Intervention de Anne-Marie Payet

Réunion du 25 janvier 2011 à 22h10
Assistance médicalisée pour mourir — Rejet d'une proposition de loi

Photo de Anne-Marie PayetAnne-Marie Payet :

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le Sénat débat aujourd'hui de l’opportunité de légaliser l’euthanasie. Je souhaite revenir avec vous sur deux notions invoquées par les auteurs de la proposition de loi : la dignité et la liberté.

En premier lieu, la dignité ne serait-elle vue qu’à travers le seul prisme du regard de l’autre et ne dépendrait-elle que de facteurs extérieurs tels que l’âge, la santé, la beauté ou encore la productivité ? À partir de quand estime-t-on une vie non digne d’être vécue ? Y a-t-il un seuil de déchéance à partir duquel une vie humaine serait qualifiée d’indigne ? Si oui, ce seuil serait-il objectif ou laissé à l’appréciation de chacun ?

Ne soyons pas dupes de la fausse compassion qui prévaut en la matière. Certes, les intentions des uns et des autres peuvent être sincères et la question qui nous occupe est pour le moins délicate.

Mais donner la possibilité à un malade de demander au médecin d’abréger ses jours, sous le prétexte qu’à partir d’un certain seuil sa vie serait devenue indigne, revient à inscrire dans la loi le caractère relatif de la dignité humaine.

Pour les partisans de l’euthanasie, il existe des situations où la dignité de la vie humaine peut être mise en doute, mesurable à l’aune de critères variables. Ainsi, certaines vies ou fins de vie, « dégradées » par la maladie, n’auraient plus vraiment de valeur, au point que, dans ces cas, le geste euthanasique constituerait un bien pour celui qui serait en train de perdre sa dignité et qui demande d’en finir.

On peut d’ailleurs se demander si l’entourage des malades et, au-delà, la société tout entière ne sont pas, pour une bonne part, responsables de l’image que chacun se forme de sa propre dignité.

C’est ce que dit Axel Kahn : « Une personne peut craindre de devenir indigne de l’image qu’elle a de la dignité. Mais je pense qu’elle a surtout peur de se voir comme indigne dans les yeux des autres ».

N’est-ce pas en raison de l’image de cette « indignité », dont nous voudrions être épargnés, que les grands malades et les mourants, victimes de la « déchéance », sont écartés de la scène publique ? Le statut du mourant n’est-il pas problématique dans nos sociétés ?

Si l’on ne peut nier, sur le plan psychologique, que le malade, voyant se flétrir son corps et ses facultés, puisse éprouver le « sentiment d’une dignité diminuée », on ne doit pas perdre de vue qu’au-delà de nos appréciations subjectives, le malade possède une dignité inhérente à son être même, fondée sur le seul fait d’appartenir au genre humain. La dignité est bien un principe intangible et indiscutable : par le seul fait qu’il existe, l’être humain a une dignité.

Le philosophe et ancien ministre Luc Ferry s’emporte contre ceux qui font de la dignité un attribut que l’on peut perdre : « L’idée même qu’un être humain puisse perdre sa dignité, parce qu’il serait faible, malade, vieux et par là dans une situation d’extrême dépendance, est une idée intolérable sur le plan éthique, à la limite des plus funestes doctrines des années trente ».

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