Séance en hémicycle du 4 novembre 2009 à 14h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

Source

La séance, suspendue à douze heures vingt, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de Mme Monique Papon.

(Texte de la commission)

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales (procédure accélérée) (projet n° 599 rectifié (2008-2009), texte de la commission n° 51, rapport n° 50).

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Pasquet

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon rappel au règlement se fonde sur les dispositions de l’article 32 du règlement relatif à l’organisation de nos travaux.

Hier, dans la nuit, dans le feu du débat parlementaire, notre estimé collègue Gérard Longuet, président du groupe UMP, a affirmé qu’une grande société anonyme, la Société nationale des chemins de fer français, assumait depuis plus de soixante-dix ans un grand service public. Il s’agissait alors de nous expliquer par l’exemple que la nature juridique de l’entité assumant le service public ne préjugeait absolument pas sa capacité à répondre à ses obligations. Cette affirmation a généré quelque émotion, car elle était parfaitement inexacte.

Afin que les choses soient clairement établies, je vous donne lecture de l’article 18 de la loi d’orientation des transports intérieurs : « Il est créé, à compter du 1er janvier 1983, un établissement public industriel et commercial qui prend le nom de “Société nationale des chemins de fer français”. »

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Pasquet

« Cet établissement a pour objet :

« - d’exploiter, selon les principes du service public, les services de transport ferroviaire de voyageurs sur le réseau ferré national ;

« - d’exploiter d’autres services de transport ferroviaire, y compris internationaux ;

« - d’assurer, selon les principes du service public, les missions de gestion de l’infrastructure prévues à l’article 1er de la loi n° 97-135 du 13 février 1997 portant création de l’établissement public “Réseau ferré de France”.

« Cet établissement est habilité à exercer toutes activités qui se rattachent directement ou indirectement à cette mission. Il peut créer des filiales ou prendre des participations dans des sociétés, groupements ou organismes ayant un objet connexe ou complémentaire. La gestion de ces filiales est autonome au plan financier dans le cadre des objectifs du groupe ; elles ne peuvent notamment pas recevoir les concours financiers de l’État prévus au paragraphe II de l’article 24 de la présente loi.

« Les modalités de gestion des autres réseaux ferroviaires ouverts au public sont fixées par des textes particuliers. »

Qu’une telle erreur ait été commise par un parlementaire qui fut, un temps, ministre de l’industrie, des postes et télécommunications et du commerce extérieur, est assez regrettable.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Pasquet

Le dossier de la SNCF présente également un autre point intéressant. Ainsi, l’article 19 de la loi précitée dispose : « Les biens immobiliers dépendant du domaine public ou privé antérieurement concédés à la société anonyme d’économie mixte créée le 31 août 1937 sont remis en dotation à l’établissement public. Les biens immobiliers des autres réseaux de chemins de fer appartenant à l’État peuvent être remis en dotation à l’établissement public par décret en Conseil d’État, sans préjudice des droits d’exploitation qui auraient pu être accordés antérieurement.

« Les biens mobiliers antérieurement concédés à la société anonyme sont attribués en toute propriété et à titre gratuit à l’établissement public.

« Les biens mobiliers des autres réseaux de chemins de fer appartenant à l’État peuvent être attribués en toute propriété et à titre gratuit à l’établissement public par décret en Conseil d’État, sans préjudice des droits d’exploitation qui auraient pu être accordés antérieurement. »

Pour être tout à fait claire, la SNCF est non pas une société anonyme, mais un établissement public à caractère industriel et commercial, qui s’est édifié sur la dissolution et la transformation d’une société anonyme. Le choix de la structure EPIC pour la SNCF était juste.

Mais aujourd’hui, absolument rien ne justifie d’accomplir le chemin exactement inverse avec La Poste, que vous voulez transformer en proie future des spéculateurs financiers en fixant arbitrairement le capital de la société anonyme que vous souhaitez imposer avec ce projet de loi à la valeur la plus faible possible.

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à M. Michel Teston, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Teston

Nous constatons que, aujourd’hui, notre interlocuteur a changé.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire

Et alors ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Teston

M. Michel Teston. Hier, nous avions en face de nous M. Estrosi, qui a d’ailleurs été peu agréable avec un certain nombre d’entre nous.

Protestations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Teston

Par ailleurs, il a annoncé qu’il allait si bien verrouiller le statut de la société anonyme qu’il serait impossible, par la suite, de privatiser complètement cette dernière.

Doit-on conclure des propos de M. Guaino que M. Estrosi a été désavoué par le chef de l’État lui-même ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Teston

M. Michel Teston. … nous assure-t-elle que nous aurons un interlocuteur avec lequel nous pourrons dialoguer ? Nous vous faisons l’honneur de considérer qu’il en sera ainsi. Pouvez-vous nous rassurer ? Nous connaissons votre rondeur

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Teston

Notre interprétation des événements survenus hier est-elle erronée ? Le pouvoir exécutif fonctionne dans une telle cacophonie que l’on peut légitimement s’interroger !

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à M. Daniel Raoul, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Monsieur le ministre, tout en vous accueillant et en espérant que la tonalité des débats va changer, je veux, en observateur totalement neutre, formuler quelques remarques sur ce qui s’est passé.

Mes excellents collègues du groupe socialiste, en particulier Michel Teston, qui est chef de file sur ce projet de loi, ont fait un travail tout à fait remarquable. Mais je n’ai pas du tout apprécié un certain nombre de remarques et de jugements de M. Estrosi…

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

C’est bien regrettable ! S’il avait été présent, je lui aurais dit en face !

Ainsi, je n’ai pas apprécié qu’il qualifie certains amendements d’inutiles. De quel droit s’arroge-t-il la faculté de porter un tel jugement ? Un ministre est invité à écouter les membres des assemblées. Il revient au Parlement de faire son travail et de juger, par le biais des votes, de l’intérêt, de la valeur ajoutée des différents amendements. Ce n’est pas au ministre de dire qu’ils sont inutiles !

En outre, un ministre doit faire preuve de dignité et de neutralité vis-à-vis des parlementaires. Or, M. Estrosi a dit à l’un de nos collègues qu’il n’était pas un homme d’honneur. Un tel propos est tout à fait déplacé.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Monsieur le rapporteur, il faut écouter de temps en temps ! Ces propos ont été tenus en séance, la nuit dernière. Je souhaite, monsieur Mercier, que votre présence puisse contribuer à les effacer quelque peu. On a loué tout à l’heure votre rondeur.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

M. Daniel Raoul. Je suis en tout cas persuadé que vous serez plus élégant et plus courtois que votre collègue.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Madame Pasquet, messieurs Teston et Raoul, je vous donne acte de vos rappels au règlement.

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire

M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire. Monsieur le sénateur, vos propos relatifs à ma rondeur ne me vexent pas : telle est la réalité !

Sourires

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire

Je supplée très temporairement M. Estrosi, qui participe actuellement à la séance de questions d’actualité au Gouvernement, à l’Assemblée nationale.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, ministre

Monsieur Raoul, je ne vous ai pas interrompu !

Je reviendrai au Sénat demain, pour l’examen des articles relatifs à l’aménagement du territoire.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, ministre

Le présent projet de loi est porté par tout le Gouvernement, qui est un, …

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, ministre

…M. Estrosi étant chargé, en sa qualité de ministre de l’industrie, de soutenir le texte devant le Parlement.

Monsieur Raoul, n’adoptez pas une attitude pire que celle que vous reprochez à M. Estrosi, sinon tous vos arguments s’effondreront par votre propre faute !

Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne peux que vous inviter toutes et tous à la sérénité, au travail et à l’étude immédiate du projet de loi.

Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Nous reprenons la discussion des articles, entamée hier.

Titre Ier

DISPOSITIONS RELATIVES À LA POSTE ET MODIFIANT LA LOI N° 90-568 DU 2 JUILLET 1990 RELATIVE À L’ORGANISATION DU SERVICE PUBLIC DE LA POSTE ET À FRANCE TÉLÉCOM

Nous poursuivons l’examen des amendements tendant à insérer des articles additionnels avant l’article 1er.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

L'amendement n° 10, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'article premier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La France demande la renégociation des directives européennes de libéralisation du secteur postal.

La parole est à Mme Évelyne Didier.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

À travers cet amendement visant à insérer un article additionnel avant l’article 1er, nous souhaitons que la France demande, par exemple par l’intermédiaire du ministre de l’économie, la renégociation des directives européennes qui œuvrent pour la libéralisation du secteur postal.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

M. Josselin de Rohan. C’est M. Jospin qui a mal négocié !

Sourires sur les travées de l ’ UMP. – Exclamations prolongées sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

Qui était au Gouvernement ? Les communistes !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Teston

Et il s’est passé tant de choses depuis lors !

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Mme Didier seule a la parole ! Veuillez poursuivre, ma chère collègue.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

Monsieur de Rohan, figurez-vous qu’une crise économique a éclaté entre-temps et que, dans de nombreux pays, on s’est aperçu que la libéralisation à tous crins n’était pas forcément une bonne idée ! Même certains de vos amis s’en rendent compte !

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

En effet, la Commission européenne s’est acharnée à imposer une ouverture à la concurrence du secteur postal, parfois contre la volonté des États. Ainsi, elle s’est opposée à la France, en 1997, ainsi qu’au Parlement européen, qui, en 1997 et encore en 2000, a tenté de freiner ce processus.

Rappelons que, en 2007, onze pays s’étaient opposés à la libéralisation de ce secteur pour 2011, en exigeant au moins un sursis jusqu’en 2013. Afin que ne soit pas méprisé l’avis des représentants des citoyens, nous demandons que ces directives soient renégociées.

Il s'agit, tout d'abord, de la directive européenne du 15 décembre 1997 dite « directive postale cadre », qui pose la définition d’un service universel minimum réduisant les missions d’intérêt public et introduit le principe d’une ouverture progressive du marché, qui sera totale en 2009.

La directive du 10 juin 2002 doit également être rediscutée, car elle pose les étapes de la libéralisation du secteur postal.

Enfin, il faut revoir la directive européenne du 20 février 2008, qui concerne l’achèvement du marché intérieur des services postaux de la Communauté et fixe au 31 décembre 2010 l’échéance pour parvenir à la libéralisation totale des marchés postaux.

Cette libéralisation du secteur postal, imposée par la Commission européenne, entraîne pourtant des effets désastreux, qu’on essaye d’occulter.

Ainsi, l’expérience des pays européens voisins de la France ayant ouvert ce secteur à la concurrence est probante : l’Allemagne, qui a anticipé cette libéralisation, a vu passer le nombre de ses points contacts postaux de 30 000 à 13 000, et ce pays envisage encore de les réduire à 5 000.

La Suède, qui a externalisé la plupart de ses points contacts auprès de commerçants, connaît aujourd’hui l’un des plus mauvais taux d’accessibilité au service postal en Europe.

Enfin, l’Espagne, face à la concurrence, n’assure plus de service postal direct dans les zones rurales qui ne sont pas jugées assez rentables !

La Commission européenne et le gouvernement français tiennent un véritable discours idéologique, au mépris des conséquences dramatiques, pourtant bien connues, de l’ouverture à la concurrence du secteur postal.

Ainsi, la libéralisation du secteur postal est incompatible avec la réalisation de missions de service public, telles que la mise en place d’un tarif unique et égalitaire ou l’acheminement du courrier sur la totalité du territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Ils le savent ! Dans leurs villages, il n’y a plus de bureau de poste !

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

C'est pourquoi, mes chers collègues, nous vous proposons d’adopter cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Hérisson

L’article additionnel que cet amendement tend à insérer dans le projet de loi prévoit que la France demandera la renégociation des directives européennes de libéralisation du secteur postal.

S’il y a un sujet sur lequel le Sénat s’est penché depuis quelques années, c’est bien celui-là ! C’est d'ailleurs à la suite d’un vœu exprimé par la Haute Assemblée que la France, voilà un peu plus de deux ans, a obtenu que l’ouverture totale à la concurrence ait lieu en 2011, et non en 2009.

Il n’est pas réaliste de demander une réouverture des négociations sur un principe qui a été acté.

En outre, depuis hier, le traité de Lisbonne est désormais ratifié par l’ensemble des pays de l’Union européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Hérisson

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Nous n’allons pas revenir sur une décision qui a été prise et qui constitue véritablement, pour reprendre une formule de M. Fischer, un joyau de la coproduction de la cohabitation !

Mme Évelyne Didier s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

M. Michel Mercier, ministre. Madame Didier, j’aurais bien envie de vous faire plaisir !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

J’ai bien compris que vous vouliez renégocier toutes les directives édictées depuis 1997.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

M. Michel Mercier, ministre. Soit, mais nous ne pouvons tout refaire en une seule après-midi !

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Surtout, je suis très attaché à une règle toute simple, celle de la séparation des pouvoirs. Il n’appartient pas au Parlement de donner des instructions au Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Il revient au pouvoir exécutif, et à lui seul, de conduire les négociations internationales, dont il rend compte a posteriori au Parlement, devant lequel il est responsable. Les parlementaires ne peuvent donner des ordres à l’exécutif à travers un texte législatif !

Madame Didier, je suis donc obligé d’émettre un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à M. Michel Teston, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Teston

Le financement du service universel postal est aujourd’hui largement assuré par ce que l’on appelle le « secteur réservé », c’est-à-dire le monopole résiduel des postes nationales pour la levée, le tri et la distribution des plis de moins de cinquante grammes, qui résulte effectivement d’une série de directives européennes.

Permettez-moi d'ailleurs d’indiquer que la directive de décembre 1997, que M. le rapporteur et M. le ministre ont visée, a permis d’obtenir la création du service universel, qui n’existait pas en juin de la même année.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Teston

Le gouvernement auquel vous pensiez, mes chers collègues de la majorité, a donc sauvé le service postal universel, alors que, en juin 1997 – après la dissolution ô combien réussie décidée par Jacques Chirac ! –, il avait trouvé une situation dans laquelle rien n’était garanti. Ne prétendez donc pas que c’est le gouvernement Jospin, pour l’appeler par son nom, qui est responsable d’un processus engagé avant lui et que vous avez largement accéléré à partir de 2002 !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Teston

Cela étant, demander la renégociation de la suppression du secteur réservé ne me paraît pas anormal.

Comme je l’ai indiqué dans mon intervention lors de la discussion générale, nous disposons d’éléments indiquant que bon nombre d’États membres de l’Union européenne, face à la crise économique, préféreraient maintenir le système du secteur réservé afin de financer le service universel postal, parce qu’il s’agit d’un mécanisme beaucoup plus adapté et sûr que celui que vous nous proposez à travers ce projet de loi, à savoir un fonds de compensation acquitté par l’ensemble des opérateurs de services postaux.

En effet, nous savons parfaitement que ce fonds n’assurera pas un financement aussi sûr que celui qui est garanti par le secteur réservé. M. le rapporteur a d'ailleurs qualifié récemment d’« usine à gaz » un autre fonds de compensation, celui qui a été institué pour le téléphone fixe par la loi de 1996 !

Nous soutenons donc tout à fait la demande de renégociation des directives qui est présentée par nos collègues du groupe CRC-SPG.

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste. –Mme Marie-France Beaufils applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Pasquet

Les décisions européennes contenues dans les directives postales imposent l’ouverture à la concurrence des services postaux d’ici à 2011, alors même que ces dispositions ont été entérinées d’une manière très contestable, par des manœuvres politiciennes, sans véritable consensus et au mépris de la volonté des États et des peuples.

En n’acceptant pas de renégocier ces directives, le Gouvernement entérine la volonté de la Commission européenne et ne veut pas reconnaître que l’ouverture à la concurrence, déjà entamée, pèse sur la qualité des services fournis. Il refuse également de voir que ce phénomène sera aggravé par l’ouverture totale à la concurrence.

Dans le passé, le statut de France Télécom a été changé. La privatisation n’était prétendument pas programmée, et on assurait que l’entreprise resterait publique...

Or, treize ans plus tard, l’État ne dispose même plus d’une minorité de blocage ! La conduite de la politique de cette société est dictée par les impératifs du marché et elle est décidée en fonction des actionnaires. Quant aux résultats en termes de traitement du personnel et de conditions de travail, les suicides des salariés harcelés et précarisés sont révélateurs !

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Pasquet

Le refus de renégocier des dispositions européennes imposant l’ouverture à la concurrence du marché postal ainsi que la volonté d’outrepasser les exigences de l’Europe, en allant jusqu’à privatiser La Poste, sont révélatrices du projet politique et idéologique que le Gouvernement porte pour la France et pour l’Europe : celui-ci se construit par et pour le marché, l’entreprise et le profit, en ignorant l’incidence d’un tel dogme libéral sur les conditions de travail des salariés et la qualité des services rendus, qui sont sacrifiées.

En outre, rappelons-le, si ces directives européennes imposent l’ouverture du marché, elles n’exigent aucun statut particulier pour les entreprises.

Rien ne justifie donc cette transformation en société anonyme, ni la privatisation qu’elle engage. Le Gouvernement est véritablement hypocrite quand il prétend que le changement de statut est imposé par l’Europe et par la nécessité de recapitaliser La Poste pour faire face à l’ouverture totale à la concurrence en 2011.

En effet, les besoins de financement de La Poste sont estimés à trois milliards d’euros, ce qui représente un montant dérisoire au regard des sommes débloquées par l’État pour les banques.

Il s'agit donc d’un véritable choix idéologique : l’État vient en aide aux banques, qui sont par ailleurs à l’origine de la crise, et il sacrifie les services publics. L’ironie est grande quand on sait que La Poste elle-même se livre à des activités bancaires – d'ailleurs encadrées par des règles, à la différence de celles qui sont pratiquées par les autres banques ! – afin de garantir ses missions de service public en la matière…

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Le problème du secteur réservé qu’a abordé notre collègue Michel Teston est fondamental, me semble-t-il, surtout si l’on veut rediscuter les directives européennes.

Monsieur le ministre, vous affirmez que nous n’avons pas de consignes à donner au Gouvernement. Il me semblait tout de même que celui-ci devait parfois suivre l’avis du Parlement ! J’ai entendu parler de « coproduction ». Je ne sais pas ce que cette notion signifie dans votre esprit, mais, si vous considérez que les parlementaires ne peuvent exprimer aucun jugement ni aucun sentiment, alors ce n’est pas la peine de l’employer !

Le sujet qui nous préoccupe cet après-midi, c’est le fameux secteur réservé, qui, pour le moment, est financé par le monopole résiduel des postes nationales !

Ce fameux secteur réservé repose sur les plis de moins de cinquante grammes, en particulier. Or j’habite dans une ville où il est déjà concurrencé par certaines entreprises qui délivrent de tels courriers alors que l’ouverture du secteur n’est prévue qu’au 1er janvier 2011 !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Je vous demande donc, monsieur le ministre – vous transmettrez ma requête à M. Estrosi, qui, peut-être, vous écoutera plus que nous –, de vérifier que ce secteur réservé porte bien son nom !

En effet, il existe aujourd'hui à Angers des entreprises de quarante salariés qui distribuent des plis de moins de cinquante grammes, certes en y apposant des codes barres, conformément aux dispositions de la directive relatives aux adressages.

Je trouve inadmissible que, avant même l’échéance du 1er janvier 2011, le secteur réservé soit déjà ouvert à la concurrence, ce qui met forcément en jeu sa survie !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

L'amendement n° 359, présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement négocie au niveau européen une directive-cadre relative aux services d'intérêt général avant l'entrée en vigueur des dispositions portant transposition de la directive 2008/6/CE du 20 février 2008.

La parole est à Mme Bernadette Bourzai.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

Cet amendement a pour objet de rappeler – j’insiste sur ce terme – que la France s’était engagée à faire adopter une directive-cadre sur les services d'intérêt général.

En effet, c’est bien Lionel Jospin, alors Premier ministre, qui avait exigé lors du Conseil européen de Barcelone de mars 2002 que l’adoption d’une directive-cadre sur les services d’intérêt général constitue une condition sine qua non de l’ouverture à la concurrence maîtrisée des différents secteurs composant le marché intérieur.

C’est ce qu’il a obtenu des autres États membres européens. Toutefois, à notre grand regret, les gouvernements successifs depuis 2002 ne se sont pas sentis tenus par cet engagement, bien au contraire.

Pour relancer ce débat, le groupe socialiste du Sénat a déposé, voilà un an exactement, une proposition de résolution européenne n° 57 rectifié, qui a été débattue ici-même le 30 avril dernier.

L’existence d’une directive-cadre sur les services d’intérêt général aurait probablement permis de maintenir le secteur réservé de La Poste, qui ne représente plus que 30 % de l’ensemble de l’activité du courrier et du colis, mais qui assure encore aujourd’hui le financement du service universel. Notre collège Michel Teston en a fait la démonstration.

L’adoption d’une telle législation permettrait encore au service public d’être soustrait aux seules règles de la concurrence et de conforter son rôle stabilisateur, facteur de cohésion sociale et territoriale, comme chacun le reconnaît dans cet hémicycle.

Les sénateurs socialistes ont dressé les lignes de force de cette directive-cadre : clarification de la définition et du statut des services d’intérêt général, consolidation du principe de subsidiarité et de l’autonomie des autorités locales dans l’exercice de leur mission, volonté de mettre un terme à la primauté du droit de la concurrence et reconquête du politique.

J’ajoute, pour y avoir participé activement, que le groupe socialiste européen a élaboré un projet de directive-cadre sur les services d’intérêt général qui, malheureusement, n’a été ni débattu ni adopté par le Parlement européen.

Le travail de formulation juridique est donc réalisé, il importe désormais de le mettre en œuvre. Cela demande une volonté politique et l’aptitude à saisir deux opportunités qui s’offrent à nous dans les semaines qui viennent.

La création d’un poste de commissaire européen en charge des services publics, garant de leur prise en compte dans toutes les politiques communautaires, de leur niveau de qualité, de leur bon fonctionnement serait d’ailleurs tout à fait justifiée au moment même où la Commission européenne va être renouvelée. Hélas ! nous direz-vous, l’on ne commande pas à M. Barroso. C’est bien dommage !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

Même si une telle demande n’est pas prise en compte, le Gouvernement se voit offrir une occasion unique de donner la preuve de l’ambition et de l’attachement au service public qu’il a affirmés lors de l’examen en séance publique de notre proposition de résolution européenne au mois d’avril dernier. Il lui suffit de demander, au nom de la France, la nomination de M. Michel Barnier au poste très important de commissaire européen en charge du marché intérieur et des services.

Si ce vœu est exaucé, nous espérons que M. Barnier demandera en priorité la mise en œuvre de la base juridique de l’article 14 du nouveau traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, une fois le traité de Lisbonne en vigueur, et, par conséquent, l’élaboration d’une directive-cadre relative aux services d’intérêt général que les socialistes, comme les citoyens européens, les syndicats européens et la société civile européenne, réclament depuis maintenant de nombreuses années.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

Cette directive-cadre reste, pour nous, un préalable absolu à toute ouverture supplémentaire à la concurrence pour le service postal, comme pour tout autre secteur d’ailleurs. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous refusons la transposition de la directive 2008/6/CE.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Madame Bourzai, je vous rappelle que vous disposez de trois minutes pour présenter vos amendements. Je pense que vos collègues et vous-même aurez à cœur de respecter ce temps de parole.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Hérisson

Cet amendement tend à prévoir que le Gouvernement négocie à l’échelon européen une directive-cadre relative aux services d’intérêt général avant l’entrée en vigueur des dispositions portant transposition de la troisième directive postale.

Il a été fait allusion à la proposition de résolution européenne de Mme Tasca, dont j’ai été le rapporteur au mois d’avril dernier. Le Sénat avait alors considéré que la Commission européenne devait prendre des initiatives en vue de conforter les services d’intérêt général, mais n’avait pas exigé que ces initiatives prennent nécessairement la forme d’une directive-cadre.

Je suis donc opposé à cet amendement, d’autant plus que les délais sont manifestement irréalistes avant l’entrée en vigueur de la concurrence.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, ministre

M. Michel Mercier, ministre. Madame la sénatrice, ma réponse sera identique à celle que je viens de faire à votre collègue.

M. David Assouline s’exclame.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, ministre

Monsieur Assouline, vous venez d’arriver et je vous salue. Mais vous n’êtes pas obligé d’interrompre tout le monde, à peine franchi le seuil de cet hémicycle !

Bravo ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste. – Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, ministre

Madame Bourzai, j’ai bien entendu votre message et je le transmettrai au Premier ministre. Toutefois, un texte législatif ne peut contenir une injonction à l’exécutif.

Je rappelle en outre à la Haute Assemblée que transcrire en droit interne une directive européenne est une obligation constitutionnelle.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, ministre

Le Conseil d’État vient d’ailleurs de le rappeler dans la décision qu’il a rendue le 30 octobre dernier sur l’affaire Perreux. Il reconnaît la possibilité pour tout citoyen de se prévaloir des dispositions d’une directive européenne, lorsque l’État n’a pas pris à temps les mesures de transposition nécessaires.

Le Gouvernement ne fait donc que son devoir en transcrivant cette directive européenne en droit interne.

Par conséquent, il émet un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

M. Martial Bourquin. Quel manque d’ambition !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à M. Robert Navarro, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Navarro

Il existe actuellement un vide cruel dans la législation communautaire : l’absence totale de cadre législatif clair pour les services publics.

C’est pour cette raison que je vous appelle à voter cet amendement. Depuis des années, nous militons en faveur d’un tel cadre juridique : la présidence française de l’Union européenne aurait pu avancer sur ce sujet-clé.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Navarro

Elle était d’ailleurs attendue par les autres États membres. Elle n’en a pas eu la volonté politique. Je vous ai entendu, monsieur le ministre, et j’espère que vous transmettrez notre message de manière plus efficace !

À l’heure de la transposition de la directive relative à l’achèvement du marché intérieur des services postaux de la Communauté, et dans la mesure où sera bientôt transposée la fameuse directive sur les services, dite « Bolkestein », un tel cadre juridique est absolument indispensable.

Les règles du marché intérieur ne peuvent pas s’appliquer aux services publics, qu’ils s’agissent des services d’intérêt général ou des services sociaux d’intérêt général. Les collectivités locales, les associations, les mutuelles et les syndicats en ont assez du flou juridique qui encadre leur activité. Ce n’est pas non plus à la Cour de justice des Communautés européennes de définir notre cadre juridique : il revient au pouvoir politique de prendre ses responsabilités.

Le Gouvernement serait bien inspiré de prendre conscience de l’urgence qu’il y a à construire ce cadre juridique avec ses partenaires européens avant de toucher à un seul service public.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Je voterai cet amendement.

Je dois avouer n’avoir pas bien compris la position de M. Hérisson. Alors qu’il a été rapporteur de la proposition de résolution européenne de Catherine Tasca, il affirme aujourd'hui qu’il est trop tard pour agir. Je suppose que, à l’époque où a été examiné ce texte, il n’a pas soutenu qu’il était trop tôt !

Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Monsieur le rapporteur, qu’avez-vous fait depuis que cette proposition de résolution européenne a été examinée en séance publique ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Si vous aviez agi, vous nous auriez évité d’avoir à déposer aujourd'hui cet amendement !

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

L'amendement n° 263, présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Avant le 1er janvier 2010, il est instauré une commission indépendante d'évaluation, composée de façon paritaire par des représentants de l'État, des salariés de La Poste, des associations d'usagers et de membres du Parlement.

Cette commission est chargée de procéder à l'évaluation objective et contradictoire pour La Poste du coût précis du service postal universel et des obligations qu'il comporte ainsi que le montant de la perte de recettes qu'implique la suppression du secteur réservé.

Cette commission présente au Parlement les résultats de son évaluation avant le 1er janvier 2011.

La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Cet amendement vise à permettre une évaluation objective et contradictoire du coût précis du service postal universel ainsi que du montant de la perte de recettes qu’impliquerait la suppression du secteur réservé. Cela suppose la création d’une commission indépendante d’évaluation composée de façon paritaire par des représentants de l’État, pour leur légitimité, des salariés de La Poste, qui sont les mieux à même d’évaluer les coûts, des associations d’usagers, qui ont des demandes à formuler, car ils n’ont pas envie de perdre leur temps au guichet, et de membres du Parlement, qui représentent le peuple.

Le service postal universel a un coût évaluable, qui doit être établi de façon incontestable et connu de tous, afin d’être comparé aux recettes garanties ainsi qu’aux recettes plus aléatoires.

Dans le secteur public comme dans le secteur privé, ce préalable de bonne gestion est incontournable. Pour notre part, nous refusons le changement de statut et nous voulons, par cet amendement, prouver que derrière la « modernisation » se cache la volonté de démanteler le service public.

Monsieur le ministre, l’adoption de cet amendement vous obligerait à sortir du flou dans lequel vous maintenez le Parlement, les usagers et les salariés. Quel serait le coût précis d’un service postal universel résultant de la fin du secteur réservé ?

La directive européenne ne dit presque rien à ce sujet. Le rapport Ailleret sur le développement de La Poste est quasiment muet sur le sujet. Le rapport de la commission de l’économie, quant à lui, mentionne pour l’opérateur un « surcoût net » estimé « grossièrement à un milliard d'euros par an ».

Si les régions avaient été aussi peu exigeantes avec la comptabilité de la SNCF, lors de l’évaluation du coût de la décentralisation...

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

... et de la gestion du TER, on les aurait accusées de brader l’argent des contribuables !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Je n’imagine pas que l’État soit moins vigilant que le sénateur Hubert Haenel, qui avait été mandaté par l’Association des régions de France dans les années quatre-vingt-dix. À moins que tout cela ne cache la volonté du Gouvernement de liquider le service public postal !

Ce n’est pas la perspective d’un fonds de compensation alimenté par les opérateurs qui nous rassure. Vous savez que France Télécom expérimente, pour y être adossée, la contestation permanente des coûts et les marchandages. Ensuite vient la tentation de céder aux nouveaux entrants, pour les attirer.

Nous refusons cette spirale, qui transforme les usagers en consommateurs, les consommateurs en consommateurs uniques qui ont les moyens, et les salariés en victimes.

D’ailleurs, le Comité économique et social européen a clairement estimé que « le financement durable du service universel n’était pas garanti par les éléments fournis par la Commission » et, dans son avis, il mettait en perspective « la pertinence du secteur réservé ».

Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, nous attendons des comptes sérieux et demandons la création de cette commission indépendante d’évaluation.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Hérisson

Vous trouverez réponse à toutes vos interrogations dans l’excellent rapport Ailleret et dans l’avis qu’il a émis sur l’ensemble de cette problématique.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Hérisson

Bien sûr que si ! On y lit même qu’actuellement le service public universel est bénéficiaire !

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Pourquoi changer de statut s’il est performant ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Hérisson

L’article L. 2-2 du code des postes et des communications électroniques prévoit que le fonds de compensation du service universel postal est alimenté par des contributions dont le montant est déterminé par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP.

Ce mécanisme, précisé par l’article 16 du présent projet de loi, permettra à La Poste de supporter le coût financier de son obligation de service universel et répond donc à la préoccupation exposée par les auteurs de cet amendement.

C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, ministre

J’ai bien compris l’objectif des auteurs de cet amendement. Il est en effet indispensable de connaître le coût réel du service public universel, puisque cela conditionnera le montant des contributions qui seront exigées des opérateurs.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, ministre

Sur ce point, nous sommes d’accord.

L’annexe I de la troisième directive postale donne des orientations à prendre en compte pour le calcul du coût net des obligations de service universel. Un décret reprendra l’ensemble de ses composantes.

L’ARCEP, autorité indépendante, est chargée d’évaluer ce coût dans notre pays. À cette fin, l’article 14 du texte issu des travaux de la commission prévoit qu’elle recevra communication de toutes les informations nécessaires par le prestataire du service universel.

Les précisions que je viens de vous apporter devraient vous conduire à retirer votre amendement. Dans l’hypothèse contraire, je donnerai un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Mes chers collègues, je vous rappelle que, aux termes du règlement, le signataire d’un amendement dispose d'un temps de parole de trois minutes pour en exposer les motifs. Les explications de vote sont admises pour une durée n'excédant pas cinq minutes.

Je vous demande de respecter ces règles, faute de quoi je me verrai dans l’obligation, par souci d’équité, de vous couper la parole.

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à M. Desessard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

M. Jean Desessard. Et moi qui avais prévu de ne parler que trois minutes ; je vais donc pouvoir poursuivre pendant deux minutes supplémentaires !

Rires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Monsieur le ministre, vous êtes formidable !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, ministre

M. Michel Mercier, ministre. Ça, c’est vrai !

Rires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Cela dit, vous auriez pu remercier Mme Blandin d’avoir présenté un amendement positif, qui vise non pas à faire de l’obstruction, mais à garantir le sérieux de l'État en matière de finances publiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

M. Jean Desessard. Je le fais, moi ! Merci donc, madame Blandin

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Par conséquent, je le répète, ce n’est pas un amendement d’obstruction.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

M. Jean Desessard. Quelle réponse avez-vous donnée à cette proposition positive ? Vous nous avez dit que la directive européenne avait mis au point un mode de calcul du coût du service universel. Quel est donc le résultat de ce calcul, monsieur le ministre ?

Sourires sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

M. le rapporteur nous a indiqué que le rapport Ailleret mentionnait un chiffre. Lequel ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Nous y voilà ! Aucun chiffre n’est donné ni par la directive ni par le rapport Ailleret. Le seul chiffre disponible est celui de La Poste. Il est tout de même normal de vérifier si ce dernier est justifié.

Mais vous, vous faites complètement confiance à La Poste. Ce n’est pas sérieux ! C’est pour cette raison que nous vous proposons cet amendement visant à instaurer une commission indépendante d’évaluation, composée de façon paritaire par des représentants de l’État, des salariés de La Poste, des associations d’usagers et des membres du Parlement., afin d’évaluer le coût du service universel.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, ministre

Il y a l’ARCEP !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Refuser un tel amendement est véritablement incompréhensible !

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Je vais utiliser la minute trente de temps parole qui reste à M. Desessard pour prolonger son argumentation.

Depuis deux jours, chaque fois que nous présentons un amendement, que nous prenons la parole, il nous est reproché de faire de l’obstruction, de ne pas formuler de propositions, …

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

M. Didier Guillaume. Non ce n’est pas sûr, monsieur le président ! Nous sommes là pour avancer !

Exclamations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

D’ailleurs, mes chers collègues, si nous avons perdu beaucoup de temps hier soir, c’est parce que vous étiez minoritaires et que chaque vote a donné lieu à un scrutin public. Si vous aviez été majoritaires, le débat aurait peut-être progressé plus vite.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

En ce qui nous concerne, nous faisons bien des propositions même si, ce matin, M. le ministre nous a dit qu’un facteur à vélo irait toujours plus vite qu’un parti socialiste en panne. §Ce n’est pas idiot d’ailleurs ! Mieux vaut s’arrêter que s’engager aveuglément dans une privatisation.

Avec cet amendement, nous vous soumettons une vraie proposition, qui pourrait recueillir l’unanimité. Que peut-on lui reprocher ? Personne n’est en cause ! Nous voulons créer une commission indépendante pour effectuer des vérifications et s’assurer du bon fonctionnement du système.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Ce n’est pas l’ARCEP qui joue ce rôle ! L’instance que nous appelons de nos vœux est très différente, puisqu’il s’agit d’une commission indépendante au sein de laquelle siégeraient, notamment, des représentants du Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Si le Sénat n’est pas indépendant, monsieur le président de la commission, c’est une nouvelle !

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Tel est donc le sens de cet amendement.

Cependant, constatant que chacun de nos amendements est retoqué §nous nous interrogeons : avez-vous décidé de vous en tenir à votre texte et d’adopter la conception décrite par M. Longuet ce matin selon laquelle vous êtes majoritaires et donc que, quelles que soient nos propositions, nous avons politiquement tort parce que minoritaires, …

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

… auquel cas le Parlement ne sert à rien ?

Ou bien alors, acceptez-vous de débattre ? En l’occurrence, il s’agit un peu d’un amendement test. Par cette proposition positive, nous voulons montrer que tous les membres de la Haute Assemblée partagent le même souci de la défense du service public de La Poste et décident ensemble de se procurer des informations chiffrées plus développées que celles dont nous disposons aujourd’hui.

Le rapport Ailleret est muet sur ce point et, d’ailleurs, M. le rapporteur considérait, me semble-t-il, que ce qui était proposé était plus ou moins une usine à gaz.

En tout état de cause, cet amendement reflète notre souci d’avancer et je le soutiendrai.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Cet amendement est symbolique de ce débat à plusieurs égards.

On laisse traîner dans l’opinion publique l’idée selon laquelle le changement de statut est une nécessité pour nos entreprises nationales, qui rencontrent des difficultés financières pour assurer leur mission de service public, face aux conditions de concurrence actuelle et aux contraintes imposées par les directives européennes, et doivent chercher des revenus dans un système concurrentiel.

Ainsi, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, dont je suis membre, sera bientôt saisie d’un projet de changement de statut de l’Agence France-Presse. S’il s’agissait de moderniser une structure créée voilà plusieurs décennies, ce serait acceptable. Mais l’on nous affirme qu’il faut remédier à la mauvaise situation financière de l’Agence, confrontée à un déficit structurel chronique. Or les chiffres montrent que, depuis 2002, l’Agence a toujours été bénéficiaire. Dès lors, pourquoi engager le changement de statut maintenant, puisque le problème n’est pas celui qui est affiché ?

Dans ce débat, nous demandons de la visibilité, non seulement pour les parlementaires qui en ont besoin pour légiférer, mais aussi pour l’opinion publique. Nombre de discussions deviendraient dès lors sans objet.

Monsieur le rapporteur, vous avez répondu à Mme Blandin et à M. Desessard que les chiffres – on ne connaît pas le montant exact – montrent que le service universel est bénéficiaire. Répétez-le à l’opinion ! Criez haut et fort que ce n’est pas la situation financière de La Poste qui pose un problème !

Dans ce débat stratégique, dont l’objet n’est pas seulement l’alternative entre la privatisation et l’absence de privatisation, vous dites qu’avec la directive européenne on ne peut pas injecter de l’argent dans La Poste, …

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

… pour investir sur les marchés internationaux.

Mais c’est fort possible pour l’acheminement de la presse, le maillage territorial et la présence postale. Or c’est bien le seul sujet qui doit nous préoccuper, nous législateurs.

Pour nous, La Poste est un service public. Si vous voulez en faire une entreprise commerciale, spécialisée dans la vente, cela ne nous intéresse pas !

Nous souhaitons que nos concitoyens puissent disposer, comme par le passé, du service public qu’ils méritent, qui résiste à la concurrence résultant de l’ouverture des marchés, pour La Poste, la presse, le maillage territorial.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Je soutiendrai cet amendement pour une raison très simple.

Pour permettre au Parlement de jouer le rôle très important que ne cesse de rappeler la majorité dans le domaine de l’évaluation, il faut, à l’évidence, lui donner les moyens de le faire en étant informé de façon objective.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

La création d’un organisme indépendant – vous en êtes friands ! – s’impose donc pour que nous, législateurs, puissions nous acquitter de cette mission de façon éclairée.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à M. Patrice Gélard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

M. Patrice Gélard. Mes chers collègues, j’ai l’impression que nous ne nous rendons pas toujours compte du fait que le Sénat a changé de mode de fonctionnement depuis la révision constitutionnelle. À l’heure actuelle, le texte issu des travaux de la commission est le texte de la majorité, ce qui n’est pas le cas des amendements qui sont proposés maintenant. Il est donc normal qu’ils soient repoussés par le rapporteur.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

C’est un aveu ! Il n’y a plus besoin de séance publique !

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Mon cher collègue, chaque fois que vous intervenez, sous le sceau de la légalité et du droit, vous faites de la politique. Vous êtes un élu du peuple. Cependant, je ne voudrais pas que vous vous cachiez derrière le sceau du droit pour faire passer des messages politiques.

Savez-vous que le débat d’idées, dans une assemblée quelle qu’elle soit, y compris au Parlement, peut aboutir à des consensus sur des questions essentielles ?

Exclamations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Lorsque votre opposition vous parle, plutôt que de vouloir passer comme des bulldozers, ne vaudrait-il pas mieux l’écouter et essayer de dégager des consensus dignes d’intérêt ?

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

J’ai l’impression, mon cher collègue, que vous avez dit tout haut ce que beaucoup pensent tout bas !

M. le ministre nous a dit en commission : « Déposez des amendements ; tous ceux qui sont intéressants seront pris en compte. »

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Si vous nous dites à chaque amendement : « Circulez, il n’y a rien à voir », à quoi sert le Parlement ? Cela signifie que la loi sera faite par l’UMP et quelques satellites et que, en effet, il n’y a rien à voir ! C’est dramatique de penser ainsi !

Mes chers collègues, réfléchissez aux propos que vous tenez !

Rires sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Le débat est quelque chose d’important ! Nous savons bien tous, pour être membres d’assemblées élues, qu’une opposition est utile, qu’elle parvient parfois à soulever des lièvres, de véritables problèmes. L’ignorer purement et simplement en affirmant que tout ce qu’elle propose est systématiquement nul et non avenu témoigne d’une conception du débat d’un archaïsme épouvantable !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

car elle éclaire l’état d’esprit dans lequel la majorité veut conduire les débats face à l’opposition.

J’avais cru comprendre que la réforme constitutionnelle permettrait une coproduction, tant dans le cadre du travail de commission qu’en séance publique.

Or M. Gélard vient de nous dire, et je reprends ses termes : « C’est le texte de la majorité ». Si tel est votre état d’esprit, à quoi sert le débat en commission ? À quoi sert le travail produit en commission, y compris le travail de nuit, comme ce fut le cas pour le Grenelle de l’environnement ?

Cela dit, je mettrai un bémol à mon propos s’agissant des pratiques de la commission des affaires économiques. En effet, dans le cadre du Grenelle – je pense essentiellement au Grenelle I car, sur le Grenelle II nous avons eu quelques divergences, mais c’est normal entre majorité et opposition – ont été retenues des avancées de l’opposition comme de la majorité, qui ont véritablement débouché sur un texte de la commission.

Monsieur le doyen Gélard, je vous le dis calmement, si tel est le fond de votre pensée, cela pose un véritable problème pour le fonctionnement du Parlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

M. Daniel Raoul. Si le texte qui sort de la commission est toujours le reflet de la pensée unique de la majorité, à quoi sert l’opposition dans cet hémicycle ?

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Vous avez déclenché la machine, monsieur Gélard !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

Au moment où nous nous acheminions vers une discussion plus calme, le doyen Gélard ranime l’assemblée !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

M. Gélard est doyen, certes, mais certains d’entre nous sont également affectés de titres universitaires et ils n’essaient pas pour autant de parodier ou de dévoyer le rôle du Sénat.

Monsieur Gélard, en l’occurrence, vous vous comportez plus comme un saint Jean Bouche d’or que comme un doyen !

Mon collègue Daniel Raoul vient de le dire, si vos propos traduisent la pensée de la majorité en ce qui concerne à la fois l’utilité de l’opposition et le rôle fondamental du Sénat, c’est grave.

En tout cas, cette approche trouve au moins ses limites lorsque, comme hier soir, à minuit, nous nous trouvons face à une majorité introuvable pour cause de désaffection des élus du groupe UMP sur les rangs où ils doivent siéger !

Protestations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

Si vous trouvez que tel doit être réellement le fonctionnement du Parlement, pour notre part, nous ne pouvons accepter que le Sénat soit ainsi la métairie du Gouvernement !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Je reviens au fond du sujet tout en répondant au doyen Gélard et en soutenant mon amendement.

M. le doyen Gélard justifie l’immobilisme de la majorité sur le texte de la commission par le fait que le débat, dit-il, a eu lieu en commission.

Ce faisant, il flèche comme unique légitimité pour ce débat le fait d’être membre de la commission de l’économie.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Il exclut du débat les sénatrices et sénateurs qui ont des bureaux de poste, des salariés de La Poste près de chez eux, des maires et des usagers qui les interpellent.

C’est un véritable problème démocratique. Allez donc au bout du raisonnement, fermez l’hémicycle aux parlementaires qui ne sont pas de cette commission !

Protestations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Vous me direz : dans vos groupes, vous pouvez parler entre vous.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Bien sûr, c’est leur conception du débat parlementaire !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Si j’avais eu le temps, j’aurais pu expliquer à Jean Desessard toute la pertinence de cet amendement pour qu’il le défende en commission. Malheureusement, le Parlement, dans sa légitimité, m’a confié d’autres responsabilités, l’office, un rapport sur la grippe, etc., et je n’ai pas eu le temps de le faire.

C’est donc dans l’hémicycle, en toute transparence, que j’essaie de mobiliser l’ensemble de mes collègues avec la légitimité que j’ai acquise de mon expérience de présidente de la première région qui a accepté la gestion décentralisée du TER.

Grâce à notre collègue Haenel, pendant deux ans, nous avons établi le cahier des charges d’un audit extrêmement complet pour nous apercevoir que le service public à la française méconnaissait le détail de ses coûts.

Je cite quelques exemples : coût des conducteurs, coût des guichetiers, pourcentage des trains corail et des TER, coût des gares, de leur entretien, des abonnements, des cartes de réduction pour les séniors, des cartes professionnelles ; qui payaient les abonnements étudiants ?

Protestations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Nous avons quasi éduqué les comptables de la SNCF.

