Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui répond à une double logique qui conduit à mettre en danger le service universel postal.
Ce projet de loi, d’une part, avalise pleinement l’ouverture totale à concurrence définitivement actée par la troisième directive postale et, d’autre part, procède à sa transposition en en retenant les dispositions les plus libérales.
Procédant directement de cette double logique, il met fin au secteur réservé qui faisait la force du service universel postal à la française et transforme La Poste, actuellement EPIC, en société anonyme.
C’est bien à une libéralisation du secteur postal que ce projet de loi procède.
Par exemple, le financement du service universel risque de ne plus être assuré, d’autant que l’assiette de contribution des opérateurs est bien trop étroite.
Peu de contraintes pèseront sur les concurrents de La Poste, alors qu’elle aura à assumer seule les missions de service public sur l’ensemble du territoire. Ses concurrents auront les mains libres pour se positionner sur les niches les plus rentables ; ils pourront même ne se livrer qu’à la collecte et au tri, laissant au facteur de La Poste le soin d’aller distribuer le courrier, y compris dans les zones les moins denses du territoire.
L’ARCEP, qui a toujours fait prévaloir les lois de la concurrence au détriment du service public et des opérateurs historiques, voit encore ses prérogatives augmenter, et cela reste vrai même si le rapporteur propose de mettre quelques bémols au texte du Gouvernement.
Voilà autant d’éléments qui ne créent pas un environnement très favorable à l’opérateur historique, pourtant chargé des missions de service public.
La première partie du projet de loi ne consiste qu’en une déclinaison des conséquences de la transformation de l’EPIC en société anonyme. Autant dire que la suppression de l’article 1er, que nous proposons, emporte avec elle la suppression de cette première partie et de la douzaine d’articles qui la composent. Devant cette proposition, chacun devra prendre ses responsabilités.
On nous explique que la transformation en société anonyme est incontournable, qu’il n’y a pas d’autres solutions, que l’actuel statut d’EPIC est un obstacle au développement de La Poste et que celle-ci a besoin de capitaux pour faire face à ses concurrents européens.
Elle aurait besoin de capitaux – mais personne ne sait exactement à combien ils se montent, plusieurs chiffres ayant été évoqués – pour moderniser son outil industriel et son réseau, pour développer ses activités de colis, voire de logistique, dans un environnement plus concurrentiel et marqué par la baisse du courrier.
Et l’on nous affirme que le changement de statut n’aurait aucune conséquence sur les missions de service public et sur l’entreprise elle-même, dont le capital demeurera à 100 % public ! Mais que constate-t-on ?
La Poste a déjà consacré 3, 5 milliards euros à la modernisation de son réseau, avec, en toile de fond, d’un côté, la disparition de milliers de bureaux de poste au profit d’agences postales communales ou de relais poste dans des commerces et, de l’autre, la mise en place d’équipements automatisés au détriment du personnel.
Elle a également modernisé ses centres de tri en en faisant de véritables plateformes industrielles dotées de grandes capacités de traitement. Ces plateformes seraient cependant largement sous-utilisées aujourd’hui et pourraient, nous dit-on, être mises, à terme, à la disposition des opérateurs concurrents.
On en déduit que les capitaux dont La Poste « aurait besoin » seraient essentiellement destinés à lui permettre de mettre en œuvre sa stratégie à l’international. Comme le soulignait un communiqué du groupe La Poste, il s’agirait d’acquérir ou de développer des opérateurs alternatifs de courrier en Europe, de compléter le dispositif Express européen, notamment en Allemagne, en Espagne et en Italie, et de procéder à quelques acquisitions ciblées hors d’Europe. « En dépit du bilan très positif de ces dernières années, La Poste ne dispose que d’une enveloppe très limitée de croissance externe, qui ne lui donne pas les moyens d’assurer la politique de développement ambitieuse et nécessaire de ses métiers et de saisir les opportunités », pouvait-on lire dans ce communiqué.
Au final, 2, 7 milliards d’euros de fonds publics seraient donc mis au service de la stratégie d’internationalisation et de croissance externe de La Poste.
Cette stratégie ne va-t-elle pas se traduire, sur le plan national, par un appauvrissement de nos services publics avec, à la clé, des milliers de suppressions d’emplois, alors que l’orientation choisie n’a pas fait l’objet d’un débat public et citoyen ?