Alimenter les moteurs des voitures plutôt que nourrir les hommes ?... Je n’en dirai pas plus !
Dans le même temps, cette agriculture continue d’importer toujours plus de protéines animales pour nourrir nos élevages industriels, ce qui incite certains pays pauvres à préférer produire pour le marché mondial plutôt que de développer une agriculture vivrière pourtant seule à même de nourrir les populations autochtones.
L’agriculture industrielle n’a cessé de substituer le capital au travail. Elle le fait d’autant plus que l’agriculture est le seul secteur de l’économie dans lequel les pouvoirs publics subventionnent le capital productif, hectares ou têtes de bétail, au détriment du travail humain. Nos campagnes se sont progressivement vidées, ce qui affaiblit le rôle de l’agriculture dans l’aménagement durable des territoires.
Mais le plus grave n’est pas le plus visible. L’agriculture dominante est devenue dramatiquement dépendante des énergies fossiles, de surcroît importées : gazole, pétrole pour fabriquer les engrais de synthèse ou pour produire les pesticides et herbicides, dont la consommation s’est accrue parallèlement à l’artificialisation du milieu provoquée par la suppression des rotations et l’emploi de variétés privilégiant systématiquement le rendement par rapport à la résistance aux maladies.
Cette agriculture productiviste n’a cessé d’impacter l’environnement – abeilles, rivières et nappes phréatiques, qualité des sols, de l’air et des paysages de France – et, selon les cas, les produits alimentaires.
Oui, il était grand temps que l’on « modernise » cette agriculture-là ! Mais surtout pas pour continuer sur la lancée actuelle : produire toujours plus, en essayant désormais de faire un peu attention à l’environnement ; produire toujours moins cher, pour « améliorer la compétitivité du système agroalimentaire français », selon vos propres termes, monsieur le ministre, ce qui signifie implicitement produire avec toujours moins de paysans.
Cette politique agricole productiviste nous a conduits dans l’impasse : elle a, en quelque sorte, trop bien réussi au regard des objectifs qui lui avaient été fixés dans les années soixante et qui sont évidemment aujourd’hui obsolètes !
Ainsi, les crises récentes, notamment dans les céréales et le lait, ne sont pas conjoncturelles. Elles traduisent une situation grave, une crise structurelle jamais vue depuis la mise en place de la politique agricole commune.
C’est pourquoi nous avions un vrai défi à relever : développer une agriculture moderne, c’est-à-dire capable de répondre prioritairement aux besoins alimentaires français et européens.