Une commission comme celle-là vous permettrait de clarifier les coûts de la lettre qu’on envoie dans un village à l’autre bout de la France, l’entretien des bureaux de poste et le coût de ce qui est acheminé à vélo, en camionnette ou par d’autres moyens.

Vous ne voulez pas le savoir parce que la somme que vous préparez n’est pas suffisante et vous n’osez pas le dire devant les Français : quand on ne donne pas les moyens au service public, on le tue !

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

Comme mes collègues, je suis très surprise de la déclaration de M. Gélard.

Le débat qui a eu lieu au moment de la modification de l’organisation de nos travaux semblait montrer que tous ceux qui ne sont pas membres d’une commission devaient pouvoir s’impliquer dans un sujet comme celui-ci, qui nous intéresse tous au plus haut point.

Si les membres de la commission de l’économie sont nombreux, ils ne représentent pas obligatoirement la diversité de l’ensemble des membres du Parlement. Nous avons tous notre propre connaissance du terrain.

Comme l’a dit Marie-Christine Blandin, nous avons tous été confrontés à la difficulté d’appréciation du coût d’une partie du service public, quel qu’il soit, pas seulement celui de La Poste.

Donnons-nous aujourd’hui les moyens d’apprécier ! Je fais partie, avec M. Hérisson, du groupe de réflexion sur La Poste. Nous avons auditionné des responsables, notamment M. François Ailleret et personne n’a été en mesure de nous apporter des précisions aussi rigoureuses que celles évoquées par Marie-Christine Blandin pour la SNCF concernant le coût du service universel de La Poste.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

M. Gélard n’en sait rien, il n’est pas membre de la commission !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

Il faut faire ce travail. Nous ne pouvons pas nous en tenir à des appréciations données par La Poste elle-même sur les coûts.

Dire aujourd’hui, après le travail de la commission, « Circulez, il n’y a rien à voir ! » est un manque de respect pour les élus qui ne font pas partie de la commission de l’économie !

Nous avons décidé, en commun, de consacrer une semaine au débat sur ce sujet important qu’est l’avenir de La Poste et la présence postale sur l’ensemble du territoire et dans toutes les communes de France où elle est encore présente, y compris dans celles où elle devrait l’être avec l’augmentation des populations. Nous sommes assez nombreux aujourd’hui dans cet hémicycle pour chasser l’autisme qui vous gagne, mes chers collègues, depuis l’ouverture des débats lundi.

Il faut savoir entendre : ne restez donc pas fermés à nos arguments, qui sont loin d’être aussi politiciens que ceux que vous avez employés ce matin !

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Notre collègue M. Gélard est une grande voix du droit mais il n’en a pas le monopole.

Selon ses propos, le texte de la commission étant celui de la majorité, aucun amendement n’a lieu d’être voté par notre assemblée, ce qui implique que les amendements déposés par les membres du groupe UMP et par les non inscrits devraient donc systématiquement avoir le même sort. Je ne crois pas que ce soit bien, et cette analyse ne me paraît pas excellente.

Avec humilité, puisque je ne suis pas sénateur depuis très longtemps, je constate que les évolutions auxquelles nous avons pu assister – je me souviens du vote sur le travail dominical et de la quasi-obligation de vote conforme à laquelle nous avons été soumis – ne vont pas forcément dans le sens d’une plus grande démocratie.

Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Je voudrais revenir sur le débat qui a été engagé de façon impromptue par le doyen Gélard sur la méthode de fonctionnement de notre assemblée.

Je rappelle que la révision constitutionnelle et la réforme de notre règlement ont été annoncées comme une prétendue amélioration du rôle du Parlement et un rééquilibrage.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

C’est dans ce sens que nous avons travaillé à la réforme du règlement. Il a été dit très clairement par tous ceux qui ont travaillé sur ce texte qu’en aucun cas il ne serait porté atteinte au droit d’amendement. Chaque parlementaire ici, quel que soit le groupe auquel il appartient, engage aussi sa responsabilité personnelle.

Vouloir nier l’exercice du droit d’amendement, …

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

… c’est véritablement nier le rôle du Parlement.

Vous l’avez nié, monsieur le doyen…

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

… puisque vous prétendez que seuls les amendements pris en commission sont intéressants et donc recevables.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

C’est offensant pour vos collègues, monsieur Gélard : s’ils ont envie d’adopter un amendement, ils en ont le droit !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Nous nous sommes donné une année d’exercice pour juger du fonctionnement de notre assemblée à partir de ces nouvelles dispositions.

Si la majorité avait la tentation d’interpréter le nouveau règlement comme une limitation du droit d’amendement pour l’opposition, lorsque nous en viendrons à évaluer nos nouvelles conditions de travail, nous serions amenés à reprendre notre liberté par rapport aux règles nouvelles.

Il est de l’intérêt de tous les membres du Sénat de bien réfléchir à cela et de respecter l’esprit de la réforme d’un règlement qui, pour le moment, est loin de nous prouver qu’il accroît les pouvoirs du Parlement.

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Je mets aux voix l'amendement n° 263.

Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Il est procédé au comptage des votes.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 22 :

Le Sénat n'a pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

L'amendement n° 366, présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le service public postal assure aux citoyens des tarifs péréqués et abordables sur l'ensemble du territoire.

La parole est à M. Roland Courteau.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Les activités de La Poste ont toujours revêtu un intérêt stratégique et social. En étant, nous ne cesserons de le rappeler, plus de 2 millions à voter en faveur de la tenue d’un référendum, que la majorité continue de refuser, sur la question de son statut, les Français ont témoigné de leur attachement à cette entreprise publique.

Il est, somme toute, assez curieux de voir un parti politique se méfier des électeurs. Quoi qu’il en soit, devant l’entêtement du Gouvernement à passer outre les craintes populaires, nous tenons à ce que le projet de loi rappelle clairement certains principes.

À cet égard, il nous semble nécessaire de bien préciser que les tarifs postaux sont régulés pour que ce qui constitue l’essence même du service public soit maintenu. Notre recommandation porte sur deux points : la péréquation des tarifs et leur caractère abordable.

Premièrement, la péréquation est une nécessité. Chacun le sait, pour un opérateur, l’acheminement d’une lettre n’a pas le même coût, selon qu’elle est distribuée dans l’Aude, l’Hérault, la Drôme ou en plein centre de Paris. L’accessibilité du territoire et la densité de la population font que certaines zones sont nécessairement plus rentables que d’autres.

Permettez-moi tout de même de rappeler que, aux termes de l'article 1er de la Constitution, la France est « une République indivisible ». Si l’on ajoute le principe de continuité territoriale, alors une lettre doit pouvoir circuler en tout point de notre territoire pour le même coût, afin que l’égalité des citoyens ne soit pas un vain mot. C’est là un principe fondamental de notre République, et il nous importe qu’il figure dès les premières lignes du projet de loi.

Puisque le Gouvernement a décidé de livrer La Poste à l’exigence de rentabilité, nous souhaitons instaurer suffisamment de garde-fous pour empêcher le délitement de la qualité du service et de ses valeurs.

Deuxièmement, La Poste doit fournir un service abordable, afin que l'ensemble de nos concitoyens puisse en bénéficier.

La votation citoyenne organisée le 3 octobre dernier l’a rappelé, La Poste est l’affaire de tous. Nous devons faire en sorte qu’elle puisse le rester. Il faut garantir aux Français qu’ils pourront à l’avenir avoir facilement accès au service postal.

Cela suppose, notamment, que le prix du timbre ne grimpe pas en flèche, comme on a pu le constater dans de nombreux pays ayant privatisé l’entreprise nationale chargée du courrier.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, cet amendement vise donc à protéger les citoyens et les consommateurs. Non, la concurrence ne conduit pas nécessairement à une réduction des prix. Nous pourrions citer de nombreux exemples qui prouvent le contraire.

Aussi est-il de notre devoir de tout mettre en œuvre pour que les Français ne soient pas les grands perdants de ce texte !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Hérisson

Mon cher collègue, cet amendement est satisfait tant par l’état du droit actuel que par les dispositions du projet de loi. D'ores et déjà, les tarifs du service universel sont uniformes sur le territoire et doivent demeurer abordables.

En effet, l'article 13 du texte prévoit : « Les services d’envois postaux à l’unité fournis par le prestataire du service universel postal sont proposés au même tarif sur l’ensemble du territoire métropolitain. »

Par ailleurs, l'article L. 1 du code des postes et des communications électroniques précise : « Le service universel postal [est offert] à des prix abordables pour tous les utilisateurs. »

Par conséquent, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Même avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

M. Roland Courteau. Exceptionnellement, nous allons dire que nous avons été convaincus par les propos de M. le rapporteur, mais pas par ceux de M. le ministre, qui a été bien bref !

Sourires ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre

Mais je suis du même avis que M. le rapporteur !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Nous retirons donc cet amendement, madame la présidente.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

L'amendement n° 366 est retiré.

L'amendement n° 368, présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le service public postal fournit ses services en répondant aux exigences d'aménagement du territoire.

La parole est à Mme Jacqueline Alquier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Alquier

Cet amendement a pour objet de rappeler que l'aménagement du territoire est considéré comme une « exigence essentielle » – pour reprendre la terminologie européenne – depuis la première directive postale de 1997. En effet, selon le point 19 de son article 2, complété par la troisième directive postale, l’aménagement du territoire constitue l’une des « raisons générales de nature non économique qui peuvent amener un État membre à imposer des conditions pour la prestation des services postaux ».

Le fait d’inscrire cette notion dans le projet de loi, avant même l'article 1er, permettrait de s’assurer que le Gouvernement souscrit bien à cette exigence.

Monsieur le rapporteur, le 30 avril dernier, à la suite de la demande de plusieurs de nos collègues d’une directive-cadre pour les services d'intérêt général formulée à l’occasion d’un débat sur une proposition de résolution européenne, vous aviez vous-même reconnu ceci : « Les services publics réduisent les inégalités de fait en apportant à chacun la possibilité d’obtenir des soins, d’éduquer ses enfants, de se déplacer pour un coût raisonnable. Une société pourvue de services publics efficaces bénéficie d’un point d’accroche lors des crises économiques.

« J’ajouterai – j’y suis particulièrement sensible en tant que président de l’Observatoire national de la présence postale – que seule l’intervention des pouvoirs publics, notamment la péréquation, peut assurer à chacun un accès aux services de poste et de télécommunications, même pour celui qui est situé dans un territoire isolé ou socialement défavorisé, sans jamais dissocier les deux. »

Les services d'intérêt général ont donc des spécificités qui doivent être prises en compte. C’est ainsi que la Confédération européenne des syndicats estime que « des dispositions devraient être prises avant de décider de libéraliser des secteurs essentiels comme le secteur postal, afin de préserver la cohésion économique et sociale de l'Union européenne ».

Or, lors de l'examen de la proposition de troisième directive postale, l’UNI-Europa Poste, qui représente les syndicats postaux de tous les États membres, soit plus d’un million d’employés sur un effectif total de 1, 6 million, a bien noté un déficit d’analyse et d’évaluation de l’impact économique et social et des effets sur l’emploi de la réduction du secteur réservé, et ce à chaque étape du processus, et a regretté que « les études retenues par la Commission pour arrêter ses propositions ne se [soient] pas intéressées aux répercussions sur la cohésion sociale et territoriale ni à l’emploi ».

Personne ne peut accepter que l'aménagement du territoire fasse finalement les frais à la fois de la troisième directive postale et de ce projet de loi. De la même façon, nous ne saurions tolérer un nouveau transfert de charges sur les collectivités.

L’exigence d’une directive-cadre pour les services d'intérêt général est, à ce titre, pleinement d’actualité.

Monsieur le ministre, vous vous dites réellement attaché, comme nous le sommes nous-mêmes, non seulement à la préservation des services publics, mais aussi à leur promotion : eux seuls peuvent garantir la solidarité et la cohésion sociale et territoriale. Vous vous devez donc d’encourager officiellement les États membres à donner vie à la nouvelle base juridique autorisée à cette fin par le traité de Lisbonne. Se saisir des nouvelles possibilités offertes par ce texte, qui devrait très prochainement entrer en vigueur, constituerait un symbole fort pour l'ensemble des citoyens européens.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Hérisson

Madame Alquier, cet amendement tend à préciser que le service public postal fournit ses services en répondant aux exigences de l’aménagement du territoire. Comment ne pas approuver une telle disposition ?

Or, La Poste contribue déjà, par son réseau, à l’aménagement du territoire. Cette mission de service public est d’ailleurs – je prends M. le ministre de l'espace rural et de l’aménagement du territoire à témoin – renforcée dans le texte adopté par la commission, qui me paraît suffisamment explicite pour répondre à votre préoccupation.

Point n’est besoin de se répéter, et je vous prie donc de bien vouloir retirer votre amendement.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, ministre

Le Gouvernement partage l’avis de la commission. En mettant notamment en avant le service universel postal, le projet de loi initial prenait déjà en compte les critères d’aménagement du territoire et d’accessibilité, plus précisément à l'article 2 pour répondre à l’interpellation de M. Raoul.

La commission de l’économie du Sénat est allée encore plus loin, puisqu’elle a adopté, avec l’accord du Gouvernement, un amendement visant à prévoir 17 000 points de contact de La Poste sur le territoire français.

Par conséquent, madame la sénatrice, votre amendement est pleinement satisfait, même si je comprends que vous l’ayez déposé et que vous souhaitiez en discuter. Je vous demande donc de bien vouloir le retirer.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à M. Michel Teston, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Teston

Pour une fois qu’une directive européenne comporte un élément très positif – je fais référence, bien sûr, à la prise en compte de l’aménagement du territoire comme l’une des exigences essentielles pouvant amener un État membre à imposer une certaine organisation pour la prestation de services postaux –, pourquoi diable la commission et le Gouvernement n’acceptent-ils pas de l’énoncer en chapeau du projet de loi ?

Je constate d’ailleurs que M. Mercier, l’un de nos anciens collègues, se pose la même question et semble être d’accord avec moi sur ce point.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Teston

Très franchement, je ne vois pas les raisons qui justifient de ne pas inscrire dans le texte que le « service public postal fournit ses services en répondant aux exigences d’aménagement du territoire ».

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Monsieur le ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire, nous avons vraiment de la chance de vous compter parmi nous cet après-midi !

L’idée générale, c’est que nous sommes tous favorables à l’aménagement du territoire. Mais là où tout se complique, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

… c’est effectivement quand la collectivité doit payer.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, ministre

Je vais vous répondre !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Il faut en effet assurer le service public, même quand il n’est pas rentable. Parce qu’il est utile, parce qu’il permet d’éviter la désertification rurale et de maintenir une présence humaine dans les villages, la collectivité doit faire un effort financier.

Monsieur le ministre, selon vous, nous devrions être satisfaits. Sans doute allez-vous me dire que je suis exigeant, mais pourriez-vous nous satisfaire davantage encore ?

Exclamations amusées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Nous serions rassurés si vous pouviez prendre l'engagement de prévoir, dans les années à venir, les moyens nécessaires pour maintenir des bureaux de poste à part entière plutôt que d’installer des « points poste » chez les commerçants. Car ces derniers n’assureront, tout au plus, que deux ou trois des dix-sept tâches que remplit actuellement un bureau de poste.

Si vous aviez pu, grossièrement bien entendu et sans entrer dans le détail des 17 000 points de contacts, auquel cas nous risquerions d’être encore là dimanche, nous communiquer l’ensemble des moyens que votre ministère compte obtenir de La Poste pour maintenir, dans le cadre de l’aménagement du territoire, cette présence postale, nous serions davantage rassurés.

Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, ministre

Pour être agréable à M. Desessard, ainsi qu’à l’ensemble de ses collègues, je veux rappeler que les obligations d’aménagement du territoire, qui s’appliquent spécifiquement à La Poste, et non aux autres opérateurs, sont incluses dans la loi du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service public de la poste et à France Télécom. Nous les reprenons dans l’article 2 du présent projet de loi, mais elles sont déjà inscrites dans la loi.

C’est pourquoi l’amendement est satisfait. Je vous demande donc, madame Alquier, de bien vouloir le retirer.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à M. René-Pierre Signé, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Pierre Signé

L’aménagement du territoire est extrêmement important et le rôle qu’occupe La Poste dans ce domaine est prépondérant. La desserte des hameaux, en particulier, est essentielle, car la France ne peut pas vivre avec des zones complètement dépeuplées et délaissées.

Comme je l’ai déjà dit, je connais des personnes qui prennent des abonnements dans le seul but de voir le facteur : celui-ci leur apporte, non seulement le journal, mais aussi de la vie. En effet, le pire pour certaines personnes âgées et isolées, ce n’est pas la solitude, mais l’isolement.

Je suggère donc plutôt un élargissement des activités de La Poste. Après tout, c’est bien ce qu’elle a fait en devenant une banque postale : la banque des pauvres, d’ailleurs ; des gens qui ne sont pas clients des banques ; des personnes âgées qui, dans les campagnes, ont l’habitude de faire appel à elle pour ouvrir un livret.

Pourquoi le facteur ou le préposé de La Poste, qui se rend dans chaque hameau, dans chaque maison, ne pourrait-il pas assurer en même temps le portage des repas ? Pourquoi ne pourrait-il pas apporter de tels services supplémentaires ? Cette idée a déjà été proposée et je crois qu’elle correspond bien à la notion de vivre ensemble, de lien social.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, ministre

C’est l’objet de l’article 2 !

Debut de section - PermalienPhoto de René-Pierre Signé

Pour cette raison, nous tenons absolument à maintenir une présence postale, en tous lieux et tous les jours.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

La notion d’aménagement du territoire se situe réellement au cœur de nos préoccupations. Cela ne fait aucun doute ! Dans cet hémicycle, nous sommes tous convaincus de son importance, tant dans les secteurs urbains, dans les villes, que dans le monde rural et dans nos villages – nous sommes nombreux, ici, à représenter de petites communes. Nous sommes également tous convaincus du rôle indispensable que La Poste peut jouer dans les territoires ruraux.

M. le ministre et M. le rapporteur nous ont apporté des assurances, notamment en évoquant les dispositions de la loi du 2 juillet 1990, quant à la prise en compte de cette notion d’aménagement du territoire.

Nous sommes aussi particulièrement sensibles à l’importance de la présence humaine. Même si, malheureusement, notre société évolue beaucoup dans le virtuel, La Poste montre l’exemple dans ce domaine. Ses agents méritent donc aussi beaucoup de respect et de reconnaissance.

Quoi qu’il en soit, je crois que nous pouvons nous fier à la réponse de M. le ministre : la notion d’aménagement du territoire, à laquelle nous accordons tous, ici, une importance certaine, est bien prise en compte dans ce projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à M. Gérard Le Cam, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Le Cam

Nous allons soutenir avec ardeur l’amendement n° 368, présenté par le groupe socialiste, dans la mesure où il se réfère aux exigences d’aménagement du territoire. Ce sont des exigences auxquelles nous sommes particulièrement attachés, notamment en cette période où le Gouvernement s’apprête à dynamiter les communes et les départements dans un projet de loi dit « de réforme territoriale ».

Je ne veux pas opposer les ruraux et les urbains, qui sont complémentaires. Toutefois, ce pays compte 20 % de ruraux qui souffrent chaque fois que de beaux messieurs de La Poste viennent nous rencontrer, nous, les élus de ces populations, pour annoncer des fermetures progressives de bureaux de poste : d’abord le mercredi matin, puis le mardi après-midi… Malheureusement, les commissions départementales ne peuvent absolument pas peser sur ces choix, qui sont imposés.

Ce matin, nous parlions de référendum. Sur ce sujet particulier de l’aménagement du territoire, il y a vraiment lieu d’organiser un référendum. Si vous le souhaitez, monsieur le ministre, nous pourrions même regrouper les deux sujets. Cela serait certainement intéressant : il suffirait de prévoir deux cases à cocher !

Vous êtes effectivement en train de faire sauter l’héritage de 1789, l’héritage de nos communes, de nos départements.

Au cours de ce débat, certains sont remontés à Louis XI. J’irai moins loin, s’agissant de l’aménagement du territoire. Néanmoins, mon attachement à ce sujet est d’autant plus fort que c’est un député des Côtes-du-Nord, département aujourd’hui dénommé les Côtes-d’Armor, qui s’est battu, entre 1839 et 1847, pour l’adoption du tarif postal unique. Celui-ci a été adopté en 1848. À l’époque, le timbre-poste n’existait pas encore ! Ce député des Côtes-du-Nord, élu sans discontinuité de 1834 à 1846, s’appelait Alexandre Glais-Bizoin et, quand il est décédé, en 1877, il était toujours conseiller municipal de la ville de Saint-Brieuc.

C’est vous dire, mes chers collègues, tout l’attachement que nous portons au principe d’un traitement égalitaire – il y a bien écrit « Égalité » quelque part sur les frontons de nos mairies ! – de l’ensemble de nos citoyens par ce grand service public qu’est La Poste.

Voilà pourquoi nous soutiendrons et voterons cet amendement ! Cette notion, essentielle, risque malheureusement de disparaître car nous voyons bien quel sera le profil de La Poste de demain. Il y aura de grands paquets de boîtes aux lettres au bout des routes de nos hameaux. Comment les personnes âgées feront-elles, dans ces conditions, pour aller chercher leur courrier ? Il y aura aussi des tarifs encore plus différenciés qu’aujourd’hui. Certes, il existe différents tarifs, envoi lent ou envoi rapide, et des tarifs pour les entreprises. Il n’empêche que, demain, les personnes éloignées des bureaux de poste devront payer plus cher.

Voilà, messieurs les ministres, ce que vous qualifiez de modernisation. Eh bien non ! Avec ce projet de loi, vous êtes en train de faire voter un véritable recul de société !

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Je viens de vérifier les références qui ont été données par M. le ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire.

Je suis navré, monsieur Mercier, mais il n’y a aucune trace d’une mission d’aménagement du territoire, ni dans la loi du 2 juillet 1990 – je parle bien de la loi, et non d’un code des postes et des communications électroniques – ni dans l’article 2 du projet de loi débattu aujourd’hui.

Certes, ce dernier fait apparaître toute une série de missions de service public, dont « le service universel postal » ou encore « la contribution, par son réseau de points de contact, à l’aménagement et au développement du territoire ». Mais il est bien fait mention d’une contribution au travers du réseau postal, et nullement d’un service public d’aménagement du territoire, ce qui devrait être la mission de base de La Poste.

Je trouverai donc tout à fait normal que, au moment où nous évoquons tous, les uns et les autres, le rôle de service public de La Poste, cette mission d’aménagement du territoire soit inscrite en préambule des articles. Cela ne mangerait pas de pain et nous pourrions même obtenir un consensus sur cette mission de La Poste !

Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Hérisson

Si vous souhaitez des références précises, monsieur Raoul, je vous rappelle les dispositions de la loi du 2 juillet 1990, dans son article 6 : « Dans l’exercice de ses activités visées à l’article 2 de la présente loi, La Poste contribue, au moyen de son réseau de points de contact, à l’aménagement et au développement du territoire national, en complément de ses obligations de service universel au titre des articles L. 1 et L. 2 du code des postes et des communications électroniques et dans le respect des principes fixés à l’article 1er de la loi n°95-115 du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire. Pour remplir cette mission, La Poste adapte son réseau de points de contact, notamment par la conclusion de partenariats locaux, publics ou privés. »

Nous sommes en train d’examiner des amendements portant articles additionnels avant l’article 1er….

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Hérisson

… et, comme le savent ceux qui ont suivi, en commission, l’évolution du projet de loi, un certain nombre des points évoqués ici seront satisfaits au fur et à mesure de la discussion des articles.

Je vous demande donc simplement, mes chers collègues, de faire preuve de confiance à mon endroit ! Sur des sujets aussi essentiels que celui que nous évoquons, nous pourrons avoir un débat, mais cela se fera à l’occasion de l’examen d’articles ultérieurs. Ces discussions trouveront mieux leur place, me semble-t-il, dans le déroulement ultérieur de nos travaux, ce qui permettra éventuellement d’enrichir la loi avec des propositions de l’opposition.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à M. Simon Sutour, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Sutour

Je ne sais pas si mes collègues souhaitent répondre à la proposition que M. le rapporteur vient de formuler. Pour ma part, je suis surpris et choqué par les propos qui sont tenus !

On nous dit : nous sommes tous d’accord sur le fait que La Poste doit contribuer à l’aménagement du territoire. M. le ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire nous signale que cette disposition est prévue dans la loi du 2 juillet 1990, mais il y a débat sur le contenu de cette loi. M. le rapporteur, quant à lui, nous indique qu’elle figure dans le projet de loi que nous allons voter. Il n’y aurait donc pas de problème et, sur le fond, nous serions tous d’accord.

Je prends à témoin l’ensemble de nos collègues, sans faire de distinction entre les représentants de départements ruraux ou urbains – le mien est à la fois urbain et rural : l’inscription d’une telle mention dans la loi n’est pas d’une efficacité considérable ! Quand nous parcourons nos communes et nos cantons, on ne cesse de nous saisir pour des bureaux de poste qui ferment une demi-journée, puis une autre. C’est un lent équarrissage !

Vous avez peut-être raison formellement, monsieur le rapporteur. Ne m’étant pas penché sur le contenu complet, exact, détaillé, exhaustif de cette loi du 2 juillet 1990, je n’en sais rien. Je vous fais donc confiance, puisque vous manifestez un grand intérêt pour La Poste et l’aménagement du territoire.

Mais, franchement, mes chers collègues, qui peut le plus peut le moins ! Si cela ne vous pose pas de problème sur le fond, acceptez donc notre amendement !

Sinon, vous revenez à la position que notre collègue Patrice Gélard a défendue et qui m’a choqué. Celui-ci semble estimer que tout est réglé, qu’il y a une majorité, que les commissions ont déjà délibéré et que, par conséquent, nous pouvons faire toutes les propositions que nous voulons, chanter, …

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Sutour

… le débat continuera. Moi, je dis « non » !

Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, faites preuve d’ouverture et la discussion sera plus rapide ! Je tenais à insister sur ce point, et j’en ferai part aux élus de mon département.

Mes chers collègues, si cet amendement, qui permet d’enfoncer le clou s’agissant de l’obligation pour La Poste de contribuer à l’aménagement de nos territoires, notamment dans les zones rurales et de montagne, n’est pas adopté, chacun devra prendre ses responsabilités et les assumer devant nos concitoyens.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à Mme Jacqueline Alquier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Alquier

Monsieur le rapporteur, nous avons bien entendu les engagements que vous avez pris en ce qui concerne l’article 2. Vous avez parlé de confiance, mais nous restons vigilants et maintenons notre amendement.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

L'amendement n° 354, présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Un moratoire est instauré sur l'entrée en vigueur de la directive 2008/6/CE du 20 février 2008

La parole est à M. Michel Teston.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Teston

Cet amendement a pour objet d’instaurer un moratoire sur l’entrée en vigueur de la troisième directive postale du 20 février 2008, qui, par son article 7, interdit désormais aux États membres d’accorder ou de maintenir des droits exclusifs et spéciaux dans le secteur postal.

Or, avec l’arrêt Corbeau du 19 mai 1993, la Cour de justice des communautés européennes a étudié le droit exclusif de collecter, de transporter et de distribuer le courrier confié par la loi belge à la Régie des postes. Elle a admis que l’article 90 du traité permet aux États membres de conférer à des entreprises, qu’ils chargent de la gestion de service d’intérêt économique général, des droits exclusifs susceptibles de faire obstacle à l’application des règles du traité sur la concurrence, dans la mesure où des restrictions à la concurrence sont nécessaires pour assurer l’accomplissement de la mission particulière qui a été impartie à ces entreprises.

D’autres arrêts rendus depuis lors, comme Commune d’Almelo du 27 avril 1994 et International Mail Spain du 15 novembre 2007, vont dans le même sens.

Cette jurisprudence constante n’a empêché ni l’adoption de directives soumettant les services d’intérêt général à la loi du marché ni une interprétation très libérale des directives sectorielles par la Commission.

Dans le cas de la troisième directive postale, aucune étude préalable n’a été menée, ni de la part de la Commission européenne ni de la part du Gouvernement, sur la portée de cette jurisprudence qui vient conforter, sur le plan juridique, la nécessité économique et sociale du maintien du secteur réservé comme option laissée aux États membres pour financer le service universel postal.

Dès lors, il nous paraît indispensable de demander un moratoire sur l’entrée en vigueur de la troisième directive postale et de contester le bien-fondé du projet de loi, qui vise à la transcrire, en attendant que la preuve soit faite que les droits exclusifs et spéciaux ne peuvent être invoqués dans le cas présent pour préserver le secteur réservé postal. Nous souhaitons que le Gouvernement prenne en compte notre demande et se rapproche d’autres États européens pour obtenir l’instauration d’un moratoire. Dans un contexte marqué par une profonde crise économique, financière et sociale, il devrait trouver des alliés.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Hérisson

Monsieur Teston, la France a déjà obtenu – nous y avons contribué tous les deux – que l’ouverture totale à la concurrence du secteur postal soit repoussée de deux ans. Il n’est plus raisonnable de suspendre encore l’entrée en vigueur d’une mesure dont le principe a été accepté par notre pays il y a plus de dix ans.

Je vous rappelle que nous évoquerons les questions liées à cette directive dans le cadre du titre II. Comme je l’ai déjà indiqué tout à l’heure, il me semblerait plus judicieux de rouvrir la discussion de certains amendements portant articles additionnels avant l’article 1er au moment de la discussion des articles auxquels ils se rattachent. Nous pourrons à ce moment-là avoir un débat qui nous permette de trouver des compromis sur des questions essentielles. Je vous demande donc de retirer votre amendement.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre

Je partage l’avis de M. le rapporteur. Cette série d’amendements n’est pas inintéressante, loin s’en faut. Mais, en toute logique et pour conserver au texte sa cohérence, nous devrions en débattre lorsque les articles auxquels ils se réfèrent viendront en discussion.

Sur la directive, dois-je rappeler que le processus a été engagé avec la première directive du 18 décembre 1997 pour s’achever avec la troisième directive de février 2008. La France s’est battue pour obtenir le report de deux ans de l’entrée en vigueur de cette directive, qui interviendra non plus au 1er janvier 2009, mais au 1er janvier 2011.

Monsieur Teston, à mon tour, je vous demande de retirer votre amendement pour que nous revenions sur ce débat au moment où la transcription de la directive en droit français sera évoquée.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Madame la présidente, l’amendement de M. Teston est très intéressant même s’il est à mon sens mal rédigé parce qu’il ne répond pas à l’objectif poursuivi.

M. Teston, et il a raison, nous a montré que les directives doivent être appliquées conformément aux décisions de la Cour de justice de l’Union européenne. Or, ce n’est pas ce qui est dit.

C’est la raison pour laquelle, je propose de rectifier l’amendement en le rédigeant ainsi : « Les directives postales de 1997, 2002 et 2008 s’appliquent sous réserve des décisions contraires de la Cour de justice des Communautés européenne ». Là, c’est beaucoup plus clair. Cela signifie que la partie des directives qui contrevient aux décisions de la Cour n’est pas opposable à la France.

Un tel dispositif serait préférable à un moratoire qui n’est qu’une suspension provisoire et n’ôte pas l’illégalité.

M. Christian Estrosi a évoqué le calendrier il y a un instant et le fait que la France a obtenu qu’on repousse l’entrée en vigueur de la directive. « Encore une minute, monsieur le bourreau », disait Mme du Barry, mais elle a tout de même fini par y laisser la vie ! Je voudrais qu’il m’indique avec précision quels sont les articles de son texte qui permettent à La Poste de faire ce que les arrêts cités par M. Teston permettent de faire au regard des traités. J’ai beau regarder son texte, je n’en ai pas trouvé.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à M. Michel Teston, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Teston

L’argumentation de Michel Charasse n’est pas inintéressante. Cela étant, la formulation qu’il retient conduit à donner à la France le pouvoir de décider seule de ne pas appliquer un certain nombre de directives européennes. Ce n’est pas la meilleure façon de traiter la question. Il vaut mieux, me semble-t-il, se retrancher derrière les décisions de la Cour de justice des Communautés européennes pour demander, dans le contexte économique difficile actuel, un moratoire avec l’aide d’autres États européens.

Nous pourrons alors engager à nouveau une vraie négociation. Entre nous, maintenir le secteur réservé qui ne représente plus qu’un peu moins de 30 % de l’ensemble de l’activité du courrier et du colis ne paraît pas anormal. Je préfère donc la solution que nous avons retenue, tout en respectant celle de Michel Charasse, qui présente tout de même, à mon sens, d’extrêmes difficultés d’application.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Hérisson

J’ai bien noté que M. Teston n’était pas favorable à la demande de rectification de son amendement.

Je réitère ma proposition de renvoyer le débat au bon moment, c’est-à-dire lors de la discussion du titre II relatif à la transposition de la directive européenne. Nous solliciterons l’avis du Gouvernement qui, en fonction de ce qui a été dit, peut peut-être envisager d’examiner, avec la commission, une rédaction qui serait acceptable pour résoudre le problème de principe posé par M. Teston.

Mes chers collègues, je vous rappelle tout de même, à toutes fins utiles, que la France ne pourrait décider seule et de sa propre initiative de suspendre la mise en œuvre d’un accord décidé au niveau communautaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

J’ai bien écouté M. Teston, mais je me rends à l’argument de forme du rapporteur. Puisqu’il y a en quelque sorte une clause de revoyure au titre II, qui comporte des dispositions relatives à l’application par la France des directives dont nous parlons, je reprendrai mon argumentation à ce moment.

Par conséquent, je retire ma demande de rectification mais je persiste à penser qu’il faut bien qu’apparaissent dans la loi, à un moment où à un autre, les décisions de la Cour de justice qui sont favorables à nos thèses et au maintien du service public. Or, pour le moment, cela n’y est pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

Nous sommes dans une situation nouvelle quelque peu particulière, qui peut justifier le maintien du secteur réservé. La crise dans laquelle nous sommes plongés devrait nous amener à nous interroger plus avant sur les conséquences de nos décisions.

Par ailleurs, comme le rappelait ma collègue Évelyne Didier tout à l’heure, la situation des autres pays européens apporte la démonstration d’une attente différente de leur part en termes de mise en œuvre des directives européennes sur le service postal s’agissant de la mise en concurrence.

Ces deux arguments doivent être entendus. Je rappelle qu’un tel débat a cours aujourd'hui en Angleterre et qu’on assiste à des actions des postiers.

Je le répète, la possibilité de prolonger, voire de maintenir à terme, un secteur réservé doit être fermement débattue.

J’ai lu d’ailleurs que certains pays européens regrettaient que la France n’ait pas sollicité un nouveau report de l’entrée en vigueur de la directive.

Monsieur le rapporteur, vous nous avez invités tout à l’heure à regarder l’article 17 concernant les prix. Après l’avoir relu, je peux vous dire que je n’y ai pas trouvé de réponse à nos interrogations. Je cherche chaque fois à me référer à vos arguments, mais ils se révèlent bien légers.

Cet amendement conforte donc notre proposition précédente, qui visait à demander la renégociation des directives européennes.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Teston

J’ai entendu les propositions de M. le rapporteur et celles de M. le ministre. Je leur pose donc la question très clairement afin que leur réponse figure au compte rendu intégral : peuvent-ils s’engager à ce que nous réexaminions cet amendement au titre II ?

Si oui, mais seulement à cette condition, j’accepterai de retirer mon amendement pour le représenter lorsque nous aborderons la suppression du secteur réservé, c’est-à-dire au titre II du projet de loi. Mais j’aimerais être sûr que l’on ne nous opposera pas le délai limite pour le dépôt des amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Hérisson

Non, il suffit que vous rectifiiez votre amendement pour l’affecter à l’article concerné du projet de loi : quoi qu’il arrive, nous l’examinerons.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre

Monsieur Teston, je vous confirme que le Gouvernement est favorable au réexamen de votre amendement rectifié. À cette occasion, nous examinerons également la proposition de M. Charasse.

Monsieur Charasse, vous m’avez interrogé tout à l’heure. Qu’il me soit permis de vous préciser que les arrêts auxquels vous faisiez référence ont été rendus antérieurement à la troisième directive postale.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre

Certes, mais ce sont des arrêts qui ont été rendus avant la troisième directive.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Je suis donc saisie d’un amendement n° 354 rectifié, qui viendra en discussion lors de l’examen du titre II.

L'amendement n° 369, présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les réseaux postaux ont une dimension territoriale et sociale importante qui permet l'accès universel à des services locaux essentiels.

La parole est à M. Jean-Claude Frécon.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Frécon

La troisième directive postale, dont ce projet de loi transpose certaines dispositions, a au moins le mérite de rappeler, dans son exposé des motifs : « Les réseaux postaux ont une dimension territoriale et sociale importante qui permet l’accès universel à des services locaux essentiels. »

Toutes les grandes associations françaises d’élus locaux avaient estimé nécessaire de rappeler, en juin 2007, à la veille de la première lecture de la troisième directive au Parlement européen, que « les services postaux, de par leur maillage territorial, constituent un service public essentiel pour la vitalité des territoires et un véritable vecteur de cohésion sociale ».

Les élus locaux ont également insisté sur le caractère impératif du maintien de ce service public « sur l’ensemble du territoire national, y compris dans les zones rurales éloignées et les quartiers urbains sensibles ». Ils ont également ajouté que « le rôle crucial des services postaux justifie de prendre le temps de mieux considérer les conséquences et les moyens de l’ouverture totale à la concurrence ».

Le rapport de Markus Ferber, adopté par la commission des transports et du tourisme du Parlement européen le 18 juin 2007, estimait qu’il convenait de garantir que l’accès aux services postaux ne se détériore pas – le mot a son importance – dans les régions rurales et périphériques et que la libéralisation ne mette pas en péril la cohésion territoriale.

Or l’ouverture totale à la concurrence du service postal menace la cohésion sociale et territoriale, même si elle est garantie dans le traité.

D’ailleurs, il y a quelque temps, notre collègue Hubert Haenel, qui est absent aujourd’hui, sans doute pour de bonnes raisons, affirmait, dans un rapport sur les services d’intérêt général en Europe, que « les forces du marché » mettent en danger la cohésion. Il ajoutait : « Ces mécanismes présentent parfois leurs limites et peuvent risquer d’exclure une partie de la population des bénéfices qui peuvent en être retirés et de ne pas permettre la promotion de la cohésion sociale et territoriale. L’autorité publique doit alors veiller à la prise en compte de l’intérêt général. »

L’amendement que nous proposons a pour objet de rappeler la dimension territoriale et sociale permettant l’accès universel à des services postaux essentiels.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Frécon

Je voudrais m’adresser à tous mes collègues, sur quelque travée qu’ils siègent.

Depuis trois jours, nous entendons chacun dire qu’il est pour la dimension territoriale et sociale du service postal. C’est aussi ce que nous disons tous dans nos départements. Dès lors, pourquoi ne pas réaffirmer totalement ce principe en le faisant figurer en chapeau du projet de loi ? Ainsi, la France montrerait son unité vis-à-vis de son service postal.

Pour éviter toute ambiguïté, je rappelle que le texte de cet amendement n’a pas été réécrit par nous. Il n’est que l’exacte transcription, mot pour mot, de l’exposé des motifs de la directive européenne.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Hérisson

Une fois encore, mon cher collègue, cet amendement rappelle des principes qui figurent déjà sous une forme plus précise aux articles 2 et 6 de la loi du 2 juillet 1990, modifiée en 2005, aux articles 2 et 2 bis du présent texte adopté par la commission et, enfin, à l’article L. 1 du code des postes et des communications électroniques.

Ainsi, l’article 2 dispose-t-il que les missions de service public sont : « La contribution, par son réseau de points de contact, à l’aménagement et au développement du territoire dans les conditions fixées à l’article 6 de la présente loi ; ».

L’article 2 bis, quant à lui, dispose : « Ce réseau compte au moins 17 000 points de contact répartis sur le territoire français en tenant compte des spécificités de celui-ci. »

Nous aurons donc l’occasion de reparler de cette question au moment de l’examen de l’article 2, notamment.

Il m’appartient cependant de vous dire, à vous qui connaissez bien le sujet, à la fois pour avoir présidé la commission des communes et territoires ruraux de l’AMF pendant un certain nombre d’années et en tant que membre de la commission supérieure du service public des postes et communications électroniques, que ce qui figure à la fois dans la loi de 1990, modifiée en 2005, dans le présent projet de loi tel qu’il ressort de nos travaux en commission et dans l’article L. 1 du code des postes et des communications électroniques est de nature à apaiser vos craintes.

Il me semble que votre amendement est redondant. Je vous invite donc à le retirer.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre

Je suis d’accord avec M. le rapporteur. Je ne reprendrai donc pas toutes ses explications.

Monsieur Frécon, vous souhaitez ajouter les mots : « Les réseaux postaux ont une dimension territoriale et sociale importante qui permet l’accès universel à des services locaux essentiels ». Or cette phrase figure précisément à l’article L. 1 du code des postes et des communications électroniques. En outre, les quatre grandes missions de service public en matière d’aménagement du territoire sont précisées à l’article 2 du projet de loi.

Je veux bien que l’on réfléchisse à la possibilité de faire un copier-coller de l’article L. 1 du code des postes et des communications électroniques, mais pas à cet endroit du texte, sinon cela l’alourdirait et n’aurait aucun sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Frécon

Je m’attendais, monsieur le rapporteur, à ce que vous me fassiez une réponse similaire à celle que vous avez donnée à M. Teston et que vous estimiez que ce débat devrait avoir lieu dans le cadre de l’examen de l’article 2.

Je vous ai entendu dire, monsieur le ministre, qu’il n’est même pas besoin d’inscrire cette disposition dans le projet de loi, puisqu’elle figure déjà dans le code des postes et des communications électroniques.

Ce n’est pourtant pas à vous que je vais apprendre la différence entre un code, qui est une affaire interne à la France, et une loi, qui, tout en étant une affaire interne à la France, peut permettre de faire évoluer le système sur le plan européen. C’est pourquoi je crois que cette phrase doit être mise en exergue dans le présent projet de loi afin d’avoir plus de poids vis-à-vis de l’Europe.

Tout à l’heure, M. Mercier nous a incités, en commençant ce débat, à trouver des points qui nous rassemblent. Je pense que ce que nous proposons ici ne heurte personne et que c’est un bon moyen de trouver un consensus dans notre assemblée. C’est important pour le service public de La Poste, qui nous préoccupe tous au plus haut point.

Par conséquent, soit je maintiens cet amendement, soit, si M. le rapporteur en est d’accord, je le rectifie ainsi qu’il en a été fait pour l’amendement n° 354.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Hérisson

Monsieur Frécon, vous pensez bien que je ne vais pas me contredire en quelques minutes. Je vous répète donc ce que j’ai dit tout à l’heure : il serait plus judicieux d’examiner de tels amendements portant articles additionnels avant l’article 1er dans le cadre d’autres articles.

Je serais donc plutôt favorable à la seconde option.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Frécon

Dans ces conditions, j’accepte de rectifier mon amendement pour qu’il soit discuté à l’article 2.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Je suis donc saisie d’un amendement n ° 369 rectifié, qui viendra en discussion ultérieurement.

L'amendement n° 424, présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Tout changement de statut de La Poste doit faire l'objet d'un référendum.

La parole est à M. Didier Guillaume.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Monsieur le ministre, nos craintes demeurant les mêmes, cet amendement a de nouveau pour objet le référendum.

Nous sommes conscients que ce texte n’est pas un projet de privatisation : nous l’avons toujours affirmé. Nous craignons cependant qu’avec le changement juridique et le passage du statut d’EPIC à celui de société anonyme, la porte soit grande ouverte à une possible privatisation.

Parce que nous souhaitons tous défendre le service public, notamment le service public postal, il nous paraît opportun de faire valider ce changement par le peuple souverain. Un référendum devrait pouvoir sanctionner une telle décision de changement de statut de La Poste.

Mes chers collègues, je ne remets pas en cause votre position, quel que soit le groupe auquel vous apparteniez ; je suis convaincu que vous êtes tous favorables au maintien du statut public de La Poste.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Nous avons toujours défendu ce point de vue, monsieur Maurey.

Simplement, pour conforter cette position, pourquoi ne souhaiteriez-vous pas, comme nous, que le statut d’EPIC soit conservé à La Poste ? Cela ferait obstacle à sa privatisation et garantirait son maintien dans le domaine public.

Tel est le sens exact de nos propos. Et le débat qui a eu lieu hier soir avec nos collègues MM. Gélard et Teston a bien montré la possibilité de financer les dépenses de fonctionnement d’un EPIC.

Marques de contestation sur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

D’ailleurs, si le fonctionnement de La Poste s’améliorait, peut-être les fonds propres en seraient-ils renforcés et permettraient-ils de financer les investissements.

C’est la raison pour laquelle nous proposons à nouveau, à travers cet amendement n° 424, qu’un référendum ait lieu à l’occasion de chaque changement de statut de La Poste.

