Pourquoi refuse-t-on de vieillir aujourd’hui en France ? Et quel signal renvoie-t-on alors au monde de la vieillesse en dévalorisant ainsi un âge jugé indigne ?
En second lieu, je poursuivrai mon propos par une analyse de la notion de liberté, au cœur de la revendication des partisans de l’euthanasie.
La thèse avancée pour autoriser l’euthanasie consiste à dire qu’elle serait un droit fondamental de l’individu dès lors qu’elle est librement choisie par un adulte en pleine possession de ses facultés.
Nous pouvons émettre deux objections. D’abord, on oublie complètement que l’euthanasie ou le suicide médicalement assisté ne sont pas, et ne seront jamais, le lieu d’exercice d’une liberté purement individuelle. En effet, comme le soulignent Luc Ferry et Axel Kahn, les promoteurs de l’euthanasie se focalisent sur la demande et les procédures garantissant le bien-fondé du consentement libre de la démarche du malade, oubliant l’autre moitié du contrat : la réponse qu’il faut apporter à cet appel.
Autrement dit, en faisant peser sur des tiers, en l’occurrence les médecins, l’obligation de rendre effectif un droit à mourir, on se trouve devant le paradoxe d’une liberté qui a besoin de l’autre et n’est finalement que l’expression de l’impuissance d’un individu qui a besoin de la puissance d’agir des autres pour être effective.
Ensuite, la seconde objection consiste à rappeler que la liberté revendiquée d’un malade qui souffre n’existe pas pleinement. La demande de mort n’est la plupart du temps que l’expression d’un appel désespéré, d’un appel au secours.
Je comprends d’ailleurs parfaitement l’angoisse d’un malade qui, en proie à une souffrance qu’il n’estime plus supportable, en vient à demander sa propre mort. Ne doit-on pas reformuler sa demande et estimer qu’il s’agit d’un cri de détresse devant une souffrance devenue insupportable ?
Je pense que, loin de devoir donner la mort, le rôle du médecin consiste à tenir compte du contexte de violence extrême dans lequel s’effectue cette demande, pour la reformuler ensuite en termes médicaux, par exemple, en une demande de soins palliatifs.
La vraie liberté serait celle de choisir entre la vie et la mort, en l’absence de toute contrainte liée aux circonstances de l’existence, qu’elles soient d’ordre physique, notamment en cas de maladie ou d’invalidité, ou psychologique et morale, en particulier dans les situations de deuil ou de rupture affective. Elle supposerait aussi de connaître parfaitement les termes du choix afin de se déterminer en toute connaissance de cause. Un tel choix est-il possible, mes chers collègues, à partir du moment où la mort reste pour nous la grande inconnue ?
Sans entrer dans un tel débat philosophique, j’attire votre attention sur l’imposture qui consiste à présenter l’euthanasie comme une liberté.