C'était un simple rappel au règlement !
A l'école de Montaigne, nous dirions volontiers : « Il y a aucuns de nos Parlements, quand ils ont à recevoir des officiers de justice, qui les examinent seulement sur la science ; les autres y ajoutent encore l'essai du bon sens, en leur présentant le jugement de quelque cause. Ceux-ci me semblent avoir un peu beaucoup meilleur style ; et encore que ces deux pièces soient nécessaires et qu'il faille qu'elles s'y trouvent toutes deux, si est-ce qu'à la vérité celle du savoir est moins prisable que celle du jugement ; celle-ci se peut passer de l'autre, et non l'autre de celle-ci. » Pardonnez le style, mais c'est le charme de Montaigne !
S'agissant d'une remise en ordre des compétences d'attribution, la commission, tout en acceptant de souscrire aux vues des auteurs de la proposition de loi, a cru pouvoir, en plein accord avec eux, d'ailleurs, modifier certains points particuliers. Elle a ainsi considéré que, s'il peut être intéressant de regrouper les contentieux de même nature, tels que la propriété ou le crédit à la consommation, ces regroupements ne doivent pas aller jusqu'à méconnaître la spécificité des litiges de proximité qui peuvent être maintenus dans le champ de cette juridiction, dès lors que ni la gravité des conséquences ni la complexité des problèmes posés ne justifient que leur connaissance soit réservée à des magistrats professionnels.
Dès lors, il nous paraît raisonnable de réserver aux tribunaux d'instance la connaissance du contentieux du crédit à la consommation, des actions aux fins d'expulsion des occupants sans droit ni titre, ainsi que des impayés de loyers. Car, en pratique, le recouvrement des impayés de loyers et les poursuites y afférentes sont toujours accompagnés d'une demande de résiliation du bail, donc d'une expulsion. Il nous paraît également raisonnable de regrouper, au niveau des TGI, les actions possessoires et pétitoires, dont la distinction n'est pas toujours aisée, étant entendu que le juge des référés pourra résoudre les questions relevant authentiquement du possessoire.
Le même bon sens nous paraît militer en faveur du maintien dans le champ du tribunal d'instance des actions en paiement direct des pensions alimentaires, en paiement des charges de copropriété ou encore des poursuites pour diffamation et injures commises autrement que par voie de presse.
Il y a plusieurs façons d'entendre le mot « cohérence ». Celle qui correspond à la notion de justice de proximité mérite, elle aussi, d'être prise en considération, car nous voulons, en plein accord avec le Gouvernement, permettre à ces juges de répondre pleinement à la demande d'une justice qui corresponde effectivement à la notion de proximité au sens non seulement physique du terme, mais également moral et procédural.
A ce prix, nous espérons tout à la fois dégager les magistrats professionnels d'une partie du contentieux de masse qui accable les prétoires et contribuer à rétablir entre les justiciables et la justice le rapport de confiance qui, avouons-le, fait trop souvent défaut dans la situation actuelle.
Cette espérance sera-t-elle satisfaite ? Les uns diront « oui », les autres « non ». Nous verrons bien ! Pour notre part, bien évidemment, nous sommes confiants et nous apportons donc notre soutien aux actions de ceux qui ont reçu la mission de mettre en oeuvre cette réforme, spécialement au chef de cette mission.
Pour autant, nous ne croyons pas que la présente étape mette un point final aux initiatives du législateur. Nous restons en effet persuadés que, à l'issue d'une période d'expérimentation complète, qui durera naturellement quelques années, il conviendra de faire le point, d'une part, sur le statut et les conditions d'action des juges de proximité, qui ne sont peut-être pas arrêtés définitivement, d'autre part ; sur le positionnement définitif de ces juges au sein de l'appareil judiciaire.
C'est alors qu'il conviendra, en particulier, de choisir entre la formule d'une juridiction autonome, qui a été délibérément préférée au départ pour permettre à ces nouveaux juges d'affirmer l'originalité de leur mission, et celle d'un regroupement organique de ces juges aux côtés des médiateurs et des conciliateurs, au sein d'une justice d'instance repensée comme ayant vocation à couvrir tout le champ du contentieux de masse et de proximité, et caractérisée par une direction générale assurée par un juge professionnel, l'actuel juge d'instance, qui accéderait ainsi au statut de président de cette nouvelle juridiction de base.
Nous avons de fortes raisons de penser que cette solution aurait de multiples mérites. Il en résulterait en effet une unité et une visibilité, ainsi qu'un meilleur équilibre entre les formes alternatives de juridiction et la responsabilité éminente, et qui doit le rester, - nous sommes tous d'accord sur ce point - des magistrats professionnels.
Souhaitons que l'avenir, mieux aménagé par le présent texte, nous apporte des éléments d'expérience qui permettront d'effectuer ce choix en toute sérénité et en toute connaissance de cause.
C'est dans cette perspective, dans cet esprit, et pour ces raisons que la commission des lois vous propose d'adopter la proposition de loi de nos collègues Jean-Jacques Hyest, Christian Cointat et François Zocchetto, ainsi amendée.