Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite tout d'abord vous faire part de la stupéfaction qui a été la nôtre, partagée d'ailleurs par la quasi-totalité des professionnels de justice, à l'annonce, d'abord d'un projet de loi étendant les compétences des juges de proximité, ensuite de la substitution au projet de loi d'une proposition de loi identique.
En effet, comment une telle proposition de loi peut-elle nous être présentée, alors que la mise en place des juges de proximité, laborieuse et tout juste balbutiante, n'est guère à porter au crédit de cette réforme ?
Nous nous sommes opposés, voilà deux ans, à la loi organique relative aux juges de proximité, et ce pour plusieurs raisons que je rappellerai très brièvement.
Loin de « déjudiciariser » les conflits, elle contribue à la multiplication des ordres de juridiction et des magistrats aux compétences enchevêtrées. Elle contrevient au principe constitutionnel d'égalité devant la justice. Elle confère, pour la première fois, à un juge unique non professionnel une compétence pénale.
Nous étions très sceptiques quant à l'ouverture à la société civile que vous invoquiez à l'époque, monsieur le ministre et chers collègues de la majorité, car nous craignions un glissement vers un recrutement de notables.
D'ailleurs, lorsque nous avions proposé le recrutement, par défaut, comme juges de proximité, de personnes ayant une expérience judiciaire dans le monde de travail, tels les conseillers des prud'hommes, vous avez refusé, levant les bras au ciel.
Nous étions dubitatifs sur la réalité des économies attendues.
Or, deux ans plus tard, et avant même que soit dressé le bilan que vous aviez pourtant promis, monsieur le ministre, et qui était censé infirmer nos craintes, il nous est proposé d'étendre les compétences de ces juges de proximité. Pour l'instant, ils ne sont pas suffisamment nombreux pour que nous puissions juger de la situation, encore que celle-ci ne semble pas très satisfaisante.
Actuellement, 172 juges de proximité sont en exercice, alors qu'il était prévu, selon les calculs de la Chancellerie de l'époque, d'en recruter 3 300, ce qui équivaut à 330 magistrats plein temps. Nous n'en sommes aujourd'hui qu'à 17 juges plein temps.