Intervention de Thierry Repentin

Réunion du 24 novembre 2004 à 22h00
Sport professionnel — Article 1er, amendements 2 30

Photo de Thierry RepentinThierry Repentin :

Nous venons de demander vainement la suppression de l'article 1er de la proposition de loi Thiriez au motif qu'il institue une disparité de traitement face aux charges publiques, notamment au sein même du sport d'équipe professionnel.

L'amendement n° 2 de nos collègues MM. Vallet et Merceron, que nous aurions pu déposer comme amendement de repli, présente le mérite d'améliorer quelque peu la situation, puisqu'il autorisera, s'il est adopté, l'ensemble des sportifs professionnels à se prévaloir du droit à déduire jusqu'à 30 % de la rémunération perçue au titre du droit à l'image collective de leur traitement soumis à déclaration de revenus.

Ainsi, alors que la proposition de loi réserve cette possibilité aux sportifs dont les clubs sont constitués en société, et à ces seuls clubs, l'amendement tend à l'étendre aux associations. Ce sont certainement les joueurs de ces structures qui ont le plus besoin de bénéficier d'un tel avantage.

Je rappelle qu'au sein des disciplines de sports d'équipe, la quasi-totalité des clubs, en dehors de ceux du football et du rugby, ne sont pas constitués sous forme de société. Et il y a une bonne raison à cela : en vertu de l'article 19-1 de la loi du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives, les sociétés telles que définies à l'article 11 de cette même loi ne peuvent bénéficier de subventions des collectivités territoriales.

En conséquence, les clubs qui, à l'instar de ceux du football, voient leur budget abondé de 52 % par les droits de retransmission télévisée n'ont pas besoin de rechercher des financements complémentaires auprès des collectivités territoriales. Ils peuvent donc se constituer sous forme de société.

En revanche, les disciplines, comme le handball, le hockey et d'autres sports moins médiatiques que le football, dont les ressources tirées des droits de retransmission télévisée ne représentent qu'une marge infime de leur financement, ne peuvent survivre sans l'aide des collectivités territoriales.

Pour en bénéficier, une seule solution s'ouvre à leurs clubs : opter pour un statut d'association, largement représenté dans nos collectivités territoriales.

Il me semble donc profondément injuste que seuls les joueurs de football dont les clubs ont pris la forme de société bénéficient du droit de déduire de leur déclaration de revenus une part non négligeable de leurs rémunérations, alors que les joueurs professionnels d'autres disciplines - le handball, le basket, le volley - en seront privés dans leur grande majorité, peu de clubs de ces disciplines - et M. le ministre ne peut pas le contester - étant constitués sous forme de société ; ils sont seulement au nombre de trois en France dans le domaine du handball.

Cette disparité de traitement est d'autant plus injuste que les salaires dans ces disciplines moins médiatiques n'ont rien de commun avec les rémunérations faramineuses versées par certains clubs de football.

En France, dans le secteur du handball, le salaire moyen mensuel d'un joueur professionnel de première division s'élève à 3 000 euros, certains joueurs ne percevant que le SMIC, tandis que seuls vingt-sept joueurs touchent plus de 5 000 euros.

On l'a bien compris, que vous soyez en société ou en club, vous serez traité différemment avec l'adoption de la proposition de loi Thiriez.

Le sport professionnel est différent parce que l'intérêt des médias, et donc des sponsors, des partenaires privés, est très variable.

Or, en dehors du football, nous avons en France des sports collectifs dans lesquels les joueurs pratiquement professionnels appartiennent à des clubs ayant un statut associatif.

Nier cette réalité, c'est nier la réalité de la diversité qui existe entre les sports. La France peut pourtant être fière de ces sportifs qui font souvent résonner la Marseillaise dans les joutes européennes, mondiales, olympiques, et qui drainent, par émulation, des milliers de jeunes pratiquants sur nos stades et dans nos gymnases.

Je pense bien évidemment à nos joueurs de rugby, mais aussi à nos handballeurs qui ont été deux fois champions du monde et une fois champions olympiques - aucun autre sport collectif en France n'a affiché un tel palmarès - et à nos basketteurs.

Je m'en tiendrai à ces trois exemples, qu'a bien voulu prendre M. le rapporteur, où les moissons ont été belles en titres masculins et féminins, mais où les sponsors privés ne sont malheureusement pas toujours au rendez-vous.

En effet, bien que riches de résultats, de personnalités et de licenciés, les clubs vivent essentiellement de subventions publiques et chacun sait, dans cet hémicycle, que les associations dans nos villes comptent des sportifs professionnels.

Si l'article 1er de la présente proposition de loi était adopté en l'état, nous aurions à l'égard des collectivités locales, des sportifs concernés, et donc des règles au sein d'un championnat, des accompagnements différents d'un territoire à l'autre, qui pourraient bouleverser la hiérarchie sportive, laquelle a été construite, souvent pendant de longues années, par les dirigeants des clubs, soutenus par les maires et les présidents de conseil général.

Cet amendement, judicieusement présenté par M. Vallet, permet d'éviter une iniquité territoriale, sans rien enlever d'ailleurs à la proposition de loi telle qu'elle est présentée - je rassure les amoureux du football -, c'est-à-dire sans supprimer les avantages que la proposition de loi Thiriez tente d'apporter au football professionnel, car aucun club de football de ligue 1 n'a une forme associative.

Il nous a été dit que si ces clubs voulaient bénéficier du présent texte, ils n'avaient qu'à se transformer en société anonyme. Or, nous savons, vous et moi, pourquoi ils ne le font pas : n'étant malheureusement pas suffisamment médiatiques, ils ne peuvent pas vivre sans les subventions municipales et départementales, auxquelles ils n'auraient plus droit s'ils adoptaient ce statut.

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