Intervention de Marie-France Beaufils

Réunion du 8 juillet 2008 à 16h00
Règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2007 — Adoption d'un projet de loi déclaré d'urgence

Photo de Marie-France BeaufilsMarie-France Beaufils :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme nous n’avons pas voté la loi de finances initiale pour 2007, nous pourrions nous contenter de ne pas voter ce projet de loi de règlement du budget pour 2007. Il confirme, en effet, sous nombre d’aspects, ce que nous attendions de l’exécution budgétaire.

Cependant, nous tenons à vous faire partager notre approche critique des choix mis en œuvre dans ce budget, qui n’ont évité ni déficit, ni accroissement de la dette publique, ni mollesse et faiblesse de la croissance économique.

Comme d’habitude dans ce genre d’exercice, le Gouvernement se félicite, sous certains aspects, de la politique qui a été menée. Si l’on en croit le communiqué du conseil des ministres, tout va presque pour le mieux. J’ai bien dit « presque ».

Il était prévu, dans la loi de finances initiale, un déficit de 42 milliards d’euros pour 2007. L’exécution du budget s’est finalement traduite par un solde de 38, 4 milliards d’euros, hors produit de cession de titres EDF affecté au financement du plan en faveur des universités, en amélioration de 3, 6 milliards d’euros par rapport à la prévision.

La réduction du déficit budgétaire est le résultat de la bonne tenue de l’ensemble des recettes de l’État, soit 4, 1 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale, en dépit d’une conjoncture internationale moins favorable que prévu, mais, comme vous le disiez, monsieur le ministre, elle a bénéficié de l’apport d’une recette de 640 millions d’euros venant de la SNCF, qui, pourtant, aurait bien besoin de cette somme pour améliorer le service qu’elle offre aux usagers.

La maîtrise des dépenses de l’État contribue, elle aussi, à la réduction du déficit budgétaire : le plafond de dépenses voté par le Parlement dans la loi de finances initiale a été respecté, les dépenses ont été stabilisées au niveau de l’inflation. Le plafond d’emplois a été également respecté. L’exercice 2007 se solde par une diminution des effectifs d’environ 15 500 équivalents temps plein travaillé, alors que l’objectif retenu en loi de finances était de 15 000 équivalents temps plein travaillé.

Cependant, derrière ce discours officiel, quelle traduction ce budget a-t-il trouvée dans la vie quotidienne de nos concitoyens ? Nous le savons tous : pour la plus grande partie de la population, il s’est soldé par une aggravation des conditions de vie, une diminution des services publics sur nos territoires, des crédits de paiement insuffisants pour faire face aux engagements, ce qui a pour conséquence un poids accru sur les budgets des collectivités territoriales et des associations.

En matière de déficit, il en est toujours de même depuis bien des années : à quoi sert le déficit public, au-delà de son niveau ?

Dans le document préparatoire au débat d’orientation budgétaire que nous aurons la semaine prochaine, la Cour des comptes souligne, une fois encore, l’aggravation des déficits publics, notamment celui de l’État, qui reste élevé, puisqu’il s’établit à plus de 41 milliards d’euros, malgré les quelques artifices utilisés, parmi lesquels le financement d’une partie du plan Universités par la cession de titres EDF et, d’autre part, un cantonnement ad hoc et judicieux, si l’on peut dire, d’une partie de la dette de l’État auprès de la sécurité sociale dans un organisme dédié sans véritable engagement financier correspondant.

Ces petites opérations « non substantielles », selon la terminologie en vigueur, grèvent tout de même de plusieurs milliards d’euros un déficit public que vous souhaitez présenter comme étant le plus bas possible, monsieur le ministre.

Quant à la dette publique française, compte tenu de sa qualité, elle continuera encore longtemps d’attirer à elle les investisseurs, fussent-ils, pour certains d’entre eux, des compatriotes expatriés sous des cieux fiscaux plus cléments. Je rappelle que, à la fin de 2002, son montant global était de 717 milliards d’euros. Elle avait d’ailleurs gagné 64 milliards d’euros en cette année 2002, qui vit le retour de la droite aux responsabilités nationales.

À la fin de 2007, l’encours de la dette publique était de 921 milliards d’euros, faisant de cette période l’une de celles où la dette publique a le plus remarquablement progressé.

Depuis, la situation ne s’est pas arrangée, puisque, à la fin du mois de mai 2008, la dette était parvenue à un encours de 966 milliards d’euros, avec un poids croissant des titres de court terme, ce qui est le signe évident de difficultés de trésorerie grandissantes pour l’État.

Il faut dire que la croissance économique n’a pas vraiment été au rendez-vous et que les résultats finalement constatés – 2, 1 % ou 2, 2 % de croissance du PIB – sont très en deçà de ce qu’il faudrait pour inverser la tendance lourde.

