfois être très ténue.

Bien sûr, un propriétaire qui met en location son bien doit en être justement rémunéré : c'est le respect de la propriété et du contrat. C'est pourquoi le droit du bailleur à l'exécution d'une décision de justice doit se concilier avec la protection des intérêts de l'occupant du logement.

C'est bien à la loi, à la représentation nationale, de veiller à cet équilibre entre des revendications individuelles et un équilibre social. Ce devoir est au coeur de notre pacte républicain.

C'est la raison pour laquelle le législateur a prévu des délais permettant de différer la procédure d'expulsion afin de tenter de mettre en oeuvre toutes les solutions favorisant la prise en charge de la famille, de la solvabilisation au relogement.

En premier lieu, il est proposé d'abroger l'article 62 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution. De tels délais permettent en pratique à l'occupant de bonne foi de trouver une solution de relogement, évitant ainsi une mesure d'expulsion coûteuse pour le bailleur. Dès lors, il y a plus d'inconvénients que d'avantages à les supprimer.

En second lieu, il est proposé d'abroger les articles L. 613-1, L. 613-2 et L. 613-2-1 du code de la construction et de l'habitation. Or la notification des décisions d'expulsion aux préfectures permet aux préfets de recenser et de mobiliser les capacités de relogement des personnes expulsées avec l'aide des commissions spécialisées de coordination des actions de prévention des expulsions locatives, en vertu de l'article 4 de la loi du 31 mai 1990.

À défaut de pouvoir mobiliser les services de l'État, nous laisserions les personnes totalement démunies.

La loi DALO du 5 mars 2007 a justement confié aux préfets le recensement des personnes ayant besoin de relogement, dans le cadre des commissions de médiation départementales. Ce droit au logement opposable, dont je suis une militante active, nous le mettons en oeuvre depuis le 1er janvier pour les six catégories ultra-prioritaires, et, dès le 1er décembre prochain, les personnes pourront se retourner contre l'État. Nous devons assurer la cohérence de notre politique.

Ces mesures, qui protègent les locataires, trouvent leur pendant vis-à-vis des propriétaires. C'est pourquoi le Gouvernement a travaillé à la mise en place de la garantie des risques locatifs, en lien avec les partenaires sociaux du « 1 % logement ». Le dispositif est d'ores et déjà opérationnel et permet de couvrir tous les publics qui disposent de revenus. Son coût est aujourd'hui de 2, 5 % du coût du loyer.

La réflexion sur l'universalisation a été engagée, je vous l'ai dit tout à l'heure, dès le 12 juillet 2007, lors du colloque au Conseil économique et social. Dans son discours de Vandoeuvre-lès-Nancy du 11 décembre dernier, le Président de la République a déclaré : « D'ici à la fin de l'année 2008, l'État va apporter sa garantie financière pour que les risques d'impayés de loyers de toutes les personnes à faibles revenus puissent être couverts par une « garantie des risques locatifs ». »

Mais je veux un système encore plus ambitieux, mesdames, messieurs les sénateurs. Je souhaite que soit mise en oeuvre une assurance contre les risques d'impayés de loyers qui concernent l'ensemble des propriétaires et des locataires. En mutualisant les risques pour tous, on en réduira le coût pour chacun.

Ce dispositif doit être mis en place avec l'adoption du projet de loi qui sera présenté au cours du premier semestre après concertation engagée par le Premier ministre et le ministre du logement et de la ville. Il doit être opérationnel dès l'été.

Une mission a été confiée par Mme Christine Lagarde et moi-même à Mme Sabine Baïetto-Beysson, directrice de l'ANAH, et M. Béguin, du groupe d'assurance Generali. Elle doit rendre ses propositions très prochainement.

Les questions qui se posent sont liées au caractère obligatoire ou non de cette garantie des risques locatifs et à son coût par rapport au loyer.

Vous le comprenez, notre volonté politique est de parvenir à un système qui permette de couvrir les risques pour tous les propriétaires, quel que soit le locataire, de bonne foi ou non, à un prix « indolore ».

Vous reconnaîtrez que ces questions n'ont pas entièrement leur place dans le présent texte sur le pouvoir d'achat.

Pour toutes ces raisons, je vous demanderai, mes chers collègues, de retirer vos amendements ainsi que les suivants. À défaut, je serais obligée - j'en serais désolée - d'émettre un avis défavorable.

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