Intervention de Patricia Schillinger

Réunion du 24 mars 2010 à 14h30
Interdiction du bisphénol a — Adoption d'une proposition de loi

Photo de Patricia SchillingerPatricia Schillinger :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui traite d’un sujet d’une grande importance : la présence de bisphénol A dans les plastiques alimentaires.

Comme l’ont déjà souligné les intervenants précédents, le BPA est présent dans de très nombreux objets utilisés quotidiennement. Il se libère au contact de la chaleur –notamment dans les fours à micro-ondes –, des matières acides ou des graisses, contaminant ainsi les aliments. C’est pourquoi les scientifiques recommandent aux consommateurs de ne pas utiliser de récipients contenant du BPA pour chauffer les aliments à forte température.

Ce produit chimique présent dans les matières plastiques est considéré comme un perturbateur endocrinien, c’est-à-dire qu’il peut agir sur l’équilibre hormonal. Le BPA est suspecté d’être impliqué dans de grands problèmes de santé actuels : cancer du sein, cancer de la prostate, diabète de type 2 et obésité, pathologies de la reproduction, problèmes neuro- comportementaux, maladies cardio-vasculaires…

Ainsi, des études scientifiques permettent de soupçonner l’existence d’un lien entre la présence de BPA et les problèmes de santé. En effet, cette substance pourrait affecter le système nerveux et hormonal des fœtus, des nouveau-nés et des enfants. Par voie de conséquence, la réglementation portant sur la dose journalière admissible semble inadaptée, le seuil autorisé étant trop élevé.

C’est la raison pour laquelle cette proposition de loi vise à interdire, au nom du principe de précaution, le bisphénol A dans les plastiques alimentaires. Ce texte nous interpelle, mais il n’est certainement pas parfait.

De nombreuses études, françaises et internationales, ont déjà démontré la toxicité du bisphénol A. Récemment, des chercheurs français de l’Institut national de la recherche agronomique ont démontré que le BPA diminuait la perméabilité de l’intestin, augmentant ainsi les risques de maladies inflammatoires sévères à l’âge adulte, de rétention d’eau et de douleurs viscérales. L’Agence française de sécurité sanitaire des aliments reconnaît pour sa part l’existence d’« effets subtils » sur le comportement de jeunes rats exposés in utero au bisphénol A. Quant à la Food and Drug Administration américaine, elle a rendu, en janvier dernier, un avis dans lequel elle fait état d’une « préoccupation » sur les effets potentiels du bisphénol A sur le fœtus et les jeunes enfants.

Alors que le BPA est banni au Canada et commence à l’être aux États-Unis et que la grande majorité des études scientifiques font soupçonner un danger pour la santé, le gouvernement français, jusqu’à aujourd’hui, s’est toujours opposé à l’application du principe de précaution.

Ainsi, récemment, le Réseau environnement santé, le RES, qui réunit des ONG, des professionnels de santé et des scientifiques, a tiré le signal d’alarme et demandé l’interdiction du bisphénol A dans les matériaux en contact avec les aliments. Sa demande est tout à fait légitime. Les inquiétudes sont grandes parmi nos concitoyens, aussi est-il important que les autorités prennent les mesures nécessaires, afin d’offrir aux consommateurs une garantie contre l’ingestion de BPA, une attention particulière devant être portée aux nourrissons et aux femmes enceintes.

Aujourd’hui, le principe de précaution doit être mis en œuvre, car nombre d’études ont mis en évidence le danger et les incidences du bisphénol A. Je rappelle que ce principe peut être invoqué pour qu’une action soit menée face à un danger potentiel pour la santé humaine dans les cas où les données scientifiques ne permettent pas une évaluation complète du risque. Ce principe doit donc être appliqué dès lors qu’il y a un danger pour la santé publique, ce qui est bien le cas en l’occurrence.

Devant un tel risque de santé publique, différentes villes de France, dont Paris, Toulouse, Nantes, Lille ou Besançon, ont décidé d’interdire les biberons à base de bisphénol A dans leurs crèches municipales. Cette décision est intervenue après la parution d’une étude du Réseau environnement santé sur la nocivité du bisphénol A présent dans le plastique des biberons. En effet, des études menées sur des souris ont établi la toxicité de cette substance.

Dans le même temps, s’appuyant sur des études dirigées par l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments, Mme la ministre de la santé a affirmé que le bisphénol A ne présentait aucun risque. Ainsi, si certaines mairies, sur la base des conclusions des études du RES, ont admis l’existence d’un risque pour la santé publique et ont décidé, sur ce fondement, de procéder au remplacement de tous les biberons de leurs crèches, ces initiatives restent locales et isolées.

Par ailleurs, c’est aussi au nom du principe de précaution que le Canada a interdit, en octobre 2008, les biberons contenant du bisphénol A. Depuis, plusieurs États américains ont interdit son utilisation dans la fabrication des biberons et cinq grands industriels l’ont exclu de leur production. Ces autorités ont donc pris des mesures radicales.

C’est dans ce contexte que nous est présentée la proposition de loi tendant à interdire le bisphénol A dans les plastiques alimentaires. Curieusement, le Gouvernement, plus exactement le ministère de la santé, n’a cessé jusqu’ici de temporiser, dans l’attente d’études complémentaires devant fournir de nouvelles données. Mme Bachelot est allée jusqu’à répondre à une question sur le sujet, à l’Assemblée nationale, qu’il ne fallait pas confondre principe de précaution et principe d’émotion.

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