Intervention de Pierre Fauchon

Réunion du 24 novembre 2004 à 15h00
Compétences du tribunal d'instance de la juridiction de proximité et du tribunal de grande instance — Adoption des conclusions du rapport d'une commission

Photo de Pierre FauchonPierre Fauchon, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis bien des années déjà, la commission des lois poursuit le double objectif de doter notre appareil judiciaire d'une juridiction adaptée au contentieux de masse, dit aussi de proximité - je ne distinguerai guère les deux notions au cours de mon propos - et de réaliser une meilleure participation de la société civile à l'oeuvre de justice, objectif qui n'est pas moindre.

Nos collègues MM. Arthuis, Haenel, Jolibois, Hyest et Cointat, ainsi que votre rapporteur, oeuvrent en ce sens depuis plusieurs années. La loi organique du 19 janvier 1995 instituant les magistrats à titre temporaire aurait pu marquer une étape décisive. Pour des raisons qui restent à élucider, cette institution n'a pas eu les suites souhaitées par ses initiateurs.

Heureusement, ceux-ci, plus attachés à la perspective des résultats concrets qu'à la satisfaction de leurs préférences, ont su adapter avec confiance, sinon avec enthousiasme, la proposition gouvernementale tendant à créer une juridiction de proximité autonome, confiée à des magistrats du type de ceux qui avaient été imaginés en 1995.

Cependant, alors que cette juridiction se met progressivement en place, parvenant à surmonter les entraves de toutes sortes, qui sont, hélas ! le lot de toute innovation, il apparaît que le champ de compétence initialement attribué, que l'insuffisance des statistiques analytiques ne permettait pas d'apprécier, est trop étroit, du moins dans le domaine des affaires civiles, pour permettre la densité d'activité sans laquelle une mission nouvelle ne peut faire ses preuves. J'ai entendu parler d'une dizaine d'affaires par mois, ce qui est trop faible.

Alertés par la Chancellerie, les collègues précités, auxquels s'est joint notre excellent collègue M. Zocchetto, très averti de ces questions par son activité professionnelle, ont rédigé une proposition de loi tendant à élargir le champ de compétence de la juridiction de proximité, et, par contrecoup, celle des tribunaux d'instance. A cette démarche, ils proposent d'en ajouter une autre, plus originale, mais aussi plus significative, puisqu'il s'agit de faire appel aux juges de proximité pour compléter les formations collégiales - du moins lorsqu'elles subsistent - des tribunaux correctionnels.

Enfin, il a paru opportun de saisir l'occasion de cette proposition de loi pour apporter quelques aménagements particuliers au système des compétences d'attribution.

Aucune de ces questions ne mérite, du moins aux yeux de la majorité de votre commission, de faire l'objet de débats fondamentaux, à moins de reprendre ceux que nous avons connus lors du vote de la loi initiale.

Il s'agit ici non pas de tirer les conclusions d'une expérience, qui est encore insuffisamment large et insuffisamment longue, mais de procéder aux ajustements qui paraissent nécessaires afin que cette expérience porte tous ses fruits.

Pour élargir le champ de compétence de la juridiction de proximité, il nous est proposé, d'une part, d'élever à 4 000 euros l'intérêt du litige attribué à cette juridiction et, d'autre part, de supprimer l'exclusion des litiges d'intérêt professionnel ainsi que ceux intéressant les personnes morales, limitations qui, à la réflexion, ne paraissent pas justifiées.

La commission des lois vous propose d'approuver ces mesures qui paraissent raisonnables, en tout cas au stade expérimental où nous sommes, tout simplement parce qu'elle souhaite donner toutes ses chances à la juridiction de proximité.

Conséquence directe de cette élévation du taux d'intérêt du litige, il convient de relever aussi à 10 000 euros le taux d'intérêt des litiges dont connaissent les tribunaux d'instance.

Il s'agit au demeurant, dans une large mesure, d'une simple actualisation. Il serait contraire à nos intentions de créer une situation dans laquelle le champ de compétence des tribunaux d'instance se trouverait réduit comme une peau de chagrin.

Je trouve ici l'occasion d'affirmer avec force qu'il n'est aucunement dans nos intentions de réduire les responsabilités du juge d'instance, dont nous n'ignorons ni la charge de travail, ni la compétence, ni le dévouement, ni la motivation, qui relèvent souvent du concept de vocation. Nous voyons au contraire en eux le pivot, l'axe professionnel d'une justice de proximité plus largement repensée et qui pourrait relever tout entière d'une juridiction unique faisant appel aux diverses modalités dites alternatives.

S'agissant de la possibilité, pour le président du TGI, de faire appel au concours des juges de proximité pour compléter les juridictions collégiales correctionnelles, la commission des lois y voit le double avantage de contribuer au maintien de ces formations collégiales et de permettre aux juges professionnels, qui restent majoritaires de bénéficier du concours d'hommes ayant cette connaissance concrète des choses de la vie, que l'expérience peut seule apporter et qui est tout aussi utile que la science juridique. Nous avons bien entendu respecté les prescriptions du Conseil constitutionnel et nous pensons être à l'abri de toute contestation.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion