Intervention de Serge Lagauche

Réunion du 24 novembre 2004 à 22h00
Sport professionnel — Adoption définitive d'une proposition de loi

Photo de Serge LagaucheSerge Lagauche :

L'article 4 de cette proposition de loi nous rebute tout autant que le précédent, même s'il semble répondre à une demande européenne.

Il prévoit en effet la levée de l'interdiction absolue de la multipropriété des sociétés sportives et ouvre la possibilité à un actionnaire de contrôler un club professionnel tout en participant, dans le même temps, au capital d'un autre club évoluant dans la même discipline.

En d'autres termes, il s'agit de soumettre les clubs sportifs au droit commun de la concurrence et d'assimiler les sociétés commerciales sportives à n'importe quelle autre entreprise.

Cette assimilation fâcheuse me semble contradictoire, je me permets de le préciser, avec les raisonnements qui ont conduit MM. Landrain et Geveaux à prévoir le dispositif d'exonérations de charges que j'ai évoqué à l'instant et qui se justifierait précisément par la spécificité de l'activité sportive professionnelle.

Je crains que les rédacteurs de cette proposition de loi ne s'accommodent de cette spécificité au gré des objectifs qu'ils poursuivent.

Mis en avant pour dispenser les dirigeants des sociétés sportives de l'acquittement de leurs obligations fiscales, le caractère spécifique du sport professionnel est, en revanche, oublié lorsqu'il s'agit d'éliminer les entraves à la multipropriété pour permettre aux dirigeants de clubs d'accéder au droit commun de la concurrence et d'étendre leur puissance financière à d'autres clubs que celui qu'ils dirigent déjà.

On voit donc poindre le risque de l'émergence de conflits d'intérêts, et ce n'est certainement pas l'interdiction faite au multiactionnaire de contrôler effectivement deux clubs qui nous rassurera.

Ce qui est en jeu, monsieur le ministre, c'est tout simplement l'incertitude essentielle du résultat, sans laquelle toute compétition sportive perd à la fois son éthique et son intérêt.

Il nous semble que le maintien du rôle social et éducatif du sport passe par le respect, de la part de ses acteurs, d'un certain nombre de principes éthiques, garants de l'équité et donc de l'attrait que le sport suscite chez les pratiquants et les spectateurs.

Ce sont d'ailleurs les mêmes raisons qui nous conduisent à présenter un amendement de suppression de l'article 5.

En autorisant les sociétés sportives à accéder aux fédérations délégataires par la voie de l'adhésion, cette disposition constitue ni plus ni moins une remise en cause de la fonction de réseau associatif que constituent les fédérations.

N'oublions pas que le sport professionnel et le sport de masse sont indissociables. Ce sont en effet les petits clubs, où règnent le bénévolat et la notion de « sport plaisir », qui alimentent le sport professionnel grâce au vivier de jeunes joueurs qu'ils entraînent et forment au quotidien.

Sous la précédente législature, Marie-George Buffet était parvenue à un équilibre en permettant aux sociétés sportives de participer au fonctionnement des fédérations par la voie contractuelle et non par celle de l'adhésion, en principe réservée aux associations sportives.

En remettant en cause ce principe fondamental et en autorisant les grands clubs professionnels à adhérer aux fédérations, ce sont les missions de service public qui leur sont déléguées que vous mettez en péril.

Le texte que vous défendez aujourd'hui, monsieur le ministre, est donc profondément déséquilibré. Il ne correspond en rien aux objectifs fixés dans le cadre de l'année européenne de l'éducation par le sport et menace la solidarité entre les différents niveaux de compétition.

Davantage attaché à la défense des intérêts propres des plus grands clubs, il fait abstraction des droits essentiels des sportifs professionnels telle la garantie d'une formation et d'une reconversion après carrière.

Outre la préservation fondamentale de l'incertitude de la compétition qu'elle remet également en cause, cette proposition de loi nous déçoit profondément en raison de son aspect corporatiste et élitiste.

Pour nous, le sport n'est pas un secteur marchand ordinaire. Sa spécificité doit être préservée au nom de ses valeurs éducatives, d'intégration et d'exemplarité pour la jeunesse.

C'est pour la défense de ces valeurs que nous nous opposerons avec force à tout texte de ce type tant qu'un équilibre entre les rôles joués par le tissu associatif et le « sport spectacle» n'aura pas été trouvé et tant que les conditions financières de fonctionnement des clubs et de transfert des joueurs avec tous les intermédiaires n'auront pas été clarifiées.

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