Intervention de Odette Terrade

Réunion du 4 novembre 2009 à 14h30
Entreprise publique la poste et activités postales — Article 1er

Photo de Odette TerradeOdette Terrade :

Avec cet article, nous entrons dans le vif du sujet.

Le changement de statut de l’établissement public en société anonyme aura pour conséquence directe le fait que les activités de La Poste et ses personnels se trouveront soumis à une gestion privée.

Or rien dans les textes communautaires ne justifie ce changement de statut. Les traités européens n’obligent pas les entreprises à changer de statut en cas d’ouverture des marchés.

Quant à l’argument selon lequel le statut public serait un frein au développement de La Poste, les opérations réalisées démontrent le contraire : avec ses 102 filiales, l’entreprise a réalisé plusieurs grosses acquisitions, notamment l’achat d’Exapaq, pour 430 millions d’euros, d’Orsid, pour 19 millions d’euros, le partenariat avec la SNCF pour le transport du courrier sur les lignes TGV. Elle est également présente en Espagne, avec Sueur, en Grèce, avec Interatika, en Turquie, au Royaume-Uni, en Afrique du Sud, en Europe de l’Est, en Inde, etc. Elle a multiplié les partenariats financiers : Société Générale, Matmut, Crédit Municipal de Paris.

Ainsi, par sa politique de rachat, ses différents partenariats et ses échanges capitalistiques, elle est déjà présente en Europe, en Océanie, en Amérique du Sud, aux États-Unis, en Afrique.

Autre argument avancé pour justifier cette privatisation rampante : La Poste ne disposerait pas de capacités suffisantes d’autofinancement et son endettement ne pourrait augmenter. Ainsi, on peut lire dans le rapport de M. Ailleret, qui dès la page 2 précise que son rapport n’engage que lui, que La Poste doit mobiliser « des fonds propres nécessaires à son ambition ».

Mais, si le niveau des capitaux propres de La Poste est trop faible et l’endettement trop élevé, à qui la faute ? Rappelons simplement que La Poste a dû donner 2 milliards d’euros et s’endetter de 1, 8 milliard d’euros à titre de « compensation » pour le financement des retraites des fonctionnaires. Rappelons encore que l’entreprise publique a versé un dividende de 141 millions d’euros au titre de l’année 2007. Rappelons enfin que le coût des quatre missions de service public – accessibilité bancaire, service universel, transport-distribution de la presse et aménagement du territoire – pèse près de 1 milliard d’euros sur les comptes de La Poste.

M. Bailly avait demandé dans un premier temps que les 3 milliards d’euros qui manquent à l’entreprise soient recherchés sur les marchés financiers. Évidemment, cette solution a pris du plomb dans l’aile avec la crise financière…

Aujourd’hui, vous nous proposez de faire entrer des personnes morales publiques dans le capital de La Poste, sans jamais nommer la Caisse de dépôts et consignations, soit dit en passant ! Mais personne n’est dupe : ce type de démarche se solde immanquablement par la privatisation des opérateurs visés.

L’État ne peut pas se désengager financièrement de la prise en charge des missions de service public et arguer, ensuite, des difficultés financières de La Poste pour lui administrer le coup de grâce.

M. Ailleret nous parle d’ambition : La Poste aurait besoin, selon lui, « de mener une politique active de développement : élargissement de l’offre, acquisition d’une dimension européenne sur les créneaux pertinents, recherche constante de compétitivité ». Quand on connaît les déboires de TNT ou ceux de la poste allemande aux États-Unis, avec le retrait de DHL, on aurait plutôt tendance à considérer ce rêve expansionniste des dirigeants de l’entreprise publique comme pure chimère !

L’ambition ne devrait-elle pas conduire à trouver des solutions pour moderniser l’entreprise afin d’assurer la qualité du service public, notamment son accessibilité ?

Dans son rapport, M. Ailleret nous exhorte à ne pas perdre de temps, car il considère qu’en Europe et dans le monde les grandes manœuvres ont débuté dans le domaine postal. Dans un sens, il a raison ! La privatisation des opérateurs européens a produit des effets catastrophiques.

Ainsi, la poste allemande est devenue une poste sans bureau de poste : les 850 plus grands bureaux sont devenus des agences bancaires et les opérations postales se font dans les supérettes. La cotation de la Deutsche Post est médiocre et l’entreprise commence à connaître des difficultés à l’international.

Quant au modèle suédois, il est plaisamment qualifié de « moins un tiers » : un tiers d’emplois en moins, un tiers des bureaux fermés ! Et les clients doivent payer pour que leur courrier soit distribué à domicile.

Si l’article 1er était adopté, ne soyons pas dupes mes chers collègues, il se produira à La Poste ce qui s’est passé dans le domaine de l’énergie, des transports, des télécommunications et de la santé : les groupes privés profiteront des investissements à long terme qui ont été réalisés pour construire et entretenir des réseaux, pour promouvoir des savoir-faire.

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