Le peuple est souverain, et son avis serait profitable à la majorité comme à l’opposition, car les Français sont majoritairement favorables au maintien du statut public de La Poste. Nous y serions tous gagnants, à moins qu’il n’y ait une arrière-pensée derrière tout cela…

Loin de moi l’idée de faire un procès d’intention ! Mais il est vrai que, après la transformation de l’EPIC en société anonyme à capitaux entièrement publics, il serait envisageable que la part de l’État ne soit plus que de 50 %, puis de 40 %, ce qui aboutirait à la privatisation de La Poste. C’est ce résultat que nous souhaitons prévenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Hérisson

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Vraiment, monsieur Guillaume, j’ai l’impression d’avoir été absent ce matin, ou alors je n’ai rien compris !

Souriressur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Hérisson

En effet, nous avons eu ce matin tout le temps nécessaire pour débattre de la motion référendaire. Celle-ci a fait l’objet d’un vote. J’ai du mal à comprendre qu’on revienne sur cette question : la modernisation de La Poste est urgente, et le recours au référendum ne peut que retarder les échéances en l’absence de solutions alternatives à la transformation en société anonyme. Nous n’allons pas ouvrir de nouveau ce débat par le biais d’amendements !

J’émets donc un avis défavorable. C’est une question de logique, de bon sens ; il y va du bon fonctionnement de notre institution !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre

Madame la présidente, je vais m’adresser à la Haute Assemblée avec une certaine fermeté.

Il n’est pas concevable de faire, hier, un certain nombre de rappels au règlement pour demander que la discussion sur le fond des articles ne commence qu’après la discussion de la motion référendaire et de revenir aujourd’hui sur cette question.

En effet, le président du Sénat, en accord avec l’ensemble des présidents de groupes, a décidé qu’après examen de la motion référendaire, si celle-ci venait à être rejetée, nous débattrions sur le fond du texte. Évidemment, si elle avait été adoptée, nous ne serions plus là pour discuter de l’avenir de La Poste !

Nous venons d’examiner un certain nombre d’amendements dont les dispositions justifiaient un échange entre les membres de la Haute Assemblée. Toutefois, dès lors que l’on commence à présenter un amendement du type de celui-ci, les soupçons que j’exposais ce matin à cette tribune, en répondant aux intervenants sur la motion référendaire, se trouvent confirmés !

À l’évidence, il y a ici une volonté clairement affichée de faire de l’obstruction au débat qui doit s’engager sur la modernisation de La Poste.

Vives protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre

Les Français, comme les postiers, doivent être éclairés.

Debut de section - Permalien
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste

On va les éclairer !

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre

Un certain nombre de membres de la Haute Assemblée, en défendant des amendements n’ayant plus lieu d’être puisque le Sénat s’est prononcé de manière souveraine sur la motion référendaire, font clairement obstruction au débat parlementaire ! (Applaudissementssur les travées de lUMP – Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

M. David Assouline. La manœuvre n’est guère discrète. Avec M. Estrosi, au moins, on sait où l’on va !

Rires sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Le Gouvernement ne peut pas jouer sur tous les tableaux. On nous a expliqué ce matin qu’un référendum n’était pas nécessaire dans la mesure où le Parlement allait prendre le temps de discuter en profondeur les éléments du texte. On nous a même remerciés d’avoir déposé autant d’amendements, preuve que le Parlement allait prendre son temps dans un débat précis, concret, technique !

Maintenant, on nous fait savoir, de façon très appuyée, que ce débat est stérile et sans fondement, et l’on prend à témoin l’opinion publique pour nous accuser d’obstruction…

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Nous allons faire preuve de vigilance et de patience et voir quelles sont les intentions du Gouvernement et de la Commission.

Monsieur le ministre, sachez que, malgré des moments d’emportement ici et là, le débat est très approfondi et apprécié par ceux qui l’écoutent ou le regardent.

Nous ne laisserons pas le Gouvernement initier une nouvelle étape et nous saurons la dénoncer par tous les moyens ! Nous aussi, nous savons parler à l’opinion publique !

Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

Monsieur le ministre, vous paraissez avoir des difficultés à appréhender la forte attente qui existe dans le pays. Je souhaiterais en donner des exemples précis, dont vous n’avez probablement pas connaissance.

Debut de section - Permalien
Plusieurs sénateurs du groupe

Nous connaissons aussi bien que vous les communes rurales !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

La consultation a eu lieu dans de nombreuses communes, qui ne sont pas nécessairement dirigées par des élus de gauche.

Roquefort-des-Corbières, petit village en plein développement démographique situé dans l’arrondissement de Narbonne et le canton de Sigean, par exemple, a organisé la votation citoyenne le 3 octobre 2009. Cette commune compte officiellement 736 électeurs inscrits, dont 336 se sont exprimés lors des élections européennes et 208 ont participé à la votation citoyenne du 3 octobre. Parmi eux, 45 ont voté « oui » à la privatisation, tandis que 162 se sont prononcés négativement. Rien ne justifie donc que l’on refuse ce référendum.

J’attire également votre attention sur le fait que le maire de Roquefort-des-Corbières, M. Christian Théron, est également conseiller général UMP du canton de Sigean.

On pourrait aussi évoquer Gimont, dans le département du Gers

Marques d’impatience sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

On ne peut donc pas affirmer que seules des communes dirigées par des élus de gauche ont estimé nécessaire de consulter la population !

Pour notre part, nous n’avons pas peur de ce référendum. Nous souhaitons que les électeurs soient consultés sur l’avenir d’un service public qui revêt une telle importance dans la vie quotidienne des Français. Il arrive que, dans nos communes, le seul contact humain de certains foyers, soit, une ou deux fois par semaine, celui du facteur !

Or, c’est cette dernière part de l’activité de La Poste qui sera soumise à la concurrence. Elle mérite donc aujourd’hui toute notre attention. Les dispositions de cet amendement entrent tout à fait dans le cadre du débat qui nous occupe.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Avec tout le respect que j’ai pour M. Estrosi et les membres du Gouvernement, il me semble que ce n’est pas le rôle d’un ministre que de décider si tel amendement déposé par un sénateur de la majorité ou de l’opposition doit être défendu !

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre

Certes, mais c’est mon rôle de juger.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Le Gouvernement ne peut pas nous empêcher de défendre cet amendement sous prétexte que le débat a eu lieu hier. Je rappelle, en outre, que ces amendements ont été déposés bien avant que la motion référendaire ne soit elle-même déposée, débattue et votée !

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre

Il faut retirer l’amendement dans ce cas !

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Telle n’est pas ma conception. Certes, la motion référendaire a été rejetée ce matin. Mais permettez-nous malgré tout d’évoquer un sujet aussi important que celui du statut public de La Poste !

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre

Respectez le vote du Sénat !

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Rien ne nous empêche, monsieur le rapporteur, de déposer un amendement ! M. le ministre indique qu’il est contre, fort bien ! Je trouve pour ma part que les arguments employés, selon lesquels le débat a déjà eu lieu, sont un peu forts de café !

Je tiens à défendre cet amendement pour souligner de nouveau le risque d’une privatisation qui ne dit pas son nom et parce qu’un petit voyant lumineux nous rappelle que ce texte pourrait bien être annonciateur d’une telle issue pour La Poste.

Rien ne devrait nous empêcher, tous ensemble, sénateurs et citoyens, d’affirmer avec force notre attachement au service public postal !

Vous allez voter contre, sans doute par scrutin public, mais le problème n’est pas là !

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Je tiens simplement à relever que, si le fait de déposer un amendement s’apparente pour vous à de l’obstruction, c’est que vous vous faites une drôle d’idée du travail du Parlement !

Nous avons des convictions, vous avez les vôtres. Elles se rapprochent sur certains points et divergent sur d’autres. Nous avons la volonté de défendre le service public, vous en avez une autre. Pour notre part, nous voulons des garde-fous. Nous voulons être certains que nous pourrons nous regarder dans une glace, dans quelques années, et dire à nos concitoyens que nous ne leur avons pas menti, que La Poste reste un service public.

Monsieur le ministre, si dans cinq ans ou dans dix ans La Poste est encore un service public, nous vous en serons reconnaissants pour l’entreprise publique postale. Simplement, aujourd’hui, nous voulons des garanties.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à M. Jean-Pierre Bel, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

Monsieur le ministre, vous avez fait allusion à une rencontre avec le président du Sénat. Vous devriez laisser au Sénat, à son président et à ses présidents de groupes, le soin d’organiser les débats comme ils l’entendent.

À aucun moment, je vous le précise puisque vous semblez l’ignorer, nous n’avons donné un quelconque accord sur le contenu de la discussion qui suivrait l’examen de la motion référendaire. La rencontre avec le président du Sénat portait sur l’organisation de nos travaux, sur le temps imparti à la motion référendaire et sur la suite de l’examen des articles et des amendements.

Il existe une petite différence entre l’Assemblée nationale et le Sénat, monsieur le ministre. Ici, nous avons considéré que le droit d’amendement était imprescriptible et que tout sénateur avait le droit de déposer et de défendre sereinement des amendements.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre

Quelle erreur !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

Vous devez absolument en tenir compte, monsieur le ministre, car cela conditionne le climat dans lequel vont se dérouler nos débats dans les prochains jours.

Vous nous faites sans cesse depuis hier un procès en obstruction, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

M. Jean-Pierre Bel. … comme si vous vouliez conditionner l’opinion publique à l’idée que nos débats sont inutiles, ou en tout cas trop longs.

Approbations sur les travées du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

Nous ne sommes pas là pour faire de l’obstruction, nous sommes là pour débattre de questions qui nous concernent tous en tant qu’élus et qui intéressent nos concitoyens. Laissez-nous parler de La Poste, laissez-nous débattre de ce projet de loi et, surtout, ne soyez pas en permanence soupçonneux, faites confiance au débat parlementaire !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Je mets aux voix l'amendement n° 424.

Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire.

Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Il est procédé au comptage des votes.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 23 :

Le Sénat n'a pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

L'amendement n° 425, présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Aucun changement de statut de La Poste ne peut se traduire par une remise en cause du service public procuré aux citoyens.

La parole est à Mme Gisèle Printz.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Printz

À mon tour, je serai amenée à évoquer le référendum avec cet amendement…

Le projet gouvernemental inquiète, à juste titre, les Français. Ils ont été nombreux à exprimer leurs doutes, voire leurs craintes lors de la votation organisée le 3 octobre dernier. Par cette manifestation citoyenne, ils réclamaient l’organisation d’un référendum sur la question, …

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Printz

… de manière à pouvoir donner leur avis avec force. Le Gouvernement leur a refusé cette possibilité et s’est entêté à vouloir présenter son texte.

Nous voici maintenant face à un projet court et souvent flou sur des problèmes pourtant essentiels. On ne peut accepter que les peurs de nos concitoyens soient traitées à la légère par leurs élus. La Poste est une entreprise à laquelle les Français sont attachés en raison des missions essentielles qu’elle est amenée à exercer.

La transformation de l’EPIC – établissement public à caractère industriel et commercial – en société anonyme nous pose problème. En dépit des assurances du Gouvernement sur le caractère entièrement public du capital, censé protéger le groupe des vicissitudes du secteur concurrentiel, nous nous interrogeons sur la possibilité de maintenir les exigences du service universel et ce qu’elles impliquent en termes d’effectifs, d’activité et d’engagements.

Nous avons pu constater depuis dix ans que le groupe menait une politique sociale dure conduisant à la réduction des effectifs, à la diminution du nombre de bureaux, à une moindre accessibilité. Le statut louable de l’EPIC n’a pu empêcher ou contrer ces évolutions, celui de société anonyme y parviendra sans doute encore moins, l’entreprise ayant perdu son statut d’exploitant public.

Aussi jugeons-nous fondamental que la loi précise d’emblée à l’opérateur historique qui sera chargé du service universel les attentes économiques et sociales de la puissance publique. Il n’est pas acceptable que le profit et la rentabilité soient les maîtres mots de cette entreprise, parce que ces derniers ne riment pas avec les impératifs de continuité territoriale et d’universalité du service.

L’avènement de la concurrence s’est fait, dans la plupart des pays européens, au prix d’une détérioration des conditions de travail des salariés, d’une hausse des tarifs parfois extrême et d’une perte de l’accessibilité. Le cas de la Belgique est, à ce titre, tristement éloquent.

Nous voulons un service de qualité parce que nos concitoyens méritent une attention particulière. Sachons aujourd’hui verrouiller les évolutions probables du secteur pour éviter de connaître des situations similaires sur notre territoire.

Cet amendement portant article additionnel vise donc à énoncer des évidences qui semblent ne plus en être, des réalités qui n’auraient pas dû cesser d’exister. Cela a un coût, nous le reconnaissons tous, mais l’unité de la République, la solidarité entre nos concitoyens et l’égalité de leur traitement est à ce prix.

La concurrence n’est pas la fin de l’histoire. Le service public, qui constitue à n’en pas douter une part de notre identité nationale, doit rester la pierre angulaire de toute réflexion sur le service postal. En conséquence, le changement de statut de La Poste ne doit pas conduire à une détérioration de la qualité de ses services.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Hérisson

Cet amendement vise à préciser qu’aucun changement de statut de La Poste ne peut remettre en cause le service public procuré aux citoyens. Ma chère collègue, en vertu de l’article 2 du projet de loi, les missions de service public de La Poste sont garanties et le resteront.

Je rappelle les termes de cet article :

« La Poste et ses filiales constituent un groupe public qui remplit des missions de service public et exerce d’autres activités dans les conditions définies par la présente loi et par les textes qui régissent chacun de ses domaines d’activité.

« I. - Les missions de service public sont :

« 1° Le service universel postal […] ;

« 2° La contribution, par son réseau de points de contact, à l’aménagement et au développement du territoire […] ;

« 3° Le transport et la distribution de la presse dans le cadre du régime spécifique prévu par le code des postes et des communications électroniques ;

« 4° L’accessibilité bancaire dans les conditions prévues par les articles L. 221-2 et suivants et L. 518-25-1 du code monétaire et financier.

« II. - La Poste assure selon les règles de droit commun toute autre activité […] ».

Il ne saurait y avoir de rédaction plus précise et plus claire ! L’article 2 du projet de loi détaille l’intégralité des missions et des activités de La Poste afin de lever toutes les inquiétudes concernant l’organisation du service public.

Cet amendement n’a donc pas semblé utile à la commission, qui a émis un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre

Le Gouvernement émet également un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Je mets aux voix l'amendement n° 425.

Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission de l'économie, de l'aménagement du territoire et du développement durable.

Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

M. Roland Courteau. Ils sont en train de vous pourrir la semaine, monsieur le ministre !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Il est procédé au comptage des votes.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 24 :

Le Sénat n'a pas adopté.

L'amendement n° 426, présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les spécificités du service universel postal nécessitent le maintien et le développement d'un établissement public industriel et commercial.

La parole est à M. Roland Courteau.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Certains de nos collègues de la majorité présidentielle affirment que le changement de statut de La Poste, « c’est la faute à l’Europe ». Il est vrai que certaines aides d’État sont incompatibles avec les règles du droit communautaire – c’est notamment le cas de la garantie illimitée de l’État, qui est dans la ligne de mire de la Commission européenne –, même si les autorités communautaires savent parfois faire preuve de souplesse en la matière, comme on l’a vu à l’occasion du renflouement des banques en faillite.

En sa qualité d’établissement public, La Poste n’est pas assujettie aux règles applicables aux sociétés en cas de faillite et d’insolvabilité. Par ailleurs, elle peut obtenir des prêts à des taux concurrentiels. Parallèlement, le droit communautaire autorise certaines aides de l’État quand leur bénéficiaire est chargé d’une mission d’intérêt général afin de compenser les surcoûts qui en résultent.

Et voilà qu’on nous invite aujourd'hui à donner des gages à la Commission européenne. Pourtant, rien dans le droit communautaire ne nous oblige à renoncer au statut d’EPIC, pas même la procédure d’infraction concernant la garantie illimitée de La Poste.

Prenons l’exemple de la transformation du statut d’EDF, qui était un EPIC, en société anonyme détenue majoritairement par l’État. Il s’agit là d’un précédent très instructif. Pour justifier ce changement de statut, le Gouvernement avait alors expliqué qu’il s’agissait de satisfaire aux exigences de Bruxelles et que la garantie illimitée était liée au statut.

Or, selon les termes mêmes de l’ancien commissaire européen chargé de la concurrence, M. Monti, l’octroi d’une garantie de l’État ne posait pas de problème de principe : seul était en cause son caractère illimité, étant entendu que le statut public ou privé d’une entreprise relève de la compétence du législateur national.

À l’occasion de la réunion de la délégation pour l’Union européenne du Sénat en juin 2004, M. Monti avait précisé que la transformation du statut d’EDF, telle qu’elle était prévue par le projet de loi, allait au-delà des exigences de la Commission européenne et qu’elle répondait au libre choix du Gouvernement français.

En laissant entendre que la transformation de La Poste en société anonyme était une exigence de la Commission, certains de nos collègues sont, au minimum, en pleine confusion, pour ne pas dire plus.

Il nous semble donc utile de rappeler que les missions de service public confiées à La Poste justifient son statut d’EPIC.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Hérisson

De manière extrêmement synthétique, cet amendement prévoit que les spécificités du service universel postal nécessitent le maintien et le développement d’un établissement public à caractère industriel ou commercial. Or le projet de loi prévoit, au contraire, la transformation de La Poste en société anonyme – nous avons longuement abordé cette question pendant maintenant trois jours –, ce qui lui donnerait les moyens de continuer d’assurer son service universel. J’ai rappelé il y a quelques instants les termes de l’article 2 du projet de loi.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre

Même avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

M. Jean Desessard. Madame la présidente, mon intervention vise à faire avancer le débat.

Rires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

M. Jean Desessard. Monsieur le rapporteur, vous avez déclaré hier que c’était M. Bailly lui-même qui avait dit qu’il fallait transformer La Poste en société anonyme. Nous, nous n’y avions pas songé…

Nouveaux rires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

J’ai donc décidé de me renseigner sur la rémunération actuelle du président de La Poste…

Aïe, aïe, aïe ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

J’ai comparé le salaire d’un directeur d’établissement public et son salaire après transformation de l’établissement en société anonyme. La rémunération actuelle de M. Bailly s’élève à 477 000 euros bruts annuels.

Debut de section - Permalien
Un sénateur de l’Ump

C’est peu !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

N’exagérons rien ! C’est tout de même une rémunération confortable ! Cela dit, c’est vrai, M. Bailly doit se demander s’il fait vraiment l’affaire à son poste quand il parle avec tel ou tel « collègue » de leurs revenus respectifs. Ainsi, alors que M. Werner était jadis placé en dessous de M. Bailly dans l’organigramme des dirigeants de La Poste, depuis que La Banque postale est devenue une société anonyme, il perçoit aujourd'hui, en tant que président du directoire de ladite banque, 700 000 euros annuels !

Debut de section - Permalien
Une sénatrice du groupe socialiste

Une sénatrice du groupe socialiste. Quelle injustice !

Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Quant au PDG de France Télécom, il perçoit 1, 6 million d’euros, sans les stock-options, soit près de trois fois la rémunération du PDG de La Poste !

Autrement dit, celui qui affirme qu’il faut faire de La Poste une société anonyme est précisément celui qui, dans l’opération, pourrait voir sa rémunération multipliée par trois !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Cela ne mérite-t-il pas qu’on s’y arrête au moins quelques instants ?

Voilà pourquoi je me suis autorisé à dire que mon intervention était destinée à faire avancer la réflexion.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Je mets aux voix l'amendement n° 426.

Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

On nous fait perdre notre temps avec ces scrutins publics !

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Il est procédé au comptage des votes.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 25 :

Le Sénat n'a pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je constate que, tout comme hier soir, la commission demande systématiquement des scrutins publics. Sans doute craint-elle que les membres de la majorité ne soient pas suffisamment nombreux…

Dénégations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

En tout état de cause, cela nous fait perdre beaucoup de temps !

Au lieu de nous donner des leçons de trotskisme, M. le président du groupe UMP, qui n’est d’ailleurs pas là en cet instant, ferait mieux de s’assurer de la présence des membres de son groupe dans l’hémicycle !

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. – Protestations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

L'amendement n° 427, présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la création d'une nouvelle catégorie d'établissement public industriel et commercial chargé de services d'intérêt économique général.

La parole est à M. Jean-Luc Fichet.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Fichet

Au lieu de privilégier la future privatisation du service public postal, il serait novateur de réfléchir à l’avènement d’une nouvelle catégorie d’EPIC, d’un nouveau statut permettant de préserver les particularités de ce type d’établissement tout en respectant les exigences rappelées par la Commission européenne en matière de droit commun.

En conservant un statut similaire, La Poste serait en mesure de préserver son autonomie financière et ne pourrait passer sous la coupe des marchés financiers, l’État ne disposant pas de la propriété du capital de l’EPIC, qui est inaliénable et indivisible.

Cette initiative moderne mettrait l’entreprise postale à l’abri de toute pression d’actionnaires privés et lui permettrait de gérer le service conformément à l’intérêt général.

Si vous souhaitez réellement, monsieur le ministre, mes chers collègues de la majorité, garantir le statut public de La Poste, comme vous le répétez inlassablement dans les médias, vous n’aurez aucune raison de vous opposer à la remise d’un tel rapport, qui nous permettrait d’explorer de nouvelles pistes en matière de gestion des services d’intérêt économique général.

Vous nous expliquez aujourd’hui que vous êtes dans l’obligation d’opérer le changement de statut de l’entreprise publique postale. Si le rapport remis par le Gouvernement au Parlement permet à terme d’explorer de nouvelles pistes, peut-être reviendrez-vous sur cette décision.

En outre, la remise d’un tel rapport permettrait de redonner des moyens d’action au Parlement, dans un contexte politique fortement marqué par l’hyper-présidentialisation de notre régime.

Loin de nous diviser, le débat relatif aux pouvoirs du Parlement devrait nous unir. Nous sommes tous des parlementaires et nous avons vu nos moyens d’action se réduire depuis le début du quinquennat.

Au sein de votre majorité, certains se sont levés pour protester contre cette dangereuse dérive de l’exécutif. La remise d’un tel rapport constituerait un moyen pour le Parlement de s’emparer de ce débat. Nous devons créer un nouveau statut hybride préservant le statut des EPIC, tout en respectant les exigences rappelées par la Commission européenne.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Hérisson

À mon sens, cet amendement a un caractère général, car il porte sur les structures juridiques relevant globalement de la catégorie des établissements publics. La question est intéressante pour les juristes, et ceux-ci pourraient sans doute l’étudier de manière pertinente, mais il ne me paraît pas envisageable de la traiter lorsqu’il est question d’un seul des établissements visés.

C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre

Même avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Je mets aux voix l'amendement n° 427.

Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

M. Roland Courteau. Décidément, ils veulent nous « pourrir la semaine » !

Sourires sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Il est procédé au comptage des votes.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 26 :

Le Sénat n'a pas adopté.

L'amendement n° 428, présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Il est instauré un moratoire sur les suppressions de postes prévues à La Poste.

