Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 18 janvier 2005 à 10h00
Questions orales — Libre accès à la gynécologie médicale

Photo de Roland MuzeauRoland Muzeau :

Cet été, alors que le Parlement examinait la réforme de l'assurance maladie, qui encourage fortement - pour ne pas dire contraint - les patients à s'inscrire dans un parcours de soins articulé autour du médecin traitant, la question de l'accès direct à certaines spécialistes, en l'occurrence aux gynécologues, s'est posée.

M. Philippe Douste-Blazy a émis un avis défavorable sur les dérogations législatives que nous proposions devant permettre aux patientes de continuer à consulter le gynécologue de leur choix dans les conditions actuelles, c'est-à-dire non seulement sans prescription préalable de leur médecin traitant, mais également sans pénalisation financière. En revanche, devant la représentation nationale ainsi que devant le comité de défense de la gynécologie médicale qu'il a reçu, M. le ministre a pris un engagement important.

Je reprends la formulation retenue dans le communiqué de presse du 19 juin 2004, validé par vos services : « L'accès direct de toutes les femmes à leur gynécologue dans les conditions actuelles de remboursement resterait garanti, indépendamment du recours au médecin traitant. »

Rien ne devait changer pour les femmes et pourtant, aujourd'hui, de nouvelles barrières financières sont dressées, de lourdes menaces pèsent sur la liberté et l'égalité d'accès des femmes à une médecine de qualité spécialisée qui leur soit entièrement consacrée.

Bien sûr, est en cause la convention médicale récemment signée par trois syndicats médicaux et l'UNCAM, l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, dont l'élaboration s'est faite sous étroite surveillance du Gouvernement.

Vous ne parvenez pas à cacher que cet accord est très controversé. Il est notamment critiqué au fond par MG France, le syndicat des médecins généralistes, et l'ISNAR-IMG, et ce pour plusieurs raisons : sa philosophie étrangère aux enjeux de santé publique et de qualité des soins ; les risques d'institutionnalisation d'une médecine à deux vitesses ; les économies supportées, pour les trois quarts, par les patients en contrepartie de la hausse des revenus des seuls spécialistes ; enfin sa redoutable complexité.

Bien que vous utilisiez à l'extrême l'art de la communication, surfant à l'envi sur l'ambiguïté des mots, nous mesurons le caractère inacceptable des dispositions dudit accord relatives aux gynécologues.

Nous partageons aussi les inquiétudes du SYNGOF, le syndicat national des gynécologues et obstétriciens de France, qui considère que « les gynécologues médicaux sont certainement les grands perdants de cet accord et par contrecoup les femmes, puisque le dispositif voté signe à terme la fin de l'égalité d'accès des femmes au gynécologue. »

Mauvaise lecture ou procès d'intention ? Vous aurez compris qu'il faut clarifier la situation ! Examinons donc cet accord en nous attachant précisément aux termes employés.

Tout d'abord, la notion « d'accès direct » n'y figure pas. Seul « l'accès spécifique » est envisagé.

Ensuite, le champ de cet accès spécifique est défini restrictivement. Il est limité à quatre types d'actes pour lesquels les femmes seraient exonérées du passage préalable par le médecin traitant : les examens cliniques gynécologiques périodiques, comprenant les actes de dépistage conformément aux référentiels scientifiques élaborés par la Haute autorité, la prescription et le suivi d'une contraception, là encore selon des référentiels à établir, le suivi des grossesses, l'interruption volontaire de grossesse médicamenteuse.

De surcroît, la convention renvoie à la Haute autorité le soin de définir les règles du jeu et d'encadrer encore ces actes via leur fréquence.

Le fait que cette autorité soit un organe scientifique ne suffit pas à me rassurer quant à son degré d'indépendance, dans la mesure où il lui revient, tout de même, de dessiner le panier de soins remboursables et de veiller à la maîtrise des dépenses de santé.

Demain, les huit sages, confondant campagnes de dépistage organisées et suivis individuels des patientes, peuvent tout naturellement décider d'un rythme de suivi adapté aux campagnes mais non aux suivis. Pourtant, c'est ce suivi individuel que les femmes pouvaient attendre jusqu'alors du médecin spécialiste choisi qui leur prescrivait une mammographie tous les deux ans ou un frottis tous les ans.

En dehors de ces normes, l'accès au gynécologue restera certes possible ; mais à condition que la patiente puisse financièrement l'assumer. En effet, elle sera moins bien remboursée par l'assurance maladie, voire plus du tout, et elle se verra appliquer des dépassements d'honoraires par son spécialiste.

Comment, dans ces conditions, soutenir que l'égal accès au gynécologue reste garanti ?

Madame la secrétaire d'Etat, allez-vous prendre des mesures afin de garantir effectivement le libre et égal accès de toutes les femmes au gynécologue de leur choix, sans distinction quant à l'objet d'une telle visite et sans discrimination en termes de remboursement ? Si oui, lesquelles ?

En outre, chimère pour les femmes, l'accès spécifique se révèle être aussi un formidable piège pour les professionnels de santé concernés.

Pour le SYNGOF, les dispositions spécifiques décidées pour la gynécologie médicale de secteur 1 dans l'accord - absence de revalorisation des actes, interdiction de pratiquer des dépassements d'honoraires pour 80 % des consultations - conduiront à paupériser une profession déjà sinistrée. Elles ne permettront plus « de maintenir des conditions d'exercice de qualité pour des consultations majoritairement longues, ni de continuer le rapport privilégié avec les femmes... ».

Ajoutons à cela la réponse que M. le ministre a apporté, le 9 décembre 2004, à la question de mon ami Guy Fischer relative à la formation en gynécologie médicale, dans laquelle il faisait état du travail en cours concernant la redéfinition du domaine de compétence de ces futurs spécialistes.

Autrement dit, vos décisions tendent, à terme, à ne pas pérenniser la gynécologie médicale, à laisser cette spécialité se vider de sa substance au mépris des exigences de santé publique et des besoins des femmes.

Il vous appartient, madame la secrétaire d'Etat, avec M. le ministre, de clarifier les contradictions existant entre les promesses et la réalité des faits. La situation peut encore changer !

En effet, il vous revient de valider la convention médicale ou d'agir pour que les gynécologues médicaux soient représentés au sein du Conseil national des universités et soient donc partie prenante à la réflexion en cours.

Allez-vous, madame la secrétaire d'Etat, agir pour préserver l'accès direct des femmes à une vraie spécialité de gynécologie médicale ?

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