Intervention de Yves Chastan

Réunion du 4 novembre 2009 à 14h30
Entreprise publique la poste et activités postales — Article 1er

Photo de Yves ChastanYves Chastan :

L’hémicycle n’est pas un lieu assez vaste pour témoigner de notre mobilisation contre ce projet de loi et montrer au plus haut niveau de l’État les actions menées depuis plusieurs mois, dans l’ensemble du pays, par nos concitoyens et de nombreux élus locaux.

En combattant ce projet de loi, nous défendons La Poste, mais aussi l’ensemble de nos services publics, piliers économiques et sociaux de notre République qui ont permis à notre pays de se développer et de devenir une puissance industrielle et commerciale reconnue.

« La Poste restera un grand service public stratégique », avait dit le Premier ministre. « La Poste restera à 100 % publique », avez-vous renchéri, monsieur le ministre chargé de l’industrie. Mais les Français ne sont pas naïfs : ils n’ignorent rien de vos intentions futures. Nous avons la désagréable sensation de revivre le débat qui a précédé la privatisation de GDF.

Croyez-vous sincèrement que plus de deux millions de Français se seraient déplacés pour réaffirmer leur attachement à La Poste publique si l’enjeu n’était pas si important ? Votre seule réponse, monsieur le ministre, face à cet engagement populaire volontaire, c’est de remettre en cause la « légitimité et la crédibilité » de cette votation citoyenne et de refuser la tenue d’un référendum sur ce sujet, sans doute parce que vous en craignez le probable résultat.

La Poste, pour nos concitoyens, n’est pas une entreprise comme une autre, qui doit obéir à la loi du marché et se conformer à la logique de rentabilité économique. La conception du service public postal que vous nous proposez, fondée sur la rentabilité, ne correspond pas aux attentes des Français. La Poste, ce service public que le facteur symbolise si bien, est un service de proximité qui rythme la journée de nos concitoyens, particulièrement dans les milieux ruraux.

Les Français tiennent viscéralement à La Poste et à ses services, où la qualité des relations professionnelles n’a d’égale que celle des relations humaines. En introduisant une logique purement économique au sein du marché postal, vous romprez l’équilibre entre le milieu rural et le milieu urbain. En différenciant les services en fonction de leur rentabilité, vous favoriserez les villes au détriment des campagnes.

La Poste est aujourd'hui un établissement public industriel et commercial ; elle doit le rester. Par ailleurs, sa transformation en société anonyme ne garantit pas qu’elle gagnera en compétitivité.

Mais parlons de la concurrence imposée à ce service public. Doit-on la craindre dès lors qu’elle est déjà effective, hormis pour les envois de moins de 50 grammes, et dès lors que les conditions de cette concurrence seront les mêmes pour tous les opérateurs ? La Poste montre aujourd’hui qu’elle peut résister avec efficacité à cette concurrence malgré tous les écueils qu’elle doit affronter, et notamment la baisse de ses effectifs.

Nous connaissons votre argumentation : elle est bien rodée puisque vous la défendez en boucle depuis plusieurs mois dans tous les médias : « La Poste ne peut plus continuer à évoluer ainsi » ; « La Poste doit se moderniser ». Mais qui donc est contre cette modernisation, et en quoi le maintien du statut d’EPIC handicaperait-il le développement de La Poste ?

Si vous lui en donniez les moyens, ce service public modernisé serait un exemple pour tous les pays industrialisés où le dogme du libéralisme, avec tous les excès que nous connaissons et leurs conséquences pour les citoyens, s’effacerait devant la prééminence d’un service de proximité permettant à tous l’accès aux mêmes services pour une tarification identique sur l’ensemble du territoire.

Nous commençons déjà à percevoir ce qui se profile : nombre des 17 000 points de contacts seront remplacés par des points poste qui n’assureront qu’une partie des services fournis par un bureau de poste. Il faudra récupérer son colis entre le rayon alimentation et le rayon cosmétique d’un quelconque magasin. Cette vaste entreprise de dématérialisation du service a déjà commencé en milieu urbain, dans le XVIIIe arrondissement de Paris, où les usagers peuvent retirer leurs recommandés dans une station de métro. Il est évident qu’une telle mesure facilitera, à terme, l’externalisation de la délivrance des recommandés...

Pour les salariés de l’entreprise, ce changement de statut n’augure rien de bon. Le passage en société anonyme du groupe public va profondément modifier le régime de retraite complémentaire des 154 000 contractuels de l’entreprise. La retraite complémentaire de ces derniers relève aujourd’hui d’un gestionnaire public spécifique, l’IRCANTEC. La Poste étant vouée à devenir une société anonyme, ces contractuels pourront relever, demain, du régime complémentaire du privé, l’AGIRC-ARRCO. Cette modification se traduira par des cotisations plus élevées et des pensions réduites.

Au moment où vous souhaitez un changement de statut, je vous demande, monsieur le ministre, de réfléchir aux conséquences néfastes que subiraient les Français, mais aussi les personnels de La Poste, à l’exemple des employés de France Télécom.

Pour toutes ces raisons, nous nous opposons fermement au changement de statut prévu à l’article 1er. La Poste n’a pas vocation à devenir une société anonyme ; elle doit rester un EPIC.

« On a tous à y gagner » : tel était le slogan de La Poste à l’orée du xxie siècle. « On a tous à y perdre » serait un slogan autrement plus adapté aujourd’hui.

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