L’un des facteurs qui a sérieusement contribué à plomber les comptes publics est évidemment le choix d’une politique fiscale qui réduit les recettes du budget. Pour l’année 2007, cette politique est marquée par l’adoption et la mise en œuvre de la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite loi TEPA, qui vise à renforcer le bouclier fiscal et à alléger les droits de mutation pour les successions et, surtout, les donations.

Cette loi, pourtant censée être « en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat », a-t-elle vraiment été efficace ? L’évaluation des politiques publiques, fréquemment présentée comme une volonté gouvernementale, comporte trop peu d’éléments objectifs pour que nous puissions apprécier l’influence de ladite loi sur l’emploi et le pouvoir d’achat.

La baisse du chômage, qui est une réalité dont vous vous gargarisez un peu facilement ces temps-ci, doit en fait beaucoup à la démographie : il faut donc la regarder avec plus d’esprit critique. En effet, le mouvement de contraction de l’emploi productif continue et la croissance de l’emploi dans le secteur tertiaire concerne essentiellement des emplois de faible qualité, donnant lieu de surcroît à des contrats précaires.

Le dispositif des heures supplémentaires, dont le résultat est pour le moins mitigé, se traduit aussi par des effets d’éviction. En effet, les secteurs les plus utilisateurs du nouveau dispositif – et l’on ne sait ce qu’il deviendra après le vote du projet de loi de démolition de la notion de durée légale du travail, que nous allons bientôt examiner – sont aussi ceux qui ont procédé à la suppression du plus grand nombre d’emplois en intérim sur la même période.

En tout cas, dès la fin septembre, les salariés concernés découvriront sur leur avis d’imposition que leur prime pour l’emploi s’est réduite, victime des heures supplémentaires !

Travailler plus et gagner moins n’est pas un slogan porteur, mais c’est exactement la traduction de la loi telle que ces salariés vont la vivre !

De même, les heures supplémentaires sont déclarées aujourd’hui, alors qu’elles ne l’étaient pas hier. Les chefs d’entreprise achètent ainsi à bon compte la paix sociale, sur le dos de l’État et de la sécurité sociale !

La loi TEPA offre, bien sûr, quelques motifs de satisfaction, mais pas pour les mêmes ! La baisse des droits de mutation a trouvé sa pleine application. Quelques bonnes familles ont pu opérer au mieux des donations fructueusement privées d’imposition. Le bénéfice du bouclier fiscal a été réservé à quelques-uns.

Le journal Le Figaro relève ainsi que 8 715 contribuables très modestes ont perçu, au titre du bouclier fiscal, un généreux remboursement de 689 euros. L’ensemble de ces contribuables se serait partagé 6 millions d’euros au titre de la restitution. Mais le journal oublie de préciser que, à l’autre bout de la chaîne, 479 contribuables ont perçu 117 millions d’euros de restitution, représentant un remboursement moyen de 246 000 euros, deux fois supérieur au montant moyen de leur cotisation d’impôt sur le revenu !

Nous ne nous appuyons évidemment pas sur les mêmes chiffres pour étayer nos analyses !

Le déficit public n’est manifestement pas perdu pour tout le monde et le pouvoir d’achat des plus aisés s’est trouvé renforcé.

II y a même des voix dans la majorité pour dire qu’il aurait mieux valu accorder un dégrèvement d’office de la taxe foncière aux attributaires du RMI ou aux veuves d’agriculteurs plutôt que de défendre un dispositif dont on voit pertinemment qu’il ne profite qu’à quelques centaines de très riches contribuables.

Pour bien montrer que tout ne va pas si mal, il suffit de rappeler que les sociétés cotées au CAC 40 ont versé cette année 41 milliards d’euros de dividendes à leurs actionnaires, soit, pour ces seules entreprises, l’équivalent du déficit public...

Aussi l’argument qui consiste à faire porter aux collectivités territoriales la responsabilité des difficultés de l’État à maîtriser son déficit, comme l’a énoncé le Président de la République, ne tient-il pas face à la réalité, le rapporteur général du budget vient de le rappeler. Le principal problème est bien la réduction des recettes fiscales décidée par la Gouvernement lui-même.

La politique que vous mettez en œuvre, monsieur le ministre, et dont vous êtes l’un des défenseurs attentifs, aura bien mérité des oligarchies financières, des groupes à vocation transnationale et de la grande bourgeoisie, dont elle sert au mieux les intérêts.

Cette politique brade l’intérêt national, casse le service public, démembre l’action de l’État, qu’elle asservit à quelques intérêts privés, et tourne le dos aux exigences de notre temps. Elle met clairement les deniers publics, l’argent public, cette denrée si précieuse, au seul service de la rentabilité du capital, des choix des grandes entreprises et du parasitisme des plus riches de nos compatriotes.

Devant les problèmes de pouvoir d’achat, d’insécurité grandissante de l’emploi, de mise en cause des droits sociaux, d’autres choix sont non seulement possibles mais encore nécessaires.

Nous ne voterons pas cette loi de règlement des comptes de 2007.

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