Intervention de Mireille Schurch

Réunion du 4 novembre 2009 à 14h30
Entreprise publique la poste et activités postales — Article 1er

Photo de Mireille SchurchMireille Schurch :

L’article 1er du projet de loi rendra possible la privatisation de l’exploitant public La Poste : telle est notre conviction.

Le rapport de M. Hérisson explique que la privatisation consiste dans l’intervention de personnes morales de droit privé au sein du capital. Or cette possibilité était offerte par le projet de loi dans la rédaction initiale du Gouvernement : l’article 1er permettait à « des personnes morales appartenant au secteur public » de participer au capital de La Poste. Ainsi, une société anonyme, personne morale de droit privé, aurait pu entrer dans le capital de La Poste. Cela en dit long sur les arrière-pensées du Gouvernement !

Le projet de loi donne également à l’actionnariat salarié la possibilité de détenir 49, 99 % du capital de l’entreprise. Selon vous, une telle situation ne constituerait pas une privatisation, mais nous n’avons pas la même lecture.

Cet article prend donc très clairement acte du désengagement de l’État de ses missions de service public : il renforce la politique déjà engagée de fermeture des bureaux de poste de plein exercice et de recours massif aux contractuels – M. le rapporteur l’a d’ailleurs confirmé à l’instant.

Si ce projet de loi est adopté, le statut de La Poste relèvera du droit commun des sociétés. Ainsi, aucun régime spécifique de cession des actions n’est prévu. Par ailleurs, la composition du conseil d’administration va largement déroger à la loi relative à la démocratisation du secteur public. Enfin, l’actionnariat salarié, en plus de ses effets pervers sur les revenus des salariés, notamment en ces temps de crise, revient bien à une privatisation, même si elle n’est que partielle, du capital de La Poste.

C’est pourquoi, lorsque vous nous expliquez la main sur le cœur, monsieur le ministre, que La Poste est « imprivatisable », nous ne pouvons vous croire. Un service public national, cela se caractérise, mais ne se décrète pas ! Or vous dépossédez l’entreprise de ses missions de service public, supprimant, avec ce projet de loi, les caractéristiques qui en font un service public national. Vous tenez donc un double discours.

On peut noter que quelques reliquats de droit public persistent, de manière étrange, dans le projet de loi, mais au détriment des salariés : le président du conseil d’administration est nommé par décret et les salariés contractuels sont soumis aux dispositions de l’article 31 de la loi du 8 juillet 1990 relative à l’organisation du service public de la poste et des télécommunications.

Nous saluons votre prudence, monsieur le rapporteur, puisque vous avez souhaité, malgré les promesses de l’ensemble du Gouvernement, apporter des garanties afin que le caractère public à 100 % du capital de La Poste, hors actionnariat salarié, soit mieux inscrit dans la loi. Nous partageons votre analyse lorsque vous écrivez que la rédaction du deuxième alinéa de l’article 1er « a paru ambiguë et insuffisamment précise ».

D’une part, vous avez considéré que la conjonction « ou » utilisée dans cette phrase semblait laisser la porte ouverte à un désengagement de l’État, le capital de La Poste pouvant dès lors appartenir exclusivement à des personnes morales du secteur public autres que l’État. Hélas, le remède proposé, c’est-à-dire le remplacement du « ou » par un « et », nous semble inefficace. Tout d’abord, rien n’interdit que l’État détienne 0, 1 % du capital, ce qui revient, vous en conviendrez, à peu près à la même situation que celle que vous souhaitez éviter. Ensuite, le processus de désengagement de l’État est largement engagé, notamment du fait de la non-compensation des charges de service public.

D’autre part, vous avez eu raison de préciser, monsieur le rapporteur, que seule peut entrer au capital de La Poste une « personne morale de droit public », qualification beaucoup plus restrictive que celle de « personne morale appartenant au secteur public ». Cependant, cette nouvelle rédaction ne règle pas la question de la libre cession des actions.

Enfin, monsieur le ministre, vous nous avez expliqué au cours des auditions que les opposants au changement de statut n’étaient pas en mesure de proposer une autre forme juridique que la société anonyme afin de permettre à La Poste de lever des capitaux sans un nouveau recours à l’endettement. Nous vous renvoyons donc à nos deux propositions majeures : premièrement, le maintien de l’établissement public industriel et commercial, doté des moyens de se moderniser et d’assurer ses missions de service public et, deuxièmement, la création d’un pôle public financier. Je vous indique, monsieur le ministre, que la création de ce pôle financier figure désormais dans nos propositions d’amendement.

Face aux 30 milliards d’euros d’exonérations de cotisations sociales, aux 360 milliards d’euros débloqués pour faire face à la crise financière, aux 26 milliards d’euros du plan de relance, comment imaginer que l’État ne soit pas en mesure de trouver les moyens juridiques et financiers d’assurer un bel avenir à ce grand service public postal ?

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