La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

Nous assistons depuis plusieurs années à une baisse brutale des effectifs de La Poste. Certes, la direction n’impose pas de plan de licenciement, mais elle procède par non-remplacement de nombreux départs à la retraite. Aujourd’hui, pour deux départs à la retraite, l’entreprise n’embauche qu’un seul contractuel. Après 10 000 suppressions d’emplois en 2007, le dernier bilan social de l’entreprise fait état de 7 000 suppressions en 2008.

Tout laisse penser que, avec le changement de statut programmé, le Gouvernement fait le choix d’accentuer ce processus. D’ailleurs, le 29 juin dernier, le président de La Poste a reconnu dans la presse que « le taux de remplacement pourrait être de un sur trois » en 2009. Il a réitéré de tels propos devant les membres de notre commission, le 7 octobre dernier.

En passant du statut d’entreprise publique à celui de société anonyme, La Poste pourrait suivre la voie désastreuse tracée par ses homologues européens.

Ainsi, la Suède a mis fin au monopole postal en 1993. Depuis cette date, le nombre d’emplois est passé de 72 000 à 38 000, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

… tandis qu’augmentait en outre la proportion des travailleurs à temps partiel, jusqu’à représenter environ un tiers de l’effectif total.

En Allemagne, Deutsche Post a été privatisé en 2000. Il y avait 26 000 bureaux de poste avant la privatisation, contre 13 000 aujourd’hui, dont la majorité n’est plus constituée que de simples points de vente filialisés, installés dans des supermarchés ou des épiceries. Entre 1992 et 2006, le nombre d’employés est passé de 306 151 à 150 548, sur fond de développement de la sous-traitance. Le démantèlement de la Deutsche Poste s’est accéléré ces dernières années avec la vente des services financiers à la Dresdner Bank et à la Commerzbank. À cette occasion, ce ne sont pas moins de 50 % des effectifs qui ont été supprimés.

Quant à la poste britannique, elle a quasiment fait faillite en 2002. Sa restructuration a coûté 3 milliards d’euros et s’est traduite par la suppression de 30 000 emplois.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

En 2007, 250 bureaux de poste supplémentaires ont été fermés et la faillite des fonds de pension a mis à mal la retraite des postiers, avec un déficit de 5 milliards d’euros.

Aujourd’hui, certains pays, comme le Japon, reviennent sur la privatisation de leur poste

Dans un contexte de crise économique majeure, marqué par un accroissement du chômage et de la précarité, les auteurs de cet amendement estiment que les entreprises publiques mobilisées pour contribuer au plan de relance doivent jouer ou continuer à jouer leur rôle d’amortisseur en termes d’emploi. À un moment donné, il faut prendre ses responsabilités : on ne peut pas laisser la société se déliter à ce point sans poser des garde-fous sur le plan de l’emploi. Il y va du rôle fondamental du service public.

Faut-il se résoudre à voir La Poste supprimer des emplois en les remplaçant par des contrats d’insertion ? La qualité du service public postal ne doit pas souffrir de cette politique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

Il est évident qu’en cautionnant la suppression de milliers d’emplois, en ouvrant la voie de la privatisation de La Poste, vous altérez grandement la notion même de service public postal.

L’instauration du moratoire que nous proposons permettrait de répondre à toutes ces interrogations et de concevoir, enfin, une nouvelle politique de l’emploi, où le salarié ne serait plus seulement perçu comme une variable d’ajustement pour l’entreprise. La nouvelle société anonyme, entièrement publique et dont l’État serait le principal actionnaire, ne devrait-elle pas montrer l’exemple ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Hérisson

La Poste, je le rappelle, est le premier employeur de France après l’État, avec 299 000 emplois – 162 000 fonctionnaires et 137 000 salariés –en 2007, dont 245 000 au sein de la maison mère.

Cela étant, est-ce à la loi de décider de la politique de l’emploi d’une entreprise, fût-elle détenue par l’État et par des personnes publiques ?

La commission ne peut pas donner un avis favorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre

Défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

Certes, la loi ne peut empiéter sur le domaine réglementaire. Pour autant, quand elle traite du service public, l’égalité d’accès doit être garantie.

Or, si l’on entre dans une logique qui accélérera la diminution des emplois, le service public ne pourra pas être assuré dans les zones plus ou moins reculées faute d’un nombre suffisant d’agents pour y maintenir les bureaux de poste de plein exercice. Si bien que la dérive constatée, par exemple, au Royaume-Uni et qui voit de plus en plus d’usagers contraints d’aller retirer leur courrier dans une épicerie, parmi les boîtes de conserve, sera également observée chez nous. Cela ne pourra que contribuer à écorner, voire à nier, la conception qui est la nôtre du service public.

Voilà pourquoi cet amendement tend à préserver des emplois tout à fait utiles dans une activité qui l’est tout autant !

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Je mets aux voix l'amendement n° 428.

Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Il est procédé au comptage des votes.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 27 :

Le Sénat n'a pas adopté.

Après l’article 1-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service public de La Poste et à France Télécom, il est inséré un article 1-2 ainsi rédigé :

« Art. 1-2. – I. – La personne morale de droit public La Poste est transformée à compter du 1er janvier 2010 en une société anonyme dénommée La Poste. Le capital de la société est détenu par l’État et par d’autres personnes morales de droit public, à l’exception de la part du capital pouvant être détenue au titre de l’actionnariat des personnels dans les conditions prévues par la présente loi.

« À la date de publication de ses statuts initiaux, le capital de La Poste est, dans sa totalité, détenu par l’État.

« Cette transformation n’emporte pas création d’une personne juridique nouvelle. L’ensemble des biens, droits, obligations, contrats, conventions et autorisations de toute nature de la personne morale de droit public La Poste, en France et hors de France, sont de plein droit et sans formalité ceux de la société anonyme La Poste à compter de la date de la transformation. Celle-ci n’a aucune incidence sur ces biens, droits, obligations, contrats, conventions et autorisations et n’entraîne, en particulier, pas de modification des contrats et des conventions en cours conclus par La Poste ou les sociétés qui lui sont liées au sens des articles L. 233-1 à L. 233-4 du code de commerce, ni leur résiliation, ni, le cas échéant, le remboursement anticipé des dettes qui en sont l’objet. La transformation en société anonyme n’affecte pas les actes administratifs pris par La Poste. L’ensemble des opérations résultant de la transformation de La Poste en société est réalisé à titre gratuit et ne donne lieu au paiement d’aucun impôt, rémunération, salaire ou honoraire au profit de l’État, de ses agents ou de toute autre personne publique.

« II. – La Poste est soumise aux dispositions législatives applicables aux sociétés anonymes dans la mesure où elles ne sont pas contraires à la présente loi.

« Les premier et quatrième alinéas de l’article L. 225-24 du code de commerce s’appliquent en cas de vacance de postes d’administrateurs désignés par l’assemblée générale.

« Le premier alinéa de l’article L. 228-39 du même code ne s’applique pas à la société La Poste.

« L'article L. 225-40 du même code ne s’applique pas aux conventions conclues entre l’État et La Poste en application des articles 6 et 9 de la présente loi. »

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Mes chers collègues, je demande instamment à ceux d’entre vous qui souhaitent s’exprimer sur l’article 1er de bien vouloir s’en tenir aux cinq minutes qui leur sont imparties.

La parole est à Mme Odette Terrade, sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Terrade

Avec cet article, nous entrons dans le vif du sujet.

Le changement de statut de l’établissement public en société anonyme aura pour conséquence directe le fait que les activités de La Poste et ses personnels se trouveront soumis à une gestion privée.

Or rien dans les textes communautaires ne justifie ce changement de statut. Les traités européens n’obligent pas les entreprises à changer de statut en cas d’ouverture des marchés.

Quant à l’argument selon lequel le statut public serait un frein au développement de La Poste, les opérations réalisées démontrent le contraire : avec ses 102 filiales, l’entreprise a réalisé plusieurs grosses acquisitions, notamment l’achat d’Exapaq, pour 430 millions d’euros, d’Orsid, pour 19 millions d’euros, le partenariat avec la SNCF pour le transport du courrier sur les lignes TGV. Elle est également présente en Espagne, avec Sueur, en Grèce, avec Interatika, en Turquie, au Royaume-Uni, en Afrique du Sud, en Europe de l’Est, en Inde, etc. Elle a multiplié les partenariats financiers : Société Générale, Matmut, Crédit Municipal de Paris.

Ainsi, par sa politique de rachat, ses différents partenariats et ses échanges capitalistiques, elle est déjà présente en Europe, en Océanie, en Amérique du Sud, aux États-Unis, en Afrique.

Autre argument avancé pour justifier cette privatisation rampante : La Poste ne disposerait pas de capacités suffisantes d’autofinancement et son endettement ne pourrait augmenter. Ainsi, on peut lire dans le rapport de M. Ailleret, qui dès la page 2 précise que son rapport n’engage que lui, que La Poste doit mobiliser « des fonds propres nécessaires à son ambition ».

Mais, si le niveau des capitaux propres de La Poste est trop faible et l’endettement trop élevé, à qui la faute ? Rappelons simplement que La Poste a dû donner 2 milliards d’euros et s’endetter de 1, 8 milliard d’euros à titre de « compensation » pour le financement des retraites des fonctionnaires. Rappelons encore que l’entreprise publique a versé un dividende de 141 millions d’euros au titre de l’année 2007. Rappelons enfin que le coût des quatre missions de service public – accessibilité bancaire, service universel, transport-distribution de la presse et aménagement du territoire – pèse près de 1 milliard d’euros sur les comptes de La Poste.

M. Bailly avait demandé dans un premier temps que les 3 milliards d’euros qui manquent à l’entreprise soient recherchés sur les marchés financiers. Évidemment, cette solution a pris du plomb dans l’aile avec la crise financière…

Aujourd’hui, vous nous proposez de faire entrer des personnes morales publiques dans le capital de La Poste, sans jamais nommer la Caisse de dépôts et consignations, soit dit en passant ! Mais personne n’est dupe : ce type de démarche se solde immanquablement par la privatisation des opérateurs visés.

L’État ne peut pas se désengager financièrement de la prise en charge des missions de service public et arguer, ensuite, des difficultés financières de La Poste pour lui administrer le coup de grâce.

M. Ailleret nous parle d’ambition : La Poste aurait besoin, selon lui, « de mener une politique active de développement : élargissement de l’offre, acquisition d’une dimension européenne sur les créneaux pertinents, recherche constante de compétitivité ». Quand on connaît les déboires de TNT ou ceux de la poste allemande aux États-Unis, avec le retrait de DHL, on aurait plutôt tendance à considérer ce rêve expansionniste des dirigeants de l’entreprise publique comme pure chimère !

L’ambition ne devrait-elle pas conduire à trouver des solutions pour moderniser l’entreprise afin d’assurer la qualité du service public, notamment son accessibilité ?

Dans son rapport, M. Ailleret nous exhorte à ne pas perdre de temps, car il considère qu’en Europe et dans le monde les grandes manœuvres ont débuté dans le domaine postal. Dans un sens, il a raison ! La privatisation des opérateurs européens a produit des effets catastrophiques.

Ainsi, la poste allemande est devenue une poste sans bureau de poste : les 850 plus grands bureaux sont devenus des agences bancaires et les opérations postales se font dans les supérettes. La cotation de la Deutsche Post est médiocre et l’entreprise commence à connaître des difficultés à l’international.

Quant au modèle suédois, il est plaisamment qualifié de « moins un tiers » : un tiers d’emplois en moins, un tiers des bureaux fermés ! Et les clients doivent payer pour que leur courrier soit distribué à domicile.

Si l’article 1er était adopté, ne soyons pas dupes mes chers collègues, il se produira à La Poste ce qui s’est passé dans le domaine de l’énergie, des transports, des télécommunications et de la santé : les groupes privés profiteront des investissements à long terme qui ont été réalisés pour construire et entretenir des réseaux, pour promouvoir des savoir-faire.

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Terrade

Ces activités, qui relèvent du secteur public, sont devenues des champs de profits possibles avidement convoités par les groupes privés.

Madame la présidente, mes chers collègues, le groupe CRC-SPG défend l’attachement de nos populations au service public et à la protection de l’intérêt général.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Mireille Schurch

L’article 1er du projet de loi rendra possible la privatisation de l’exploitant public La Poste : telle est notre conviction.

Le rapport de M. Hérisson explique que la privatisation consiste dans l’intervention de personnes morales de droit privé au sein du capital. Or cette possibilité était offerte par le projet de loi dans la rédaction initiale du Gouvernement : l’article 1er permettait à « des personnes morales appartenant au secteur public » de participer au capital de La Poste. Ainsi, une société anonyme, personne morale de droit privé, aurait pu entrer dans le capital de La Poste. Cela en dit long sur les arrière-pensées du Gouvernement !

Le projet de loi donne également à l’actionnariat salarié la possibilité de détenir 49, 99 % du capital de l’entreprise. Selon vous, une telle situation ne constituerait pas une privatisation, mais nous n’avons pas la même lecture.

Cet article prend donc très clairement acte du désengagement de l’État de ses missions de service public : il renforce la politique déjà engagée de fermeture des bureaux de poste de plein exercice et de recours massif aux contractuels – M. le rapporteur l’a d’ailleurs confirmé à l’instant.

Si ce projet de loi est adopté, le statut de La Poste relèvera du droit commun des sociétés. Ainsi, aucun régime spécifique de cession des actions n’est prévu. Par ailleurs, la composition du conseil d’administration va largement déroger à la loi relative à la démocratisation du secteur public. Enfin, l’actionnariat salarié, en plus de ses effets pervers sur les revenus des salariés, notamment en ces temps de crise, revient bien à une privatisation, même si elle n’est que partielle, du capital de La Poste.

C’est pourquoi, lorsque vous nous expliquez la main sur le cœur, monsieur le ministre, que La Poste est « imprivatisable », nous ne pouvons vous croire. Un service public national, cela se caractérise, mais ne se décrète pas ! Or vous dépossédez l’entreprise de ses missions de service public, supprimant, avec ce projet de loi, les caractéristiques qui en font un service public national. Vous tenez donc un double discours.

On peut noter que quelques reliquats de droit public persistent, de manière étrange, dans le projet de loi, mais au détriment des salariés : le président du conseil d’administration est nommé par décret et les salariés contractuels sont soumis aux dispositions de l’article 31 de la loi du 8 juillet 1990 relative à l’organisation du service public de la poste et des télécommunications.

Nous saluons votre prudence, monsieur le rapporteur, puisque vous avez souhaité, malgré les promesses de l’ensemble du Gouvernement, apporter des garanties afin que le caractère public à 100 % du capital de La Poste, hors actionnariat salarié, soit mieux inscrit dans la loi. Nous partageons votre analyse lorsque vous écrivez que la rédaction du deuxième alinéa de l’article 1er « a paru ambiguë et insuffisamment précise ».

D’une part, vous avez considéré que la conjonction « ou » utilisée dans cette phrase semblait laisser la porte ouverte à un désengagement de l’État, le capital de La Poste pouvant dès lors appartenir exclusivement à des personnes morales du secteur public autres que l’État. Hélas, le remède proposé, c’est-à-dire le remplacement du « ou » par un « et », nous semble inefficace. Tout d’abord, rien n’interdit que l’État détienne 0, 1 % du capital, ce qui revient, vous en conviendrez, à peu près à la même situation que celle que vous souhaitez éviter. Ensuite, le processus de désengagement de l’État est largement engagé, notamment du fait de la non-compensation des charges de service public.

D’autre part, vous avez eu raison de préciser, monsieur le rapporteur, que seule peut entrer au capital de La Poste une « personne morale de droit public », qualification beaucoup plus restrictive que celle de « personne morale appartenant au secteur public ». Cependant, cette nouvelle rédaction ne règle pas la question de la libre cession des actions.

Enfin, monsieur le ministre, vous nous avez expliqué au cours des auditions que les opposants au changement de statut n’étaient pas en mesure de proposer une autre forme juridique que la société anonyme afin de permettre à La Poste de lever des capitaux sans un nouveau recours à l’endettement. Nous vous renvoyons donc à nos deux propositions majeures : premièrement, le maintien de l’établissement public industriel et commercial, doté des moyens de se moderniser et d’assurer ses missions de service public et, deuxièmement, la création d’un pôle public financier. Je vous indique, monsieur le ministre, que la création de ce pôle financier figure désormais dans nos propositions d’amendement.

Face aux 30 milliards d’euros d’exonérations de cotisations sociales, aux 360 milliards d’euros débloqués pour faire face à la crise financière, aux 26 milliards d’euros du plan de relance, comment imaginer que l’État ne soit pas en mesure de trouver les moyens juridiques et financiers d’assurer un bel avenir à ce grand service public postal ?

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Biwer

Je serai, pour ma part, un peu moins pessimiste que les collègues qui ont parlé avant moi, car je ne fais pas, de cet article, la même lecture qu’eux : je ne crains pas une « privatisation rampante » de La Poste. J’ai conscience des objectifs du Gouvernement et confiance dans le nouveau statut qu’il veut donner à La Poste.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Biwer

En 1991, lorsque a été créé l’établissement public à caractère industriel et commercial La Poste, en lieu et place de l’ancienne administration des postes, l’État l’a doté de l’équivalent de 3 milliards d’euros de fonds propres. Depuis, La Poste s’est développée avec sa propre capacité de financement et en ayant recours à l’endettement, lequel s’élève à l’heure actuelle à 6 milliards d’euros, ce qui représente 1, 7 fois ses fonds propres.

Il est certain que, dans la perspective de l’ouverture totale du marché, La Poste ne peut plus compter que sur elle-même pour assurer son développement. Ainsi, en devenant une société anonyme à capitaux publics, comme le prévoit le projet du Gouvernement, La Poste disposera d’un capital qui lui sera apporté par ses actionnaires, en l’occurrence l’État et la Caisse des dépôts et consignations, soit 2, 7 milliards d’euros, à raison de 1, 2 milliard d’euros souscrits par l’État et 1, 5 milliard d’euros par la Caisse des dépôts. Cet argent permettra à La Poste de réaliser les investissements indispensables à sa modernisation et à son développement, notamment dans le domaine du courrier, dont le bilan se dégrade d’année en année. Il est évident que cette dégradation quantitative aura des répercussions dans le domaine de l’emploi si l’on n’intervient pas.

La campagne qui a été orchestrée pour faire croire à la population et aux élus que le Gouvernement s’apprêtait à « privatiser » La Poste n’était donc pas dépourvue, me semble-t-il, d’une certaine dose de mauvaise foi, car ses auteurs, dont j’ai la faiblesse de penser qu’ils sont intelligents, savaient pertinemment qu’il n’en était rien !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Biwer

En effet, l’objet de ce projet de loi, et notamment de son article 1er, n’est pas la privatisation de La Poste, mais sa transformation en société anonyme à capitaux publics.

Conscients, néanmoins, des inquiétudes suscitées par ce changement de statut, nous sommes un certain nombre de sénateurs du groupe de l’Union centriste à proposer que la part de l’État dans le capital de La Poste ne puisse être inférieure à 51 %, cela dans le but de garantir à long terme l’engagement de l’État.

Toutefois, la solution retenue par notre commission de l’économie, qui a souhaité que le caractère public à 100 % du capital de La Poste, hors actionnariat des personnels, soit mieux précisé dans la loi, me convient parfaitement. Pour ce faire, elle a proposé l’interdiction du désengagement de l’État et précisé que seule une personne morale de droit public pourrait entrer au capital de La Poste.

Je suis persuadé que ces modifications seront de nature à rassurer le personnel de l’entreprise quant à son devenir, mais aussi les élus des collectivités territoriales rurales, qui tiennent beaucoup au caractère public de cette entreprise, ainsi qu’à l’exercice de ses missions de service public et à sa présence territoriale, précisées ultérieurement à l’article 2 du projet de loi.

Telle est, résumée en peu de mots, madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’analyse que je fais de l’article 1er.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

Il s’agit bien, avec cet article 1er, quenous vous exhortons, chers collègues de la majorité, à repousser avec nous, du cœur du débat.

Cet article prévoit en effet que la personne morale de droit public La Poste serait transformée, à compter du 1er janvier 2010, en une société anonyme. Pour l’instant, faut-il le rappeler, son capital est entièrement public : tous les amendements que nous présenterons viseront donc à la suppression de dispositions qui entérineraient un nouveau statut de La Poste.

Nous pensons que la préservation du statut d’établissement public est essentielle au respect des quatre principes fondamentaux du service public : la continuité, l’égalité de traitement, l’adaptabilité et l’universalité.

Nous voulons que La Poste demeure la propriété collective de la nation. L’actuel statut d’ÉPIC est parfaitement adapté à ses missions et la Commission européenne n’exige absolument pas son changement en société anonyme, notre collègue et ami Michel Teston le dit déjà depuis plusieurs jours, mais nous nous sentons obligés de le répéter constamment ! Dans l’enseignement, on connaît bien la maxime latine repetitio est mater studiorum. Nous rappellerons donc notre conviction profonde en recourant à la pédagogie de la répétition : rien n’impose de changer le statut actuel de La Poste !

Avec le nouveau statut que vous nous proposez, l’ouverture de son capital et la privatisation partielle ou totale deviendront possibles. D’ailleurs, un conseiller du Président de la République n’a pas dit autre chose hier, sur une chaîne de télévision, en rappelant que ce qu’une loi a fait, une autre loi peut le défaire. Vous pouvez donc affirmer, monsieur le ministre, en employant un curieux néologisme, que La Poste est « imprivatisable », nous vous répondons, quant à nous, que la privatisation sera tout à fait possible demain, ainsi que vient de le confirmer M. Guaino à la télévision, opposant ainsi étrangement un démenti à vos propos !

Le nouveau statut de La Poste inquiète. Comme de nombreux collègues, j’ai reçu des délibérations de conseils municipaux. La ville de Montbard, par exemple, a pris une délibération s’inquiétant de la privatisation potentielle de La Poste et demandant l’organisation d’un débat public ainsi que d’un référendum. Dans le même ordre d’idée – et cela peut vous intéresser, monsieur le ministre, puisque des entreprises sont concernées –, le conseil municipal de Lacanche, où sont fabriquées des cuisinières de grande renommée, refuse la transformation de son bureau de poste en agence postale communale, transformation envisagée alors que ce bureau réalise un chiffre d’affaires de plus de 100 000 euros grâce aux envois de plis et de colis des entreprises.

Il est donc clair qu’un démantèlement est en cours. Les élus savent que le service public postal, malgré de nombreuses réformes, n’est plus en mesure d’assurer la qualité du service rendu à la collectivité. Ce fait trouve d’ailleurs sa traduction dans les notations internationales : La Poste n’obtient plus qu’une notation « AA ». Cette détérioration résulte de l’incapacité aujourd’hui affichée de l’État de soutenir l’entreprise publique La Poste.

