Intervention de Serge Lagauche

Réunion du 24 novembre 2004 à 22h00
Sport professionnel — Adoption définitive d'une proposition de loi

Photo de Serge LagaucheSerge Lagauche :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le sport est devenu un véritable phénomène de société. Alors que le nombre de spectateurs et de pratiquants ne cesse de croître, les fédérations et les clubs sportifs comptent d'ores et déjà plus de 10 millions de licenciés, tandis que 26 millions de Français se livrent quotidiennement à une activité sportive.

Formidable vecteur de rassemblement et de partage, le sport mobilise les femmes et les hommes autour d'un objectif commun et donne corps aux valeurs de la recherche de la performance, de l'éducation et du respect mutuel.

Le sport est également devenu une source de richesses économiques considérables. Qu'il soit pratiqué à titre amateur ou professionnel, il crée en effet des marchés dont l'ampleur approche aujourd'hui 1, 5 % de notre PIB.

Cet impressionnant marché, mes chers collègues, nous le devons, pour l'essentiel, à la transformation du sport en « sport spectacle ».

Les médias n'étant pas restés indifférents à l'engouement du public, l'offre annuelle d'émissions sportives par les chaînes de télévisions généralistes est ainsi passée en France de 230 heures en 1968 à environ 2400 heures en 1999.

Le sport a donc attiré la télévision en lui permettant de gonfler à la fois ses recettes publicitaires et l'audience de ses émissions. De son côté, la télévision a attiré le sport par le développement de la vente des droits de retransmission et d'exploitation de l'image des joueurs et des équipes sportives.

C'est cette communauté d'intérêts fondée sur une interaction étroite de leurs stratégies commerciales qui a conduit les médias et les sociétés sportives à renforcer leurs relations financières.

Ce développement du marché du sport a, certes, été porteur de créations d'emplois. La pénétration de l'argent dans la sphère du monde sportif n'en génère pas moins des conséquences tout à fait regrettables.

Ainsi, les grands sportifs professionnels sont aujourd'hui les nouveaux dieux du stade. Exposés à outrance aux feux de la rampe, certains touchent des salaires faramineux et acquièrent, dans le même temps, valeur de modèle pour les jeunes joueurs, qui ne manquent pas de s'identifier à leurs idoles.

Parallèlement, les affaires de dopage et de tricherie se multiplient dans les secteurs sportifs les plus médiatisés. Une étude de l'INSERM, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, a ainsi révélé que les jeunes ayant une pratique sportive intensive consomment plus de drogues que les autres.

La logique de la performance et du record à tout prix s'est donc peu à peu imposée jusqu'à réduire le sportif professionnel au statut de machine à performances et de source de profits toujours plus grands.

A côté du développement du dopage, l'explosion du sport professionnel et de sa médiatisation a également eu pour effet inacceptable la recrudescence des actes de violence et de racisme.

On le voit, monsieur le ministre, mes chers collègues, les valeurs véhiculées par le sport sont diverses et antinomiques : d'un côté, la promotion de l'excellence, du développement économique et social, du rassemblement et de la solidarité ; de l'autre, le vedettariat, le dopage et la violence.

Nous avions donc de bonnes raisons, mes collègues du groupe socialiste et moi-même, de nous réjouir à l'idée de l'examen d'un texte harmonisant les règles du sport professionnel. Nous y avions vu en effet l'opportunité pour le législateur d'apporter une réponse à l'ensemble des difficultés qui affectent le sport. Or vous vous êtes retranché, monsieur le ministre, derrière une proposition de loi qui ne reprend pas l'ensemble du problème.

Hormis son article 2, qui permettra sans doute d'accroître la sécurité juridique des joueurs sélectionnés en équipe de France, le dispositif conçu par MM. les députés Landrain et Geveaux poursuit pour seuls objectifs le renforcement de la compétitivité de nos équipes de football au niveau européen ainsi que l'augmentation du poids décisionnel des sociétés sportives commerciales au sein des fédérations délégataires.

Nous ne pouvons que vous approuver dans la recherche de moyens propres à éviter la fuite de nos meilleurs joueurs vers les championnats anglais, espagnols ou italiens, tant il est vrai que les compétitions à l'échelle européenne ne se disputent pas à armes égales.

Nous pouvons, certes, nous féliciter du travail effectué par la direction nationale de contrôle de gestion des clubs, qui a permis d'éviter à nos plus grands clubs de football de voir leur capital affecté de dettes fiscales faramineuses, à l'instar de nombre de clubs, italiens entre autres.

Je souhaite d'ailleurs que vous restiez, malgré les pressions exercées par certains dirigeants sur vos services, toujours aussi déterminé à refuser la cotation en bourse des clubs de football français.

En revanche, les moyens avancés par ce texte pour renforcer la compétitivité de nos clubs sont loin de nous satisfaire.

En effet, la proposition de loi prévoit qu'une partie de la part de rémunération tirée du droit à l'image collective des sportifs ne sera pas soumise aux charges sociales et fiscales. Cette formule crée vis-à-vis de l'ensemble des contribuables un système inégalitaire dont mon collègue Mélenchon aura l'occasion de vous entretenir tout à l'heure.

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