Intervention de Bernard Murat

Réunion du 24 novembre 2004 à 22h00
Sport professionnel — Adoption définitive d'une proposition de loi

Photo de Bernard MuratBernard Murat :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'organisation du sport professionnel en France fait l'objet, depuis plusieurs années, d'une réflexion menée par les pouvoirs publics afin que soit édifié dans notre pays un sport professionnel de valeur et la proposition de loi que nous examinons ce soir s'inscrit dans le droit-fil des recommandations formulées.

Comme dans bien d'autres domaines qu'il souhaite réformer, le Gouvernement a privilégié la concertation.

A la suite des états généraux du sport qui se sont conclus à la fin de 2002, et qui ont abouti, je le rappelle, à l'adoption de deux textes législatifs importants, l'un du 30 décembre 2002 et l'autre du 1er août 2003, vous avez, monsieur le ministre, toujours soucieux de mieux appréhender les enjeux auxquels fait face le sport professionnel, engagé plus précisément la réflexion en la matière.

Dans un rapport remis voilà moins d'un an, Jean-Pierre Denis, inspecteur des finances, a dressé le constat des différences de compétitivité existant entre les clubs français et ceux des pays européens, dues en partie au poids des prélèvements obligatoires sur les joueurs, qui sont des contribuables français comme les autres.

Dans ce rapport étaient également évoquées quelques pistes de réforme, qui ont ensuite été étudiées par une commission de travail au sein du ministère et reprises dans le cadre de cette proposition de loi.

Ce texte représente donc une avancée, qui rencontre l'assentiment des milieux sportifs, toutes disciplines confondues, avec pour objectif de rendre nos clubs professionnels plus compétitifs au niveau international, capables de rivaliser avec les plus grands clubs européens.

Cette avancée doit être poursuivie avec détermination. Nous savons, monsieur le ministre, que telle est votre volonté. Nous vous y aiderons.

Comme l'a rappelé notre excellent rapporteur, Jean-François Humbert, il est apparu nécessaire d'améliorer tout d'abord la situation du sport professionnel au regard des prélèvements sociaux.

En conséquence de l'article 1er du texte proposé, relatif à la rémunération de l'image collective des équipes professionnelles, les sportifs professionnels seront dorénavant soumis à un régime distinguant dans leur rémunération un salaire assujetti aux cotisations sociales du régime général de sécurité sociale et des redevances représentant l'exploitation de leur image, qui ne seront pas soumises aux charges sociales.

Cette mesure est demandée depuis longtemps pour pouvoir rivaliser avec les clubs européens. Cet aménagement est justifié par la proximité de situation des joueurs professionnels avec celle des artistes interprètes. Le droit à l'image visé ne concernera pas uniquement les sportifs à forte notoriété, qui ont déjà des contrats de publicité, mais visera la grande majorité des joueurs professionnels, qui n'ont pas d'autres moyens de rémunération de leur image.

Surtout, nous allons vers plus de transparence.

Monsieur le ministre, permettez-moi, à titre personnel, de souligner que les entraîneurs, bien qu'ils restent libres de valoriser leur image à titre individuel ou par contractualisation avec leur club, participent à la valorisation de l'image de leur équipe et que, à ce titre, il serait peut-être judicieux que leur soit appliqué ce dispositif.

N'oublions pas que l'Europe a aussi le regard tourné vers nos meilleurs entraîneurs. Quand on cite les performances d'un club dans une compétition, on précise toujours le nom de l'entraîneur en référence.

La question se pose aussi pour les sportifs dont l'image continuerait à être exploitée, par exemple lors de rediffusions télévisées, mais qui auraient quitté le club et ne bénéficieraient donc plus du droit institué par le dispositif. Elle se pose également pour les héritiers des sportifs.

Je proposerai une piste qui pourrait éventuellement être approfondie, à savoir la création d'une sorte de structure de mutualisation de la gestion des droits correspondant à la valorisation de l'image collective. Ce type de dispositif existe déjà pour les artistes interprètes et nous pourrions, par exemple, nous inspirer de la société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, la SACEM.

L'article 3 prévoit la suppression du versement de 1 % sur les contrats de travail à durée déterminée. La motivation du législateur était, en instaurant ce versement, d'encourager la transformation des emplois temporaires en emplois durables. Or ce n'est pas possible dans le cadre du sport professionnel en raison de sa spécificité, puisque le contrat à durée déterminée y est la règle, la durée d'engagement d'un sportif étant par nature limitée. Il n'est donc pas logique de faire entrer le sport professionnel dans le champ d'application de la loi.

De plus, si la cotisation de 1 % a également pour objet de financer les congés individuels de formation, force est de constater que les sportifs ne profitent quasiment jamais de ces congés. La solution est à rechercher ailleurs, toujours en raison du caractère spécifique de cette profession. Pour le moment, l'essentiel de la reconversion des joueurs est assuré par leurs syndicats professionnels, auxquels ils cotisent.

D'autres pistes de réforme peuvent être envisagées. Des solutions d'aide aux clubs ne doivent pas faire oublier que le sport professionnel est en attente d'une harmonisation de la fiscalité européenne. A de nombreuses reprises, notamment dans le rapport Denis, a été évoqué en particulier le remplacement de la taxe sur les spectacles par une TVA à taux réduit.

Il faudra aussi trouver des solutions pour la formation en vue d'une reconversion. Beaucoup de joueurs professionnels entament une seconde vie professionnelle en tant qu'entraîneurs. Il est donc de notre devoir de faciliter cette évolution naturelle au bénéfice des clubs français.

Ensuite, s'est imposée l'idée qu'il fallait réduire le décalage existant entre le droit et la réalité.

Ainsi, l'article 2 relatif à la sécurisation de la situation de travail des sportifs sélectionnés en équipe de France crée une dérogation à l'interdiction du prêt de main-d'oeuvre à but lucratif pour les sportifs sélectionnés en équipe de France. Il s'agit d'une mesure de bon sens.

Les sportifs ayant l'obligation d'être à la disposition de l'équipe de France, il faut empêcher une qualification éventuelle en prêt de main-d'oeuvre illicite.

En matière d'accidents du travail, la caisse nationale d'assurance maladie pouvait remettre en cause la couverture accident en estimant que le lien de subordination entre le joueur et le club employeur n'existait plus.

Les mesures proposées aux articles 4 et 5 rassureront les investisseurs potentiels. Il s'agit d'un signe fort qui leur est adressé. Les clubs ont besoin de la participation d'investisseurs privés pour fonctionner et atteindre un niveau comparable à celui des autres clubs européens. C'est une réalité !

L'article 4 autorise la prise de participation dans le capital de plusieurs entreprises par les sociétés sportives.

Il répond aux directives européennes, les clubs risquant de faire l'objet de procédures si l'on ne modifie pas notre législation.

Une garantie est prévue : si l'on peut être actionnaire dans plusieurs sociétés sportives, on ne peut en revanche être majoritaire que dans une seule. La situation est identique dans le rugby.

En s'en tenant au droit antérieur, on finirait par aboutir à des ligues fermées, sur le modèle anglo-saxon.

Pour autant, je ne méconnais pas les critiques selon lesquelles un même actionnaire qui investirait dans plusieurs clubs engagés dans une même compétition pourrait avoir un effet sur la qualité du recrutement en raison d'une péréquation qui ne serait pas tout à fait égalitaire.

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