Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous est présentée aujourd’hui est issue, comme M. le rapporteur l’a rappelé, des travaux de réflexion du groupe de travail mené par la commission des lois et la commission des affaires sociales sur la prise en charge des personnes atteintes de troubles mentaux ayant commis des infractions, question qui n’a, à ce jour, pas encore reçu de réponse satisfaisante dans notre pays.
Comme l’ont très clairement exprimé les rapporteurs du groupe de travail, Mme Demontès, MM. Lecerf et Barbier, « l’altération du discernement conduit le plus souvent à une aggravation de la peine prononcée ». C’est un constat, à mon sens, terrible étant donné les dispositifs de procédure existant déjà dans le code pénal et le code de procédure pénale.
En effet, légalement, il faut distinguer l’abolition et l’altération du discernement en raison d’un trouble mental. À première vue, le distinguo peut être délicat ; pourtant, dans le premier cas la personne n’est pas pénalement responsable alors que dans le second cas elle est punissable, la juridiction devant tenir « compte de cette circonstance lorsqu’elle détermine la peine et en fixe le régime ». Cette législation participe, dans les faits, comme vous l’avez exposé, de manière significative, à la forte présence de personnes atteintes de troubles mentaux en détention : 25 % des détenus. C’est pourquoi vous nous proposez de corriger ces effets en modifiant le code pénal et le code de procédure pénale.
Il s’agit donc de prendre en compte la circonstance liée à l’altération du discernement dans la détermination de la peine et de son régime. Comme l’a souligné M. Lecerf, la peine à laquelle elles sont condamnées ne revêtirait aucun sens pour un certain nombre de personnes atteintes de troubles mentaux.
Nos collègues du groupe de travail ont montré que le milieu carcéral peut aggraver les pathologies. En outre, la cohabitation des détenus atteints de troubles mentaux avec d’autres qui en sont exempts est source de tensions et de violences.
Ainsi, le quantum de peine prononcé ne correspondrait en aucune manière à l’évolution d’une pathologie et, dans bien des cas, la personne quitterait la prison aussi malade qu’elle y est entrée.
Vous proposez, dans un premier temps, de réduire la peine privative de liberté en cas d’altération du discernement au tiers du quantum, tout en précisant qu’il appartiendra à la juridiction de fixer, dans la limite du plafond ainsi déterminé, le régime de la peine la plus appropriée, celle-ci pouvant être le sursis avec mise à l’épreuve et obligation de soins. C’est pourquoi l’expertise médicale est à notre sens primordiale.
Il n’est pas souhaitable, aujourd’hui, de remettre en cause la distinction entre abolition et altération du discernement, mais il semble important, comme vous nous le proposez, monsieur le rapporteur, de préciser que l’altération du discernement doit constituer une cause légale d’atténuation de responsabilité.
Ne perdons pas de vue, mes chers collègues, la variété des situations individuelles que les juges voudront bien analyser avec leur plus grande bienveillance.
Vous proposez, dans un deuxième temps, d’autoriser le juge de l’application des peines à retirer, en fonction de son appréciation, une partie des réductions de peine lorsque la personne, dont le discernement était altéré au moment des faits, refuse les soins qui lui sont proposés. Comme vous le savez, les détenus ne peuvent recevoir de soins psychiatriques en détention qu’avec leur consentement. Si la prise en charge médicale a pu connaître des aléas au cours des années passées, la volonté d’un traitement individualisé de la part de l’administration pénitentiaire semble, au contraire, avoir été une constante.
L’articulation entre l’atténuation de la peine et l’obligation de soins effective est aujourd’hui fondamentale pour individualiser et ré-humaniser les peines prononcées.
Par ailleurs, vous suggérez de combiner les mesures visant l’obligation de soins pendant la durée allant de la libération au terme de la peine encourue et les mesures de sûreté réservées aux personnes irresponsables. Ainsi, à leur libération, les personnes dont le discernement a été altéré pourront se voir appliquer l’obligation de soins, avec les conséquences qui en résultent.
L’insuffisance de la prise en charge semble se manifester trop souvent au moment de la sortie de prison. C’est pourquoi la pratique consistant à atténuer la peine des personnes présentant un trouble mental partiel peut être contestée si elle n’apporte aucune solution, notamment par rapport au traitement médical dont ont besoin ces individus.
Avant de conclure mon propos, vous me permettrez, à la suite de Jean-René Lecerf, d’évoquer et de défendre la prison de Château-Thierry, située dans mon département et où s’est rendue en 2009 notre commission des lois, établissement particulièrement concerné par l’accueil de personnes atteintes d’un trouble mental. La qualité de la prise en charge des détenus dans cet établissement est à souligner. Nous devons souhaiter le développement d’une telle prise en charge spécifique dans d’autres établissements de notre territoire. Il convient de donner à l’administration pénitentiaire des moyens pour ce faire.
Mes chers collègues, dans sa grande majorité, le groupe UMP votera cette proposition de loi en demandant au Gouvernement quelles mesures il entend prendre pour concilier les facteurs sociaux et médicaux avec les impératifs judiciaires.