Intervention de Christian Cointat

Réunion du 24 novembre 2004 à 15h00
Compétences du tribunal d'instance de la juridiction de proximité et du tribunal de grande instance — Adoption des conclusions du rapport d'une commission

Photo de Christian CointatChristian Cointat :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la justice est la respiration de la démocratie. Si elle manque de souffle, c'est tout le corps de l'Etat qui en souffre. Or, depuis plusieurs années déjà, on constate, phénomène inquiétant, que les citoyens n'ont plus toujours foi en la justice.

Celle-ci paraît trop lente, trop compliquée, trop éloignée de leurs préoccupations, trop incertaine.

Pourtant, elle est rendue au nom du peuple français. Pourtant, les magistrats et les auxiliaires de justice sont de haut niveau et ont du talent. Pourtant, ils croient en leurs missions.

Cet éloignement et cette incompréhension proviennent essentiellement d'un encombrement des tribunaux en raison d'une multiplication d'affaires de plus en plus complexes et d'un accroissement des tâches administratives qui « noient » les magistrats et les empêchent de se consacrer entièrement aux affaires juridictionnelles.

Il fallait réagir, et vite. C'est dans cet esprit, pour apporter des réponses concrètes à une attente pressante, que le Gouvernement a préparé puis soumis au vote du Parlement, ce dont on peut se féliciter, la loi organique relative aux juges de proximité. Ce texte s'inspirait d'ailleurs de plusieurs rapports du Sénat, notamment de celui de la mission d'information sur l'évolution des métiers de la justice, conduite par M. Hyest, et dont j'ai eu l'honneur d'être le rapporteur.

Cette nouvelle juridiction de proximité se met progressivement en place, avec toutes les précautions et la prudence nécessaires compte tenu des enjeux. Bien entendu, comme tout ce qui est nouveau, cette approche différente d'une justice rendue - pour les affaires de moindre importance, il faut le rappeler - par des magistrats non professionnels, mais avec des compétences juridiques confirmées et une expérience approfondie de la vie civile, continue de susciter des réticences de la part de ceux qui sont hostiles au changement, mais sans vouloir le reconnaître.

Pourtant, si cette approche modifie les comportements, elle n'est pas inédite puisque, pendant une période de près de 170 ans étendue sur trois siècles, cette pratique n'a pas été contestée : de 1790 à 1958, les juges de paix ont fait partie intégrante du paysage judiciaire français. Il a même fallu attendre 1926 pour que des connaissances juridiques leur soient demandées. Auparavant, il n'apparaissait pas fondamental qu'ils aient faits « de la science du droit une étude particulière ».

Leur remplacement en 1958 par les juges d'instance, juges professionnels, pouvait se justifier par le volume des affaires à traiter.

Aujourd'hui, le système est encombré ; il s'essouffle, il s'étouffe. Aussi, ces juges de proximité, magistrats non professionnels, mais recrutés par le Conseil supérieur de la magistrature avec un soin tout particulier et des contrôles approfondis, sont de nature à apporter la bouffée d'oxygène qui est nécessaire. Encore faut-il que le dispositif soit calibré au mieux.

En dépit de la mise en place récente de cette nouvelle juridiction de proximité, il est très vite apparu, pendant ce que l'on peut appeler la période de rodage, que certains « réglages » méritaient d'être revus.

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