Intervention de Gérard Le Cam

Réunion du 22 décembre 2005 à 9h30
Loi d'orientation agricole — Adoption définitive des conclusions du rapport d'une commission mixe paritaire

Photo de Gérard Le CamGérard Le Cam :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ces conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi d'orientation agricole ne présentent, on le sait, qu'un caractère formel.

Nous regrettons que l'urgence ait été déclarée sur ce texte. Le Gouvernement a ainsi écourté le débat parlementaire, alors même que les enjeux en présence sont fondamentaux pour les agriculteurs et, plus généralement, pour l'avenir du monde rural, pour le développement harmonieux du territoire ou encore pour notre souveraineté alimentaire.

Cette précipitation n'a pas permis de retranscrire dans le texte ce qui s'entend dans le pays venant de nombreux syndicats, y compris parfois du syndicat majoritaire.

Nous avons appris la semaine dernière que le revenu des paysans avait baissé de 10 % en 2005, après une baisse de plus de 7 % en 2004. Effectivement, il y a urgence !

Urgence à fixer des prix rémunérateurs pour les produits agricoles, urgence à assurer un niveau de vie décent pour nos agriculteurs, en activité ou à la retraite, urgence à stopper la financiarisation écrasante du secteur agricole, urgence à adapter les prix agricoles au niveau de vie de chaque pays sans pénaliser les consommateurs.

Ainsi, en créant le fonds agricole et le bail cessible, vous encouragez la valorisation artificielle des exploitations agricoles, sans mesurer, semble-t-il, les effets néfastes de telles dispositions pour la transmission de ces exploitations, le renouvellement des générations en agriculture.

Dans le même sens, le projet de loi tend à précariser le statut des fermiers : les pas-de-porte seront légalisés, le renchérissement des prix des loyers des fermes pourrait bientôt se généraliser ; si le bail cessible attire les foules, les charges nouvelles qui en découleront pour les fermiers ne pourront que les fragiliser davantage.

En ce qui concerne le métayage, la commission mixte paritaire a confirmé, heureusement, la suppression de l'article 2 quinquies. Nous tenons, à ce sujet, à souligner que la viticulture a été largement oubliée dans ce projet de loi d'orientation agricole alors même que ce secteur connaît une crise importante.

Rappelons, à titre d'exemple, que les vignerons du Gard sont aux prises avec une crise de leur marché sans précédent, dans un contexte de baisse constante des cours payés aux producteurs, et cela alors même qu'ils avaient entrepris des efforts pour diminuer leur production et en améliorer la qualité.

Par ailleurs, le démantèlement progressif du contrôle des structures prévu par la loi entraînera très certainement une pression accrue sur le prix des terres; l'accès au foncier sera bientôt réservé aux plus riches. Les jeunes n'auront plus les moyens de s'installer. Nous regrettons d'ailleurs que les quelques mesures qui allaient dans le bon sens pour les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural, les SAFER - aux articles 10 nonies et 10 decies - aient été supprimées.

Avec les modifications apportées au statut des organisations professionnelles, le texte intensifie l'intégration des agriculteurs aux filières de transformation de l'industrie agroalimentaire. Au moment où la filière avicole traverse une grave crise, conséquence directe de sa forte intégration, vous cherchez à généraliser à toute l'agriculture un modèle qui démontre chaque jour sa totale inefficacité, et sa fragilité, aussi.

Ainsi, toutes les conditions seront désormais réunies pour faciliter la concentration foncière et transformer les derniers paysans de France en « agromanagers ». Tout rachat d'exploitation, toute installation de jeune agriculteur deviendront progressivement impossibles sans apport massif de capitaux externes, ce qui, par conséquent, augmentera la dépendance financière des uns et des autres.

L'orientation que vous souhaitez donner à notre agriculture est, en outre, au regard du contexte européen et international, absolument suicidaire pour la France.

Il ressort des négociations menées au sein de l'OMC que les riches pays du Nord subventionneraient leur agriculture pour accroître leurs marchés et donc pousser à la faillite les petits paysans du Sud. La suppression des aides à l'export en 2013 pénalisera les agriculteurs des pays du Nord sans mettre fin à l'exploitation honteuse des agriculteurs des pays du Sud.

En réalité, au niveau national comme au niveau international, les seuls vainqueurs du système seront les grands propriétaires, les grands groupes agroalimentaires et la grande distribution.

En décidant, comme vous le faites, d'encourager la constitution de grandes exploitations et de soumettre notre agriculture à des logiques de fonctionnement simplement capitalistes, vous confortez ce mouvement. D'ailleurs, la politique retenue par la France dans la répartition des aides communautaires en offre, s'il le fallait, un nouvel exemple.

Au lieu de renforcer la situation de l'ensemble des agriculteurs français, ce texte est une fuite en avant, voire un encouragement à s'inscrire dans les logiques de l'OMC.

Parce qu'ils refusent que les agriculteurs soient instrumentalisés au profit de la rentabilité des capitaux investis, comme le confirment les orientations libérales retenues dans ce texte, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen voteront contre ce texte.

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