Les citoyens sont échaudés et, désormais, les bonnes paroles ne suffisent plus !

La transformation de La Poste en société anonyme constitue un transfert des droits de propriété d’un EPIC, propriété collective de la nation, propriété de tous les Français, à une société dont le capital social, vous le savez très bien, sera fractionné en actions détenues par différents propriétaires et introduit ultérieurement en bourse, ce qui contribuera à faire baisser la rating de La Poste. On pourra ainsi combler les trous creusés par la dette et réaliser une sorte de privatisation rampante !

Il est indispensable – et ce serait tellement plus judicieux ! – que l’État apporte à cette entreprise nationale les aides nécessaires pour garantir la distribution de la presse ainsi que la présence postale, afin qu’elle ne connaisse plus de problèmes de fonds propres. Nous voulons donc maintenir le statut d’EPIC de La Poste, car elle est la propriété collective de la nation française !

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Teston

Chacun en convient, l’article 1er, qui vise à transformer l’établissement public La Poste en une société anonyme, est l’article central du présent projet de loi. Il comprend deux volets : le changement du statut de La Poste à partir du 1er janvier 2010 ; la détention du capital de la nouvelle société anonyme par l’État et d’autres personnes morales de droit public.

En premier lieu, et nous le répéterons avec force tout au long du débat, nous rejetons la transformation de La Poste en une société anonyme, car cette transformation ne s’impose nullement : d’une part, la directive européenne n’exige pas une transformation du statut actuel de La Poste ; d’autre part, l’argument selon lequel le développement La Poste exige cette transformation n’est pas fondé.

En effet, son statut d’établissement public à caractère industriel et commercial n’a en rien compromis son développement international : j’en veux pour preuve le fait que La Poste a noué de nombreux partenariats avec des opérateurs postaux étrangers. En outre, elle a prouvé sa capacité à se développer, notamment avec la création de 102 filiales et la forte progression de sa croissance externe par l’achat d’entreprises dans le monde.

J’ajoute que, en dépit de la situation économique actuelle, l’entreprise publique n’avait jamais réalisé autant de bénéfices que ces dernières années parce qu’elle a su étendre ses activités en ne se limitant pas au pôle courrier. Les résultats du groupe au premier semestre 2009, dans un contexte pourtant peu favorable, ont confirmé le bien-fondé de sa stratégie multi-métiers : la progression des résultats de la Banque Postale, le maintien de la rentabilité du colis et de l’express et les plans d’économie mis en œuvre dès le début de l’année pour faire face à la crise compensent partiellement la baisse de rentabilité du courrier.

Au cours des dernières années, le groupe a consacré 3, 5 milliards d’euros à moderniser son réseau, et sans accroître son endettement, qui se situe toutefois à un niveau élevé.

La Poste est donc, quoi qu’on en dise, une entreprise solide, qui a su montrer ses compétences tout en étant confrontée à la concurrence à laquelle les envois de plus de 50 grammes sont déjà soumis.

Enfin, la dette de La Poste est actuellement très bien notée, ce qui lui permet de s’acquitter d’intérêts modestes.

Néanmoins, nous ne le contestons pas, face aux enjeux auxquels elle est aujourd’hui confrontée, La Poste doit renforcer ses fonds propres et se désendetter. Pour cela, il convient que l’État assume enfin ses obligations pour la présence postale et qu’il les assume davantage pour le transport et la distribution de la presse.

En second lieu, l’article 1er indique que « le capital de la société est détenu par l’État et par d’autres personnes morales de droit public ». Je l’ai déjà dit et je n’y reviens pas, cette formulation ne garantit pas que les actionnaires autres que l’État seront des personnes morales, par exemple des entreprises publiques, dont le capital sera à 100 % public.

Le capital de La Poste doit rester entièrement public si l’on veut lui permettre d’assurer ses missions de service public. Cela suppose que La Poste reste un établissement public à caractère industriel et commercial, ce statut opérant un juste compromis entre l’assurance du maintien du service public et le développement d’une entreprise performante au sein d’un marché désormais entièrement concurrentiel.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Le projet de loi présenté à notre assemblée repose sur plusieurs contrevérités conduisant à une évolution considérable du statut d’une entreprise à laquelle les Français ont récemment montré leur attachement en se mobilisant pour participer à la votation citoyenne.

Les Français ne sont pas convaincus par les affirmations des uns et des autres selon lesquelles le changement de statut n’aura aucune incidence, ni sur l’entreprise ni sur le service public. Ces doutes, nous les partageons parce que nous craignons que ce projet de loi ne soit l’antichambre d’une privatisation. C’est, en tout cas, le chemin qui peut y mener, monsieur le ministre.

Certes, si je dis, par exemple, « je vais te tuer », ce n’est pas la même chose que si je dis « je te tue ». Mais il y a une menace, et c’est à cette menace que nous réagissons depuis quelques jours.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L’ouverture totale du marché postal, qui met fin au secteur réservé, n’impose en aucun cas une mutation du statut de l’entreprise La Poste.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Les trois directives européennes prévoyant ces évolutions laissent aux États membres le soin d’opérer à leur guise.

Pourquoi, alors, transformer La Poste en une société anonyme ? M. Bailly, président de La Poste, affirme vouloir investir dans le développement international à hauteur de 3 milliards d’euros et ne pouvoir emprunter une telle somme sur les marchés, notamment parce que le ratio endettement/fonds propres serait défavorable à un nouvel endettement de La Poste. Voilà qui est curieux ! La RATP et la SNCF ont, eux aussi, le statut d’EPIC. Ils travaillent à l’échelon international sur des marchés concurrentiels au travers de filiales. Et cela ne les empêche pas d’emprunter ! Il est vrai que leur comptabilité est organisée de manière à rendre compatibles le statut d’EPIC et les avantages qui y sont liés avec l’exercice d’activités concurrentielles.

Je m’étonne que La Poste, qui exerce pourtant une activité bancaire, n’ait pas une comptabilité aussi bien organisée !

Mais il y a mieux : la RATP est endettée à hauteur de 5 milliards d’euros, alors que ses fonds propres sont de 2 milliards d’euros, et cela ne l’empêche pas pour autant d’emprunter !

Voilà qui illustre le caractère fallacieux de l’argument énoncé par M. Bailly. Je crois, pour ma part, que ce plan de développement sur le marché international est peu travaillé et qu’il ne convainc donc pas encore les investisseurs. Il serait surprenant que des banques refusent de fournir de l’argent à GeoPost si cette entreprise arrivait avec des perspectives de croissance assurées.

Le problème, c’est que, au lieu d’agir en bons gestionnaires en interrogeant M. Bailly sur son plan de développement, vous vous empressez – et à sa demande, selon ce que vous répétez sans cesse – de lui donner un blanc-seing et de modifier le statut d’une entreprise chère aux Français.

Monsieur le ministre, je ne vais pas développer l’argument sur les marges de manœuvre dont vous auriez pu faire bénéficier La Poste si n’avait été commis, au début du quinquennat, le péché originel du « bouclier fiscal » que nous appelons, quant à nous, le « boulet fiscal ».

Nous ne voterons pas cet article parce que, pour l’heure, le changement de statut de La Poste ne se justifie pas.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Je rejoins les orateurs précédents, et sans doute aussi sur ceux qui me succéderont, pour dire que l’article essentiel de ce projet de loi est l’article 1er. En effet, à partir du moment où il sera voté, le changement du statut de La Poste sera entériné ! Cela ne signifie pas que les autres articles sont secondaires, mais il reste que le cœur du projet est bien là.

Si ce débat nous passionne tant, si nous sommes si nombreux à intervenir, au point qu’on nous accuse parfois de vouloir faire de l’obstruction, …

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

MM. Nicolas About et Alain Gournac. Mais non !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

… c’est parce que nous sommes convaincus que le changement de statut de La Poste ne sert à rien. Hélas, depuis deux jours, il est impossible d’aborder sereinement ce sujet !

Vous avez entendu la démonstration de Michel Teston : si La Poste conserve, comme la SNCF, par exemple, son statut d’EPIC, elle pourra parfaitement travailler à l’échelle concurrentielle européenne tout en assumant la fonction de service public en France. Telle est la réalité !

Après tout, on pourrait considérer que, comme La Poste, la SNCF doit être privatisée ! En vérité, nous le savons, cela ne servirait à rien puisque les marges de manœuvre resteraient les mêmes.

De la même manière, quand nous affirmons, nous, que l’État a parfaitement la possibilité de financer l’EPIC de La Poste, c’est une réalité que l’on refuse d’admettre.

C’est pourquoi nous pensons qu’il y a, au mieux, une incompréhension de la part du Gouvernement et de la majorité, au pis, anguille sous roche. Notre crainte, c’est en effet que, en faisant passer La Poste du statut d’EPIC à celui de société anonyme, on n’ouvre la porte à la privatisation. Et de cela nous ne voulons pas ! Sur ce point, chers collègues, nous aurions pu nous retrouver, mais je sais bien qu’aujourd’hui la majorité doit suivre le Gouvernement, …

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

M. Didier Guillaume. … même si quelques voix dissonantes se font parfois entendre. Et je comprends bien que le Président de la République et le Premier ministre aient dû, hier, se livrer à un recadrage. Nous avons vécu cela il y a fort longtemps, quand nous étions la majorité. Peut-être un jour, d’ailleurs, redeviendrons-nous majoritaires…

Sourires

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre

Ce serait terrible parce que vous privatiseriez La Poste !

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

M. Didier Guillaume. Quoi qu'il en soit, j’ai cru comprendre que certains conseillers du Président de la République comptaient au moins autant, sinon plus, que les ministres dans les orientations politiques et les décisions. Mais, en disant que La Poste est « imprivatisable », M. Guaino ne fait-il pas preuve de « bravitude » ?

MM. Alain Gournac et Michel Bécot s’esclaffent.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

En vérité, demain, la porte vers une éventuelle privatisation sera ouverte. C’est la raison pour laquelle nous devons réaffirmer ici que nous sommes attachés au service public, …

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

… comme l’ensemble de nos concitoyens.

Du reste, monsieur Gournac, depuis le début de cette discussion, je n’ai jamais mis en cause l’attachement des sénateurs de la majorité au service public. Je n’ai aucun doute à cet égard et je ne fais aucun procès d’intention.

Ce que nous disons, c’est que, avec un EPIC, nous sommes sûrs que les choses ne peuvent pas dériver, tandis que, avec une société anonyme, la privatisation devient possible. Écoutez ce que disent beaucoup de gens !

Les Français sont attachés au service public, à la venue du facteur dans les quartiers, …

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

… comme dans le moindre recoin des zones rurales, où il est bien souvent le seul représentant du service public auprès des personnes isolées, dont certaines sont âgées. Il lui arrive aussi d’amener les médicaments.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Il y a des personnes qui ne s’abonnent à un journal que pour avoir la visite quotidienne du facteur ! Cela, nous voulons le préserver.

S’il arrivait, par malheur, que La Poste soit privatisée, nous savons très bien que le triptyque du service public – égalité d’accès, non-discrimination, péréquation tarifaire – n’y résisterait pas. Tout cela serait mis à mal : on le sait très bien, qui dit « privatisation » dit « actionnariat ». Qui dit « actionnariat » dit « rentabilité » et la rentabilité, c’est l’inverse du service public à la française.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Panis

La rentabilité, c’est aussi la responsabilité !

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Or on peut être un service public tout en gagnant de l’argent et en étant efficace.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous nous opposons à cet article 1er, qui met le ver dans le fruit.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

M. Didier Guillaume. Nous voulons réaffirmer que cet article 1er doit être combattu pour la bonne et simple raison que son adoption pourrait signifier la fin du service public.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

Comme vient de le dire avec talent mon collègue et ami Didier Guillaume, l’article 1er constitue le cœur – on pourrait aussi parler de « noyau dur » –de ce projet de loi.

Le Gouvernement a d’ailleurs, sans ambiguïté, annoncé la couleur : si ce texte est adopté, La Poste cessera d’être une entreprise publique pour devenir une société anonyme. Chacun se rend bien compte qu‘il est bien difficile de faire rimer « société anonyme » avec « entreprise publique » !

On nous soumet un texte qui donnerait la possibilité à l’État de se retirer progressivement et significativement du capital, et ce quelles que soient les multiples assurances données par M. le ministre et les modifications apportées par les sénateurs de la majorité.

En effet, au bout du compte, malgré toutes les dispositions « prophylactiques » éventuellement mises en place, et au-delà du caractère prétendument « imprivatisable » – votre néologisme est, lui, définitivement improbable, monsieur le ministre ! – de La Poste, ce que fait une loi, une autre loi pourrait le défaire.

Notons-le au passage, cela signifie que, malgré l’ampleur de la crise qui secoue notre pays, le Gouvernement persiste, là comme ailleurs – ou, plutôt, là plus qu’ailleurs ! –, à administrer sa potion libérale sans mesurer les risques qu’il fait courir à notre société, notamment aux plus fragilisés de nos concitoyens, qui ont un impérieux besoin de s’appuyer sur le service public.

Personne ne saurait nier les difficultés rencontrées par La Poste, mais c’est surtout dans les rangs de l’opposition que des voix se font entendre pour dire que ces difficultés trouvent leur origine dans le désengagement de l’État, qui avait, qui a et qui pourrait continuer à avoir la possibilité d’abonder les crédits destinés, par exemple, à garantir l’acheminement de la presse et la présence postale.

À travers l’article 1er, le Gouvernement enfonce le clou et prend, de surcroît, le risque de brûler ses propres vaisseaux ! Mais comment pourrait-il en être autrement quand l’exécutif a, dans la ligne du libéralisme pour lequel il a opté, fait de la réduction du coût des services publics l’alpha et l’oméga de son mode de gestion ? Ce qui ne l’empêche pas, de manière tout à fait paradoxale, de laisser exploser dans le même temps la dette publique, en prenant des mesures dont nous avons largement contesté le bien-fondé. Je pense à l’aide colossale apportée, sans droit de regard, au secteur bancaire ; au pacte automobile et aux crédits engagés en faveur de ce secteur, dont peu de sous-traitants – j’en parle en connaissance de cause ! – ont pu apprécier les effets bénéfiques ; à la baisse de la TVA pour les restaurateurs avec, à la clé, une perte fiscale de 2, 5 milliards d’euros ; enfin, encore et toujours, aux fameuses niches fiscales et au bouclier fiscal, maintenus contre vents et marées.

On connaît maintenant votre recette : sélectionner très strictement les bénéficiaires des aides, puis, juste après, mutualiser la dette !

Voilà ce que vous voulez à présent appliquer à La Poste. Malgré vos dénégations, le risque existe bel et bien que vous ne résistiez pas à la tentation de céder une partie des actifs de l’État : transformée en société anonyme, La Poste pourrait parfaitement faire l’objet d’une telle démarche, grâce à l’adoption d’une loi dans le cadre de cette procédure accélérée dont le Gouvernement est si friand.

Pour toutes ces raisons, et parce que nous n’accordons plus aucun crédit à vos prédictions sur le statut de La Poste, nous voterons contre l’article 1er.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

M. Martial Bourquin. À entendre les uns et les autres, il apparaît que, sur toutes les travées, nous aimons tous La Poste. Aussi ai-je envie de dire à mes collègues de la majorité : ne vous contentez pas de lui clamer votre amour, ce qui ne lui sert pas à grand-chose, adressez-lui donc une vraie preuve d’amour !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Non, car ce serait renoncer à la survie de La Poste !

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Monsieur le ministre, si vous renoncez au changement de statut, nous sommes prêts, de ce côté de l’hémicycle, à travailler avec vous à la modernisation de cette grande entreprise publique.

Cette modernisation impose un débat serein ; il faut qu’ensemble nous parvenions à faire en sorte que, dans une Europe, dans un monde où règne la concurrence, efficacité économique rime avec aménagement du territoire et grand service public postal. Nous devons donner à La Poste les moyens d’être une entreprise moderne, mais avec la volonté de lui garder son caractère public.

Pourquoi vouloir absolument changer de statut ? Il ne faudrait pas que l’on se hérisse – en particulier notre rapporteur ! – chaque fois que l’on parle d’EPIC !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

L’EPIC est un statut moderne. La Cour de justice des Communautés européennes, dans l’arrêt Corbeau de 1993, a reconnu que l’article 90 du traité de la Communauté européenne laissait latitude aux États de prévoir des restrictions à la concurrence et de se garder, ce faisant, des marges de manœuvre pour permettre aux entreprises publiques d’évoluer dans un monde en concurrence.

À mon sens, cette crispation sur le statut de La Poste montre que l’on n’a pas tiré tous les enseignements de la crise financière que nous venons de vivre. Je crains fort que, avec ce changement de statut, le « déménagement » du territoire et les suppressions d’emplois qui l’accompagnent ne connaissent une accélération considérable dans les mois qui viennent.

La SNCF, qui est en situation de concurrence, est un EPIC. Pourquoi La Poste, qui va être en situation de concurrence, ne pourrait-elle pas rester un EPIC ? Examinons les moyens de moderniser cette entreprise, mais ne la faisons en aucun cas basculer vers le statut de société anonyme, car, inévitablement, elle devra s’orienter vers une logique de rentabilité et vers une gestion privée, y compris pour les services publics.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, il est encore temps de revenir en arrière et de s’en tenir à cette volonté de modernisation de La Poste, dont personne ne conteste la nécessité, alors que tout le monde souhaite que La Poste reste un service public.

Or, dans le projet de loi qui nous est présenté, on ne trouve aucune proposition relative à la recapitalisation qui serait nécessaire à la modernisation. Ce n’est en effet pas son changement de statut qui, demain, assurera à La Poste une dotation suffisante, une manne régulière qui tomberait du ciel et lui permettrait de disposer des 5 milliards d’euros dont elle a besoin.

Rien, surtout, ne nous dit que ces capitaux seront disponibles sur le long terme. Pourtant, La Poste doit savoir maintenant de quels moyens elle disposera pour mener sa modernisation, d’autant que vous induisez vous-même l’exigence du long terme en prévoyant que La Poste sera prestataire de service universel pendant une période de quinze ans. Or, dans ce texte, vous ne donnez aucune garantie sur la pérennité des levées de capitaux, et nous n’avons pas davantage de certitudes sur les modalités du financement principal de La Poste.

Il ne me semble donc pas exagéré de dire que les propositions relatives au financement sont plutôt venues des rangs de l’opposition. Celles qu’a présentées Michel Teston sont même extrêmement précises : que l’État assume les charges qu’il devrait déjà assumer depuis très longtemps et aussi qu’il prenne toute sa part du coût que représentent l’acheminement de la presse et le service universel.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Voilà des propositions concrètes ! En les mettant en œuvre, on pourrait éviter une ouverture du capital. Sinon, dans quelques années, on ne manquera pas d’entendre que l’État est trop endetté et qu’il ne peut pas financer ces services publics…

Mes chers collègues, nous ne devons pas nous faire d’illusions. Tout à l’heure, nous avons entendu un ancien ministre des finances dire qu’il « aimait beaucoup » EDF. C’était aussi une grande entreprise de service public… Aujourd'hui, nous apprenons que l’on pourrait manquer d’électricité cet hiver ! Des cadres, des salariés d’EDF dénoncent un entretien insuffisant des centrales… Pourquoi ? Parce que EDF se situe davantage aujourd'hui dans une logique de rentabilité que dans une logique de service public.

Pour La Poste, mes chers collègues, il est encore temps d’abandonner le projet de privatisation !

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – M. Robert Tropeano applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Alquier

Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui répond à une double logique qui conduit à mettre en danger le service universel postal.

Ce projet de loi, d’une part, avalise pleinement l’ouverture totale à concurrence définitivement actée par la troisième directive postale et, d’autre part, procède à sa transposition en en retenant les dispositions les plus libérales.

Procédant directement de cette double logique, il met fin au secteur réservé qui faisait la force du service universel postal à la française et transforme La Poste, actuellement EPIC, en société anonyme.

C’est bien à une libéralisation du secteur postal que ce projet de loi procède.

Par exemple, le financement du service universel risque de ne plus être assuré, d’autant que l’assiette de contribution des opérateurs est bien trop étroite.

Peu de contraintes pèseront sur les concurrents de La Poste, alors qu’elle aura à assumer seule les missions de service public sur l’ensemble du territoire. Ses concurrents auront les mains libres pour se positionner sur les niches les plus rentables ; ils pourront même ne se livrer qu’à la collecte et au tri, laissant au facteur de La Poste le soin d’aller distribuer le courrier, y compris dans les zones les moins denses du territoire.

L’ARCEP, qui a toujours fait prévaloir les lois de la concurrence au détriment du service public et des opérateurs historiques, voit encore ses prérogatives augmenter, et cela reste vrai même si le rapporteur propose de mettre quelques bémols au texte du Gouvernement.

Voilà autant d’éléments qui ne créent pas un environnement très favorable à l’opérateur historique, pourtant chargé des missions de service public.

La première partie du projet de loi ne consiste qu’en une déclinaison des conséquences de la transformation de l’EPIC en société anonyme. Autant dire que la suppression de l’article 1er, que nous proposons, emporte avec elle la suppression de cette première partie et de la douzaine d’articles qui la composent. Devant cette proposition, chacun devra prendre ses responsabilités.

On nous explique que la transformation en société anonyme est incontournable, qu’il n’y a pas d’autres solutions, que l’actuel statut d’EPIC est un obstacle au développement de La Poste et que celle-ci a besoin de capitaux pour faire face à ses concurrents européens.

Elle aurait besoin de capitaux – mais personne ne sait exactement à combien ils se montent, plusieurs chiffres ayant été évoqués – pour moderniser son outil industriel et son réseau, pour développer ses activités de colis, voire de logistique, dans un environnement plus concurrentiel et marqué par la baisse du courrier.

Et l’on nous affirme que le changement de statut n’aurait aucune conséquence sur les missions de service public et sur l’entreprise elle-même, dont le capital demeurera à 100 % public ! Mais que constate-t-on ?

La Poste a déjà consacré 3, 5 milliards euros à la modernisation de son réseau, avec, en toile de fond, d’un côté, la disparition de milliers de bureaux de poste au profit d’agences postales communales ou de relais poste dans des commerces et, de l’autre, la mise en place d’équipements automatisés au détriment du personnel.

Elle a également modernisé ses centres de tri en en faisant de véritables plateformes industrielles dotées de grandes capacités de traitement. Ces plateformes seraient cependant largement sous-utilisées aujourd’hui et pourraient, nous dit-on, être mises, à terme, à la disposition des opérateurs concurrents.

