Madame la présidente, madame la ministre d’État, mes chers collègues, j’interviens aujourd’hui en ma qualité de vice-président du groupe d’amitié France-Japon que j’ai eu l’honneur de présider de 1980 à 1990.
Je suis personnellement très attaché au renforcement des liens unissant nos deux pays et je souhaite vous indiquer les raisons pour lesquelles l’adoption des propositions de résolution aujourd’hui soumises à notre examen me semble inopportune.
Certes, ces textes ont été inspirés par des événements douloureux liés à la difficulté pour nos compatriotes divorcés de garder le contact avec leurs enfants. Cette situation, qui concerne une trentaine d’enfants, a conduit au suicide deux pères français privés de leurs enfants au cours des derniers mois. Je comprends donc – et je partage – l’émotion et l’implication de nos collègues représentant les Français établis hors de France pour tenter de mettre fin à cette situation dramatique. Mais la méthode retenue ne me semble pas appropriée.
La première proposition de résolution avait été déposée par M. Yung et trente-cinq sénateurs socialistes au mois de juillet dernier. Ses auteurs appelaient le gouvernement du Japon à trouver une solution et à signer la convention de La Haye de 1980, qui traite de la situation d’enfants de couples binationaux séparés. En outre, ils lui demandaient d’étudier la possibilité de modifier le code civil afin de permettre de garantir la continuité et l’effectivité des liens entre parents et enfants.
Ce texte constituait, à mes yeux, une ingérence inacceptable dans les affaires japonaises. J’observe, d’ailleurs, que notre collègue David Assouline, président du groupe d’amitié France-Japon, ne l’avait pas cosigné. J’observe également que, par la suite, ses auteurs l’ont rectifié pour le rendre identique à la proposition de résolution qui a été déposée le 6 novembre 2010 par M. Duvernois.
C’est donc sur cette dernière que nous devons nous prononcer aujourd’hui, les deux propositions de résolution ayant été jointes.
Je constate qu’elle est plus mesurée et reprend des recommandations formulées par le gouvernement français depuis plusieurs années. Sur le fond, je ne puis qu’y souscrire. Il est, en effet, indispensable que le Japon ratifie la convention de La Haye du 25 octobre 1980, puisqu’il est, avec la Russie, le seul pays du G8 à ne pas l’avoir fait. Et j’insiste pour que le gouvernement japonais définisse rapidement une position sur la question des enfants binationaux en cas de divorce.
Mais faut-il pour autant adopter une résolution, alors que parallèlement, sur le plan diplomatique, les choses avancent, comme viennent de le démontrer nos deux excellents collègues ? De plus, dans ce genre d’affaires, la discrétion semble préférable.
Je vous rappelle, mes chers collègues, que les gouvernements français et japonais ont créé un organe de consultation sur l’enfant au centre d’un conflit parental en vue d’échanger les informations sur les cas concrets malheureusement déjà existants et pour lesquels se pose la question de l’autorité parentale au sein d’un couple franco-japonais divorcé ou séparé.
À travers cet organe, le ministère des affaires étrangères du Japon coopère étroitement avec l’ambassade de France se trouvant dans ce pays. Le gouvernement japonais est donc déterminé à poursuivre le dialogue avec la France et à prendre toutes les mesures possibles pour l’intérêt des deux pays.
Lors du déplacement de M. Bernard Kouchner au Japon au mois de mars dernier, le Premier ministre de l’époque lui avait indiqué qu’il allait donner des instructions aux ministères concernés en vue d’examiner la possibilité d’adhérer à la convention de La Haye.
Lors d’une conférence de presse le jour même de sa nomination, le nouveau Premier ministre, M. Naoto Kan, a demandé au ministre de la justice, M. Satsuki Eda, de traiter cette question de façon prioritaire et d’examiner la ratification de la convention de La Haye et la révision de la législation actuelle afin de respecter cette convention.
Le gouvernement du Japon a donc engagé le processus, bien qu’il existe, j’en conviens, une certaine réticence au sein de l’opinion publique à l’égard d’une adhésion à cette convention, car, dans certains cas, des mères sont rentrées au Japon en raison de violence domestique.
C’est pourquoi l’on peut redouter que l’adoption d’une résolution par le Sénat français ne soit considérée comme une pression extérieure injuste et ne provoque une réaction négative de la part de l’opinion publique japonaise vis-à-vis de la convention. Cela nuirait aux efforts entrepris par l’administration du Japon et par notre ambassade pour faire avancer les études nécessaires en vue de la ratification de la convention.