Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 a créé la justice de proximité afin de répondre à la demande significative de nos concitoyens de rendre l'institution judiciaire plus proche d'eux.
Il s'agissait d'ouvrir l'institution judiciaire aux Français, comme c'est le cas depuis bien longtemps pour les assesseurs des tribunaux pour enfants ou encore pour les jurés de cours d'assises.
L'attente des Français est forte en matière de proximité, comme l'a encore récemment souligné l'étude d'opinion publiée par un grand hebdomadaire. Nous devons y être sensibles.
L'institution judiciaire a tout intérêt à assumer l'ouverture et la diversification de son recrutement. Cela ne peut être qu'un gage d'avenir, de progrès et d'efficacité.
A ce jour, 172 juges de proximité ont été nommés. Ils seront sans doute 300 à la fin de cette année.
On peut aujourd'hui établir un constat provisoire : la valeur professionnelle de ces juges est incontestable. La loi que vous aviez votée garantissait d'ailleurs leur valeur professionnelle. On peut donc étendre leurs compétences civiles et pénales, comme le prévoit votre proposition de loi.
En matière civile, la proposition de loi tend à actualiser les taux de compétence, afin de les rendre plus cohérents avec l'évolution de la vie économique. Ce taux est ainsi porté à la somme de 4 000 euros pour la juridiction de proximité. L'ajustement corrélatif du taux de compétence des tribunaux d'instance va dans le même sens. Le relèvement simultané de ces deux plafonds permettra de préserver la capacité d'action des tribunaux d'instance et le volume d'affaires qu'ils auront à traiter. Pour ma part, je l'approuve tout à fait.
Par ailleurs, la juridiction de proximité devient compétente, à l'exemple de la juridiction d'instance, pour toute action mobilière ou personnelle. Cette disposition va également dans le sens d'une plus grande cohérence.
La justice de proximité pourra aussi être saisie directement par les personnes physiques et morales. Cela constitue, me semble-t-il, une simplification. Les premiers mois de fonctionnement ont en effet montré que le dispositif initial était source d'une complexité tout à fait préjudiciable à l'objectif que nous avions, ensemble, souhaité atteindre.
L'extension des compétences des juges de proximité qui vous est proposée me paraît mesurée. Le tribunal d'instance conserve toute sa compétence pour les contentieux techniques. C'est un point très important, qu'un certain nombre d'organisations représentatives ou de groupes d'intérêt économique avaient souligné. Il en est ainsi du contentieux du crédit à la consommation et du contentieux locatif, qui peuvent être assez techniques et qui requièrent des juges une expérience plus longue. Ces litiges continuent donc de relever de la compétence du tribunal d'instance.
La proposition de loi prévoit également un certain nombre d'évolutions en matière de procédure. Je n'entre pas dans le détail, car nous aurons l'occasion d'y revenir lors de l'examen des articles.
Les juges des tribunaux de grande instance se verront ainsi confier la protection non seulement de la propriété matérialisée par un titre, mais également celle de la possession. Il s'agit de permettre à nos concitoyens de ne pas se perdre dans les arcanes des compétences respectives des multiples juges.
En matière pénale, la proposition de loi confirme la compétence du juge de proximité en matière de validation de toutes les compositions pénales, sur délégation du président du tribunal de grande instance. Cette procédure, il est important de le rappeler à l'occasion de ce débat, exclut toute peine privative de liberté.
S'agissant des contraventions, la proposition de loi prévoit que le tribunal de police est compétent en ce qui concerne les contraventions de cinquième classe. La juridiction de proximité sera, quant à elle, compétente pour les quatre premières classes de contraventions. Cette disposition a le mérite de la clarté. De plus, elle améliore la lisibilité pour nos concitoyens.
Par ailleurs, le juge de proximité aura la possibilité de siéger aux cotés de deux magistrats professionnels dans les formations collégiales correctionnelles, dans le respect, bien entendu, des limites fixées dans une jurisprudence antérieure par le Conseil constitutionnel. Il s'agit là d'une innovation extrêmement intéressante, qui me semble faire l'objet d'un consensus assez large chez celles et ceux qui s'intéressent à ces questions.
En conclusion, madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, vous l'aurez compris, le Gouvernement est favorable à cette proposition de loi, qui permettra un meilleur ancrage des juges de proximité au sein de l'institution judiciaire et une plus grande ouverture de cette institution aux citoyens.
Il s'agit non pas de remettre en cause le rôle irremplaçable des magistrats professionnels, mais de faire bénéficier l'institution de l'expérience de juges non professionnels. C'est, me semble-t-il, un véritable enrichissement.
M. le rapporteur a évoqué d'éventuelles évolutions et a souhaité que la justice de proximité, qui vient d'être mise en place en tant que juridiction autonome, puisse, à l'avenir, être rattachée de façon plus explicite à la justice d'instance.
Lorsque, d'ici à deux ou trois ans, nous dresserons le bilan de la justice de proximité, la réflexion que vous appelez de vos voeux, monsieur le rapporteur, pourra alors être menée. Dans l'immédiat, il nous faut poursuivre la mise en place de la justice de proximité avec les ajustements que vous proposez.