Elle n'y a pas fait référence en tout cas !
Je suis moins étonné par le fait que ni l'Assemblée nationale ni le Gouvernement n'en aient tenu aucun compte, car c'est une tradition bien établie de notre vie parlementaire.
Monsieur le ministre, vous avez apporté, au nom du Gouvernement, votre soutien à une proposition de loi dont les objectifs n'ont rien de scandaleux, mais qui préconise des moyens tellement provocants pour y parvenir qu'on ne peut qu'être abasourdi par l'énormité de la faute politique commise.
A ce stade, je me contenterai de présenter les raisons pour lesquelles on en est arrivé là et les mesures qu'il faudrait prendre pour réguler le football.
La proposition de loi que nous examinons traduit une totale négligence à l'égard du fonctionnement de l'économie du football et met en place des mesures aussi inefficaces qu'injustes.
Ce secteur connaît de graves déséquilibres financiers, économiques et sportifs, qui sont le résultat des contradictions actuelles du football professionnel dans un contexte d'insuffisante régulation.
Ces défauts de cohérence provoquent en premier lieu une série d'importants déséquilibres financiers.
Pourtant, l'accumulation des pertes de certains opérateurs et l'endettement croissant du secteur constituent des paradoxes compte tenu du boom commercial que le football a connu depuis une décennie.
Je citerai quelques données : les pertes cumulées de la Ligue 1, en France, atteignaient 162 millions d'euros pour la période 1996-2002, 166 millions d'euros pour 2001-2002, et 150 millions d'euros pour 2002-2003.
En Italie, le montant de ces pertes s'élevait à 233 millions d'euros en 1998. Il atteignait 710 millions d'euros en 2001 !
En Angleterre, le pays européen où le football est le plus prospère, les pertes étaient de 114 millions d'euros en 2001.
La situation réelle d'endettement du football professionnel en Europe n'est pas totalement connue et ce défaut de transparence des comptes est significatif d'une absence de maturité économique du secteur. Mais, au vu des pertes constatées, on imagine sans peine que la croissance de l'endettement n'est pas supportable.
Face à cette situation, les responsables du football tiennent un discours qui n'est pas à la mesure des problèmes. Pourtant, c'est ce discours qui est entendu et que prolonge cette proposition de loi !
Ces responsables disent en substance que, certes, la situation est préoccupante, mais que, si l'on cède à leurs revendications, notamment en terme de soutien public, tout reviendra dans l'ordre. Ce discours néglige l'existence de problèmes structurels. Or ce sont ces problèmes qu'il faut résoudre !
Les déséquilibres financiers accumulés traduisent l'existence d'un déséquilibre économique engendré par une mauvaise gouvernance du football. Celle-ci cumule les défauts d'un système de rétribution qui exacerbe les comportements à risque et l'absence de régulateurs permettant d'imposer la discipline indispensable.
Enfin, les pertes accumulées ne seraient pas supportables sans l'intervention « d'investisseurs à fonds perdus ». Or si ces interventions permettent de boucler le budget du secteur sur un plan comptable, elles ne peuvent être jugées - bien au contraire ! - comme relevant d'une saine régulation. Par exemple, si la bulle salariale qu'a connue le football est due à l'explosion des recettes, elle provient aussi et surtout d'anticipations de ressources excessives.
Tous ces éléments ont entraîné des pertes, qui n'ont pu être comblées que parce que certains intervenants ne connaisssent pas de réelle contrainte financière. Ce problème doit être réglé.
Un autre grand responsable du déséquilibre du secteur est le système de rétribution en vigueur dans le football européen. Une relation directe existe entre l'ampleur des pertes et l'inégalité des systèmes de rétribution financière des performances sportives.
Au sein du football européen, les performances sportives conditionnent étroitement les recettes des clubs, notamment à travers les systèmes de répartition des droits de retransmission, mais aussi parce qu'elles favorisent l'accès aux sponsors, aux marchés des produits dérivés, etc. La course à la performance sportive est donc aussi une course aux recettes, qui suppose un accroissement des investissements en capital humain. Il y a là une véritable « course aux armements ».
Le problème est que les stratégies individuelles de différenciation ne sont jamais suffisantes pour que l'aléa sportif et, partant, l'aléa financier soient entièrement maîtrisés. Il reste toujours dans le sport une part d'incertitude, ne serait-ce que par le nombre de concurrents : il y a toujours plus d'appelés que d'élus. Tout cela conduit à des pertes structurelles.
Or, plus l'espérance individuelle de gains est importante, plus cette mécanique est puissante et déstabilisante et plus l'augmentation des coûts dans chaque club est considérable, entraînant une amplification des pertes subies par les vaincus et une diminution des profits des vainqueurs.
Face à cette somme d'ambitions individuelles inconciliables, on peut imaginer qu'un régulateur intervienne pour rendre compatibles les stratégies individuelles des acteurs, ce qui est extrêmement difficile à réaliser dans les faits.
C'est donc en amont qu'il faut intervenir. Il faut modérer les ambitions plutôt que de les exacerber et, au moins, plafonner le ratio entre les ressources attribuées au club le plus rétribué et celles attribuées au club le moins rétribué, à partir des produits résultant de la commercialisation des compétitions. Or les systèmes mis en place vont à rebours de cette exigence.
Bien doser le système d'incitations se révèle essentiel, mais cela ne suffira pas à prévenir un décalage entre les charges salariales et les ressources ordinaires des clubs. Pour préserver les équilibres financiers, la masse salariale de chaque club ne doit pas excéder un plafond fixé par référence à des recettes correspondant à des anticipations réalistes, ce qui est rarement le cas. Un plafonnement de la masse salariale doit intervenir.
Enfin, les inégalités entre les masses salariales des clubs devraient être plafonnées en niveau absolu. Une première étape consisterait à définir, au niveau européen, un salary cap à l'américaine, c'est-à-dire un plafonnement de la valeur absolue des coûts salariaux nets d'impôts, globaux et unitaires.