On en déduit que les capitaux dont La Poste « aurait besoin » seraient essentiellement destinés à lui permettre de mettre en œuvre sa stratégie à l’international. Comme le soulignait un communiqué du groupe La Poste, il s’agirait d’acquérir ou de développer des opérateurs alternatifs de courrier en Europe, de compléter le dispositif Express européen, notamment en Allemagne, en Espagne et en Italie, et de procéder à quelques acquisitions ciblées hors d’Europe. « En dépit du bilan très positif de ces dernières années, La Poste ne dispose que d’une enveloppe très limitée de croissance externe, qui ne lui donne pas les moyens d’assurer la politique de développement ambitieuse et nécessaire de ses métiers et de saisir les opportunités », pouvait-on lire dans ce communiqué.

Au final, 2, 7 milliards d’euros de fonds publics seraient donc mis au service de la stratégie d’internationalisation et de croissance externe de La Poste.

Cette stratégie ne va-t-elle pas se traduire, sur le plan national, par un appauvrissement de nos services publics avec, à la clé, des milliers de suppressions d’emplois, alors que l’orientation choisie n’a pas fait l’objet d’un débat public et citoyen ?

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Monsieur le ministre, les faux remparts que vous érigez et qui ne sont, comme je l’ai dit hier, que des digues de papier, ne rassureront pas les Français, inquiets de la dérive vers la privatisation actuellement engagée. J’ai d’ailleurs noté que certains ministres, à vouloir trop rassurer, ont lancé de nombreuses salves de justifications qui se sont bien souvent télescopées, et parfois même contredites. Certains se sont même défaussés sur l’Europe, l’accusant d’imposer ce changement de statut, ce qui est, nous le savons bien, totalement faux.

Bref, tout cela paraissait abracadabrantesque.

Mais le clou de l’affaire, c’est lorsqu’un proche conseiller de l’Élysée a, d’une certaine manière, vendu la mèche : comme l’a écrit un journaliste, « pendant qu’Estrosi fait le pompier, Guaino souffle sur les braises ». M. Guaino a en effet déclaré qu’« il n’y [avait] jamais rien d’éternel », et que cela valait également pour les entreprises publiques. Pan sur le bec ! Ces propos nous rappellent les promesses non tenues sur Gaz de France faites en 2006 par M. Sarkozy.

Vous avez dit, monsieur le ministre, que vous alliez rendre La Poste « imprivatisable ». Chiche ! Il ne tient qu’à vous, dans les prochains jours, de prendre toutes les dispositions afin d’inscrire dans la Constitution que La Poste ne pourra pas être privatisée. Mettez donc vos actes en phase avec vos discours et réciproquement !

Que penser de l’amendement de M. Pozzo di Borgo – celui-ci l’a finalement retiré – dont l’exposé des motifs visait à permettre à l’État de privatiser La Poste, à terme, sans qu’une nouvelle loi soit nécessaire ? Cet amendement et les explications qui l’accompagnaient traduisaient bien les intentions du Gouvernement de privatiser ultérieurement La Poste.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Quoi que vous puissiez dire, monsieur le ministre, nous savons que le sort de l’entreprise est décidé et ficelé depuis bien longtemps.

Pour notre part, nous voulons défendre le statut d’établissement public de La Poste. Nous persistons à penser que le statut actuel constitue une garantie absolument nécessaire de la préservation des missions de service public et du contrôle de la stratégie du groupe, et qu’il est tout à fait adapté à la nécessaire modernisation et au développement de cette entreprise.

C’est pourquoi nous vous affronterons lors de la discussion des articles afin de garantir et de sauvegarder une entreprise publique d’une grande utilité sociale et économique, qui est le symbole du service public à la française.

Oui, nous voulons le maintien du statut actuel ! Les contre-exemples donnés par les pays pionniers de la libéralisation et de la privatisation, énumérés par Jean-Jacques Mirassou, devraient en faire réfléchir plus d’un, d’autant que certains de ces pays, comme le Japon, font maintenant marche arrière dans ce domaine. Alors, mes chers collègues, méditez ces exemples.

Les Français vous observent. Ils n’accepteront jamais les services publics au rabais que vous leur proposez !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Botrel

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement prend prétexte de la directive européenne du 20 février 2008 pour changer le statut de La Poste. Il a été abondamment démontré par plusieurs orateurs que le processus d’ouverture progressive à la concurrence du secteur postal n’impliquait nullement le changement de statut de La Poste et sa transformation de personne morale de droit public en société anonyme. On peut, dès lors, légitimement se demander ce que recouvre ce changement de statut. N’est-il pas le premier pas vers une privatisation qui ne dit pas son nom, du moins pas encore ?

Nous sommes donc bien loin de la directive elle-même, qui n’exige rien en matière de statut. Il faut chercher l’explication ailleurs. La majorité tente de justifier la démarche de privatisation en invoquant une condition nécessaire de l’ouverture à la concurrence. Disons-le nettement : si la concurrence ne rend pas nécessaire le changement de statut de La Poste, c’est que les changements qui nous sont proposés relèvent du pur dogmatisme libéral.

La mission de cohésion et de service au bénéfice de nos territoires assurée par La Poste, qui va bien au-delà de simples enjeux financiers, devrait justifier à elle seule l’engagement des pouvoirs publics. Aucune entreprise privée n’acceptera d’acheminer le courrier et d’être présente sur l’ensemble des territoires ruraux, car cette mission ne représente qu’une trop faible valeur ajoutée pour une entreprise dont le but est le profit. Est-ce bien là le modèle que nous voulons pour La Poste ?

Le statut de société anonyme est clairement une menace pour l’avenir de La Poste et pour le service postal en général. La Poste se retrouvera en effet face à des concurrents qui se positionneront sur les secteurs d’activité offrant la plus forte valeur ajoutée. Bien sûr, la mission de service public de La Poste demeure le dernier rempart contre ces dérives prévisibles, mais pour combien de temps ? L’État aura-t-il, à l’avenir, autant d’exigences pour les concurrents de La Poste que pour La Poste elle-même ?

Vous ne devez pas chercher à nous faire croire que ce changement de statut ne s’accompagnera pas, à terme, de mesures de réorganisation et d’adaptation, comme la fermeture de bureaux de poste, voire des réductions d’effectifs, puisque c’est déjà le cas.

Le texte prévoit que 100 % du capital seront détenus par l’État et par d’autres personnes morales de droit public. Mais nous avons vu que cela n’offrait aucune garantie durable quant à la permanence de la présence de l’État et du secteur public dans le capital de La Poste. La fusion GDF-Suez en témoigne : le capital qui avait été garanti par l’État est devenu, au final, majoritairement privé. Il serait bon que le Gouvernement apporte des garanties suffisantes et crédibles sur ce point, afin de s’assurer que La Poste restera dans le domaine public.

Mais pourquoi compliquer inutilement les choses ? Pour s’assurer que le capital de La Poste reste bien public, existe-t-il une meilleure solution que le maintien du statut actuel ?

La votation de ces dernières semaines a été un vaste mouvement citoyen dont l’ampleur a surpris les observateurs. Elle a rappelé l’attachement de nos concitoyens à La Poste et au service public postal. On ne peut sans prendre de risques nier, caricaturer, encore moins ridiculiser la volonté populaire qui s’est exprimée à cette occasion.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Botrel

La majorité sénatoriale disposait, si elle avait un doute sur ce qui s’est exprimé à l’occasion de cette votation, d’un moyen simple et éprouvé de se faire sa propre opinion : poser la question au peuple. Tel n’a pas été son choix.

Tout n’est pas encore perdu. Il reste à la Haute Assemblée une dernière possibilité sur la voie de la rédemption démocratique : il faut écouter les Français, maintenir le statut actuel de La Poste et, donc, supprimer l’article 1er du projet de loi.

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Chastan

L’hémicycle n’est pas un lieu assez vaste pour témoigner de notre mobilisation contre ce projet de loi et montrer au plus haut niveau de l’État les actions menées depuis plusieurs mois, dans l’ensemble du pays, par nos concitoyens et de nombreux élus locaux.

En combattant ce projet de loi, nous défendons La Poste, mais aussi l’ensemble de nos services publics, piliers économiques et sociaux de notre République qui ont permis à notre pays de se développer et de devenir une puissance industrielle et commerciale reconnue.

« La Poste restera un grand service public stratégique », avait dit le Premier ministre. « La Poste restera à 100 % publique », avez-vous renchéri, monsieur le ministre chargé de l’industrie. Mais les Français ne sont pas naïfs : ils n’ignorent rien de vos intentions futures. Nous avons la désagréable sensation de revivre le débat qui a précédé la privatisation de GDF.

Croyez-vous sincèrement que plus de deux millions de Français se seraient déplacés pour réaffirmer leur attachement à La Poste publique si l’enjeu n’était pas si important ? Votre seule réponse, monsieur le ministre, face à cet engagement populaire volontaire, c’est de remettre en cause la « légitimité et la crédibilité » de cette votation citoyenne et de refuser la tenue d’un référendum sur ce sujet, sans doute parce que vous en craignez le probable résultat.

La Poste, pour nos concitoyens, n’est pas une entreprise comme une autre, qui doit obéir à la loi du marché et se conformer à la logique de rentabilité économique. La conception du service public postal que vous nous proposez, fondée sur la rentabilité, ne correspond pas aux attentes des Français. La Poste, ce service public que le facteur symbolise si bien, est un service de proximité qui rythme la journée de nos concitoyens, particulièrement dans les milieux ruraux.

Les Français tiennent viscéralement à La Poste et à ses services, où la qualité des relations professionnelles n’a d’égale que celle des relations humaines. En introduisant une logique purement économique au sein du marché postal, vous romprez l’équilibre entre le milieu rural et le milieu urbain. En différenciant les services en fonction de leur rentabilité, vous favoriserez les villes au détriment des campagnes.

La Poste est aujourd'hui un établissement public industriel et commercial ; elle doit le rester. Par ailleurs, sa transformation en société anonyme ne garantit pas qu’elle gagnera en compétitivité.

Mais parlons de la concurrence imposée à ce service public. Doit-on la craindre dès lors qu’elle est déjà effective, hormis pour les envois de moins de 50 grammes, et dès lors que les conditions de cette concurrence seront les mêmes pour tous les opérateurs ? La Poste montre aujourd’hui qu’elle peut résister avec efficacité à cette concurrence malgré tous les écueils qu’elle doit affronter, et notamment la baisse de ses effectifs.

Nous connaissons votre argumentation : elle est bien rodée puisque vous la défendez en boucle depuis plusieurs mois dans tous les médias : « La Poste ne peut plus continuer à évoluer ainsi » ; « La Poste doit se moderniser ». Mais qui donc est contre cette modernisation, et en quoi le maintien du statut d’EPIC handicaperait-il le développement de La Poste ?

Si vous lui en donniez les moyens, ce service public modernisé serait un exemple pour tous les pays industrialisés où le dogme du libéralisme, avec tous les excès que nous connaissons et leurs conséquences pour les citoyens, s’effacerait devant la prééminence d’un service de proximité permettant à tous l’accès aux mêmes services pour une tarification identique sur l’ensemble du territoire.

Nous commençons déjà à percevoir ce qui se profile : nombre des 17 000 points de contacts seront remplacés par des points poste qui n’assureront qu’une partie des services fournis par un bureau de poste. Il faudra récupérer son colis entre le rayon alimentation et le rayon cosmétique d’un quelconque magasin. Cette vaste entreprise de dématérialisation du service a déjà commencé en milieu urbain, dans le XVIIIe arrondissement de Paris, où les usagers peuvent retirer leurs recommandés dans une station de métro. Il est évident qu’une telle mesure facilitera, à terme, l’externalisation de la délivrance des recommandés...

Pour les salariés de l’entreprise, ce changement de statut n’augure rien de bon. Le passage en société anonyme du groupe public va profondément modifier le régime de retraite complémentaire des 154 000 contractuels de l’entreprise. La retraite complémentaire de ces derniers relève aujourd’hui d’un gestionnaire public spécifique, l’IRCANTEC. La Poste étant vouée à devenir une société anonyme, ces contractuels pourront relever, demain, du régime complémentaire du privé, l’AGIRC-ARRCO. Cette modification se traduira par des cotisations plus élevées et des pensions réduites.

Au moment où vous souhaitez un changement de statut, je vous demande, monsieur le ministre, de réfléchir aux conséquences néfastes que subiraient les Français, mais aussi les personnels de La Poste, à l’exemple des employés de France Télécom.

Pour toutes ces raisons, nous nous opposons fermement au changement de statut prévu à l’article 1er. La Poste n’a pas vocation à devenir une société anonyme ; elle doit rester un EPIC.

« On a tous à y gagner » : tel était le slogan de La Poste à l’orée du xxie siècle. « On a tous à y perdre » serait un slogan autrement plus adapté aujourd’hui.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

L’article 1er, tel qu’il nous est soumis, contient un solide verrou anti-privatisation. Je trouve cela dommage, car l’efficacité économique et commerciale qui guide le projet de La Poste peut se trouver, à terme, renforcée par des échanges d’actions, des achats d’entreprises, de franchises ou des investissements que seule l’ouverture du capital à des investisseurs privés permettrait de financer.

Il s’agit de ne pas reproduire l’erreur faite par France Télécom au tournant du millénaire. Cette entreprise a procédé à environ 100 milliards d’euros d’achats entre 1999 et 2001, dont 80 % ont été payés cash. Cela a très gravement affecté l’économie du groupe et ses marges de manœuvre durant plusieurs années : en 2002, France Télécom était le groupe de télécommunications le plus endetté du monde. Après une décote de sa valeur du fait de ratios financiers préoccupants, il a fallu procéder à une augmentation de capital en faisant baisser la participation de l’État, d’où il est résulté le prix le plus élevé d’Europe pour le consommateur, ainsi qu’une pression forte sur les salariés.

À l’inverse, on peut tirer un enseignement intéressant de ce qui s’est passé entre les postes danoise et suédoise.

Le 24 juin dernier, la poste suédoise, Posten AB, et la poste danoise, Post Danmark, ont fusionné. Le Danemark avait anticipé en ouvrant 22 % du capital de la poste nationale à CVC Capital Partners – un fonds européen –, facilitant ainsi les opérations de fusion des deux postes. La poste suédoise, quant à elle, était possédée à 100 % par l’État. Mais contrairement à ce qu’il est actuellement question de faire en France, la loi suédoise n’avait pas interdit l’entrée de fonds privés dans le capital de Posten AB, si bien que juridiquement la fusion a été possible.

Le nouvel opérateur né de ce mariage, Posten Norden AB, atteignant une taille critique, a ainsi pu reprendre une place de quasi-exclusivité sur le marché scandinave, alors que des opérateurs privés taillaient des croupières aux deux opérateurs séparés. Inutile de préciser que les 50 000 salariés concernés sont assurés d’un futur plus radieux et que les capacités d’investissement de Posten Norden AB lui permettent de garder sa place de pionnier du service postal en Europe, aux dires des postiers français.

Voilà le paradigme économique que l’on ne pourra pas réaliser en verrouillant le capital de La Poste, comme le prévoit le présent projet de loi.

Mais au-delà de cette logique économique, je voudrais vous faire part, mes chers collègues, de ma seconde grande incompréhension, cette fois à l’égard des propos de mes collègues de l’opposition : depuis quand l’exécution d’une mission de service public est-elle l’apanage de la seule personne publique ? L’ouverture d’une partie du capital des investisseurs privés n’entache pas, a priori, la qualité de l’exécution des obligations de service public de La Poste.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

En effet, d’une part, les obligations et les modalités de leur exécution sont garanties par la loi, qui s’impose aux personnes publiques comme aux personnes privées. D’autre part, le surcoût du service public est financé par l’État, par ailleurs actionnaire substantiel, entraînant la neutralité économique des activités de service public. Les actionnaires ne peuvent donc pas exercer de pressions pour réduire les coûts du service public.

Il faut cesser de soutenir cette contrevérité selon laquelle l’exécution d’une mission de service public est l’apanage de la seule personne publique. Il existe heureusement bon nombre d’entreprises privées ou à capitaux publics et privés qui délivrent des prestations de service public de qualité.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

Comme le présent projet de loi ne permet pas d’ouverture de capital, j’avais déposé un amendement tendant à permettre, à terme, la privatisation. Mais j’y ai finalement renoncé…

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

…parce que j’appartiens à une majorité au sein de laquelle un arbitrage, que je respecte, est intervenu.

Cependant, je maintiens que verrouiller, à terme, toute ouverture de capital pourrait porter préjudice à La Poste…

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

M. Yves Pozzo di Borgo. …et surtout à ses salariés. Je regrette que la gauche nous entraîne dans un débat d’un autre temps !

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Faut-il comprendre que ceux qui applaudissent sont favorables à la privatisation ?

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Jeannerot

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous l’imaginez, mon intervention sera d’une tout autre tonalité.

Je ne suis certes pas membre de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. Néanmoins, je tiens à joindre ma voix à celle de mes collègues, non seulement parce que je suis parlementaire – ce qui suffit à justifier mon intervention –, mais aussi parce que je me sens ce soir le porte-parole des 594 maires de mon département. Chaque jour, ces élus voient reculer les services publics sur leur territoire. Ils ont toutes les raisons de douter du caractère positif de la transformation statutaire que vous préparez, monsieur le ministre.

À leur voix je veux ajouter celle de l’Association des maires ruraux de France, l’AMRF, qui a tenu son congrès voilà quelques jours dans mon département et qui mérite ce soir d’être entendue dans cet hémicycle. Elle a adopté une motion dont voici les termes :

« Ayant conscience que le changement de statut est une nouvelle étape d’un long processus engagé dès 1990, l’AMRF sait que le risque est grand de voir à terme l’entrée de fonds privés dans le capital de La Poste dont la privatisation serait l’aboutissement.

« Inquiets à ce titre du maintien des missions de service public dans les territoires, les maires ruraux de France :

« Demandent que le maintien du caractère public de l’entreprise […] soit très clairement affirmé dans les textes.

« Demandent que les missions de service public confiées à La Poste […] fassent l’objet de véritables garanties législatives.

« Demandent que le fonds de péréquation territorial soit consolidé. »

Mes chers collègues, pour quelles raisons les maires de notre pays sont-ils inquiets ? Il en existe deux, qui sont indissociables.

Premièrement, ils ont tout simplement la conviction que la réforme proposée constitue la première étape d’un processus dont l’aboutissement sera naturellement la privatisation.

Deuxièmement – raison fondamentale –, les maires sont attachés, comme nous tous dans cet hémicycle, au patrimoine commun que constitue le service public. C’est notre richesse commune. Le droit public français ne se comprend pas sans référence à notre tradition de service public, service public qui garantit l’égalité républicaine. Ne bradons pas ces valeurs !

La principale richesse de La Poste, ce sont ses personnels, présents sur l’ensemble du territoire. Monsieur le ministre, je vous exhorte à ne pas changer le statut de La Poste.

Permettez-moi de faire ici une confidence personnelle. En cet instant, je pense à mon père, simple facteur. Il m’a appris, non par des discours – il en était incapable –, mais par son exemple, l’engagement au quotidien pour le service public. Il m’a appris la grandeur, la noblesse et l’exigence du service public. Il était fier d’appartenir à un service de proximité et de première nécessité.

Monsieur le ministre, ayez conscience que La Poste, cet immense patrimoine humain, ne nous appartient pas : il appartient à la nation. Alors, ne le bradons pas ! C’est pourquoi je vous conjure de ne pas maintenir la transformation du statut de La Poste.

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Beaucoup de choses ont été dites depuis le début de nos débats sur le changement de statut de La Poste. Du côté du Gouvernement et de la majorité – notamment vous, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur –, certains nous jurent, la main sur le cœur, que la Poste ne sera pas privatisée, qu’elle serait, selon le terme désormais consacré, presque sacralisé, « imprivatisable ». M. Pozzo di Borgo, quant à lui, tenant d’un libéralisme débridé, regrette que le verrou ne permette pas d’aller plus loin.

De notre point de vue, les dispositions garantissant que ce ne sera effectivement pas le cas, ni aujourd’hui, ni demain, ni même après-demain, sont pourtant toujours absentes.

En la matière, nous ne nous pouvons nous contenter de simples paroles et nous attendons encore que ces garanties figurent clairement dans le texte. Elles sont d’autant plus indispensables que le changement de statut risque surtout d’aggraver les problèmes existants de La Poste et les dysfonctionnements déjà constatés qu’ils induisent.

Pour les décrire, je m’appuierai sur l’expérience de mon département, la Dordogne.

J’ai rencontré de nombreux maires, surtout de petites communes rurales. Ils sont victimes d’un véritable jeu de dupes de la part de la direction de La Poste : soit ils acceptent que leur bureau de poste disparaisse au profit d’une agence postale, voire d’un point poste, ce qui signifie qu’ils acceptent de prendre financièrement en charge la gestion du service postal, soit les plages d’ouverture de leur bureau de poste diminuent. Des élus, notamment ceux de Bourdeilles, de Villars, de Saint-Antoine-de-Breuilh, de Saint-Pierre-de-Côle, m’ont confié leur inquiétude à cet égard.

Mais des communes plus importantes perdent, elles aussi, des heures d’ouverture, malgré une sensible progression démographique ; tel est le cas de la ville de Périgueux, chef-lieu du département, et de la commune voisine de Razac-sur-l’Isle.

De surcroît, dans un quartier sensible – mon département éminemment rural en compte malheureusement – faisant l’objet d’un contrat urbain de cohésion sociale, le bureau de poste est désormais fermé le samedi matin. Dans une autre petite ville, le bureau de poste est fermé le mercredi après-midi ; on a même voulu le fermer au moment de la sortie des classes, qui correspond pourtant à l’heure de plus forte affluence.

Je pourrais multiplier les exemples, mais je crois que ceux que j’ai cités suffissent à montrer que, concrètement, les citoyens ont besoin de plus d’un service public à la fois plus largement accessible et de meilleure qualité.

Je ne suis pas sûr que l’essentiel soit le changement du statut de La Poste. D’ailleurs, nombre des orateurs socialistes qui m’ont précédé ont démontré que le statut d’EPIC permettait fort bien de moderniser La Poste et de répondre à ses besoins. En revanche, je suis certain que ce n’est pas en transformant La Poste en société anonyme que nous pourrons résoudre les problèmes qui existent déjà. Au contraire, cela les accentuerait.

Être moderne, ce n’est pas se plier à une logique de concurrence. Être moderne, c’est mettre aujourd’hui en œuvre tous les moyens disponibles pour permettre à La Poste de remplir ses missions de véritable service public. Cela suppose toutefois d’apporter effectivement toutes les garanties nécessaires afin que la Poste ne soit à terme ni privatisée ni, surtout, soumise à une logique libérale inconciliable avec le service public auquel les Français sont très fortement attachés. Ils en ont d’ailleurs fait la preuve lors de la votation citoyenne. C’est en tout cas ce que nous nous efforcerons de démontrer lors de l’examen des amendements à l’article 1er.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures quinze, est reprise à vingt-et-une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Bernard Frimat.