Intervention de Jean-Pierre Godefroy

Réunion du 25 janvier 2011 à 22h10
Assistance médicalisée pour mourir — Rejet d'une proposition de loi

Photo de Jean-Pierre GodefroyJean-Pierre Godefroy, rapporteur :

Pourquoi instituer une assistance médicalisée, c’est-à-dire mise en œuvre sous le contrôle et en présence d’un médecin qui aura accepté ?

Tout d’abord parce que, face à la demande de mourir, il faut un regard capable d’évaluer la situation médicale de la personne, un regard suffisamment étranger à l’entourage du malade pour comprendre si la demande d’assistance est véritablement libre, éclairée et réfléchie, le regard d’une personne apte à interrompre à tout moment la procédure d’assistance.

Selon nous, les options consistant à laisser l’assistance à mourir dans la clandestinité, comme c’est malheureusement parfois le cas, ou à la confier au monde associatif, comme cela se pratique en Suisse, sont porteuses de trop d’incertitudes et de risques pour qu’un tel choix puisse être effectué en conscience.

La proposition de loi adoptée par la commission des affaires sociales comporte sept articles.

L’article 1er ouvre aux personnes majeures capables la possibilité d’une aide médicalisée pour mourir, dans le cadre que j’ai précédemment indiqué. Il peut s’agir du stade avancé ou terminal d’une pathologie grave et incurable, quel que soit l’âge, ou d’une souffrance physique ou psychique ne pouvant pas être apaisée ou jugée insupportable par la personne.

L’article 2 offre la faculté aux malades conscients de demander cette aide et définit la procédure applicable : saisine par la personne de son médecin, qui s’adjoint deux de ses confrères pour examiner le caractère libre, éclairé et réfléchi de la demande et la situation médicale du malade.

La première mission de ces médecins sera, je le répète, de proposer, voire d’organiser, l’accès de la personne aux soins palliatifs. Telle est d’ailleurs la pratique actuelle, que nous avons tenue à maintenir et à réaffirmer dans le présent texte.

Si c’est en pleine connaissance de cause que la personne refuse ces soins, les médecins remettront dans les huit jours un rapport écrit pour juger si son état de santé correspond aux critères définis par la loi. Si le rapport est favorable et si, lors de sa remise, le malade persiste dans cette demande en présence de sa personne de confiance, alors seulement l’assistance pourra être mise en œuvre à partir de huit jours plus tard.

Seize jours, c’est une durée longue pour les personnes en fin de vie, mais il faut donner tout le temps à la réflexion pour, le cas échéant, laisser à ce qu’il reste de vie la possibilité de reprendre ses droits. Pour ceux qui estimeront trop long un tel délai, parce qu’ils sont convaincus d’avoir atteint le terme de leur existence, la proposition de loi ouvre la possibilité d’un délai plus court, avec l’accord du médecin.

L’article 3 de ce texte offre la faculté à une personne majeure capable de laisser des directives anticipées, afin que soit demandée pour elle une assistance médicalisée pour mourir si elle est devenue inconsciente.

L’article 4 définit la procédure d’examen de la demande, qui repose sur l’initiative, puis sur la confirmation de la requête par les personnes de confiance. Le délai pour la remise du rapport est le même, mais celui pour la mise en œuvre de l’assistance est plus court – il est de deux jours, et pourra être porté à huit jours, si l’amendement qui a été déposé sur ce point est adopté –, la volonté de la personne inconsciente ayant été établie.

L’article 5 définit la procédure de contrôle mise en œuvre sur les actes d’assistance médicalisée pour mourir. Il instaure une commission nationale et des commissions régionales chargées d’examiner les rapports transmis par les médecins après la mise en œuvre d’une assistance médicalisée. Ce système, fondé sur l’exemple belge, aboutit à la saisine du juge en cas de doute sur le respect des dispositions légales relatives à l’assistance médicalisée pour mourir. Encadrées par la loi et contrôlées par le juge, les pratiques d’assistance médicalisée ne seront pas susceptibles d’entraîner des dérives, comme on pourrait le craindre et comme cela arrive parfois aujourd'hui.

Par ailleurs, l’article 5 prévoit que les personnes ayant été assistées pour mourir dans le cadre de la loi seront réputées mortes de mort naturelle, afin d’éviter toute ambiguïté juridique s’agissant des contrats auxquels elles sont parties. Je vous proposerai sur ce point un amendement de coordination.

L’article 6 dispose qu’aucun professionnel de santé n’est tenu de participer à une assistance médicalisée pour mourir. Cette clause de conscience est usuelle et naturelle, dès lors qu’il s’agit d’un acte ne relevant pas de la thérapeutique ou du soin.

Enfin, l’article 7 prévoit qu’une formation à l’assistance médicalisée pour mourir sera dispensée.

Messieurs les ministres, mes chers collègues, je souhaite insister sur un dernier point. La reconnaissance du principe de l’assistance médicalisée pour mourir serait un pas important pour les libertés publiques. Elle permettrait à chacun de rester maître de ses choix et de son corps jusqu’au terme de l’existence.

En conclusion, je suis persuadé que le présent texte apporte une quadruple réponse.

Premièrement, il répond aux souhaits de la personne en lui permettant de rester maître de toutes les décisions concernant la fin de son existence et de la manière dont elle souhaite la vivre avant de disparaître. La volonté du patient doit être absolument respectée.

Deuxièmement, il répond aux médecins confrontés à ces cas douloureux et leur offre un cadre juridique dans lequel ils pourront, en respectant leur clause de conscience, répondre à cette demande d’une manière humaine, sans pour autant se mettre eux-mêmes dans l’illégalité, ce qui est le cas aujourd'hui. En effet, nous le savons bien, il arrive parfois que des médecins accèdent par compassion à la sollicitation pressante de leur patient.

Troisièmement, la proposition de loi répond aux proches, qui finissent parfois par accéder aux souhaits de la personne malade, par amour, en se mettant eux-mêmes en danger devant la justice. En effet, si cette dernière est généralement clémente, elle n’en poursuit pas moins pour meurtre. Il faut mettre un terme à cette situation horrible, le malade, avant de fermer les yeux, réclamant ce geste d’amour tout en ne sachant pas ce qu’il adviendra judiciairement à celui qui va l’aider.

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