Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement prend prétexte de la directive européenne du 20 février 2008 pour changer le statut de La Poste. Il a été abondamment démontré par plusieurs orateurs que le processus d’ouverture progressive à la concurrence du secteur postal n’impliquait nullement le changement de statut de La Poste et sa transformation de personne morale de droit public en société anonyme. On peut, dès lors, légitimement se demander ce que recouvre ce changement de statut. N’est-il pas le premier pas vers une privatisation qui ne dit pas son nom, du moins pas encore ?
Nous sommes donc bien loin de la directive elle-même, qui n’exige rien en matière de statut. Il faut chercher l’explication ailleurs. La majorité tente de justifier la démarche de privatisation en invoquant une condition nécessaire de l’ouverture à la concurrence. Disons-le nettement : si la concurrence ne rend pas nécessaire le changement de statut de La Poste, c’est que les changements qui nous sont proposés relèvent du pur dogmatisme libéral.
La mission de cohésion et de service au bénéfice de nos territoires assurée par La Poste, qui va bien au-delà de simples enjeux financiers, devrait justifier à elle seule l’engagement des pouvoirs publics. Aucune entreprise privée n’acceptera d’acheminer le courrier et d’être présente sur l’ensemble des territoires ruraux, car cette mission ne représente qu’une trop faible valeur ajoutée pour une entreprise dont le but est le profit. Est-ce bien là le modèle que nous voulons pour La Poste ?
Le statut de société anonyme est clairement une menace pour l’avenir de La Poste et pour le service postal en général. La Poste se retrouvera en effet face à des concurrents qui se positionneront sur les secteurs d’activité offrant la plus forte valeur ajoutée. Bien sûr, la mission de service public de La Poste demeure le dernier rempart contre ces dérives prévisibles, mais pour combien de temps ? L’État aura-t-il, à l’avenir, autant d’exigences pour les concurrents de La Poste que pour La Poste elle-même ?
Vous ne devez pas chercher à nous faire croire que ce changement de statut ne s’accompagnera pas, à terme, de mesures de réorganisation et d’adaptation, comme la fermeture de bureaux de poste, voire des réductions d’effectifs, puisque c’est déjà le cas.
Le texte prévoit que 100 % du capital seront détenus par l’État et par d’autres personnes morales de droit public. Mais nous avons vu que cela n’offrait aucune garantie durable quant à la permanence de la présence de l’État et du secteur public dans le capital de La Poste. La fusion GDF-Suez en témoigne : le capital qui avait été garanti par l’État est devenu, au final, majoritairement privé. Il serait bon que le Gouvernement apporte des garanties suffisantes et crédibles sur ce point, afin de s’assurer que La Poste restera dans le domaine public.
Mais pourquoi compliquer inutilement les choses ? Pour s’assurer que le capital de La Poste reste bien public, existe-t-il une meilleure solution que le maintien du statut actuel ?
La votation de ces dernières semaines a été un vaste mouvement citoyen dont l’ampleur a surpris les observateurs. Elle a rappelé l’attachement de nos concitoyens à La Poste et au service public postal. On ne peut sans prendre de risques nier, caricaturer, encore moins ridiculiser la volonté populaire qui s’est exprimée à cette occasion.