Intervention de Nicole Bonnefoy

Réunion du 25 janvier 2011 à 22h10
Assistance médicalisée pour mourir — Article 1er

Photo de Nicole BonnefoyNicole Bonnefoy :

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, cosignataire de l’une des trois propositions de loi, il me tenait à cœur d’intervenir, aujourd’hui, pour soutenir cette initiative courageuse.

La question de la fin de vie ne finit pas de nourrir les débats et de susciter les passions, nous l’avons à nouveau constaté ce soir. Elle dépasse les clivages politiques traditionnels et nous renvoie, bien souvent, à ce que nous sommes, et donc à notre éducation, nos valeurs, nos expériences ou notre religion. Ainsi, guidé par nos émotions, le débat sur cette question souffre bien souvent d’un manichéisme regrettable.

J’espérais que cette nouvelle proposition de loi éviterait cet écueil et nous aurait permis d’aborder ce débat avec le recul et la précaution nécessaires.

Malheureusement, je crains qu’à nouveau ce débat ne soit tronqué et ne nous laisse un goût d’inachevé : après son adoption la semaine dernière en commission, le texte a été totalement vidé de sa substance ce matin.

Cette décision est décevante à l’heure où la société française semble majoritairement favorable à une loi permettant de disposer dignement de la fin de sa vie. En effet, en mai 2009, un sondage avait révélé que 86, 3 % des personnes interrogées s’étaient prononcées en ce sens.

Il est vrai que des sondages ont montré l’inquiétude qui pouvait être ressentie du fait des risques de dérive qu’une légalisation pourrait entraîner. Je peux comprendre ces arguments, car je les partage aussi.

Une loi d’une telle importance doit apporter toutes les garanties nécessaires pour éviter un quelconque glissement dans sa mise en œuvre. Pour ma part, je trouve que cette proposition de loi remplit parfaitement cette condition.

Tout d’abord, comme l’ont rappelé mes collègues, il faut bien avoir à l’esprit qu’en aucun cas nous n’ouvrons la voie à une euthanasie massive et dérégulée. Tels sont pourtant, bien souvent, les propos manichéens tenus par bon nombre de détracteurs qui se sont exprimés massivement ces derniers jours, et encore ce soir.

Cette proposition de loi ne saurait, non plus, remettre en cause la nécessité de développer et d’améliorer encore les soins palliatifs, bien évidemment !

Nous proposons aujourd’hui de donner la possibilité à certains patients, se trouvant dans des situations extrêmes, de pouvoir s’affranchir d’une souffrance et d’une détresse insoutenables et parfois inhumaines.

En aucun cas nous ne permettrons des dérives. Au contraire, nous proposons d’instaurer un cadre strict et réglementé. Je crois qu’il suffit de lire attentivement cette proposition de loi – notamment son article 1er – pour s’en rendre compte.

En effet, l’article 1er dispose que cette possibilité sera donnée à « toute personne capable majeure », c’est-à-dire en pleine possession de ses moyens intellectuels, que la pathologie devra être « grave et incurable », c’est-à-dire que la médecine actuelle ne pourra guérir le patient qui sera, de fait, malheureusement condamné. De plus, il faudra que cette souffrance ne puisse pas être apaisée ou, tout du moins, que la personne la juge « insupportable », c’est-à-dire que les soins palliatifs ne puissent plus apporter de soulagement au patient.

Ainsi, si et seulement si toutes ces conditions sont réunies, une personne pourra, de sa propre volonté, et en étant intellectuellement capable de le faire, demander une assistance médicalisée afin de soulager ses souffrances.

Cette demande sera ensuite transmise au médecin traitant, qui devra alors saisir deux de ses confrères praticiens n’ayant pas de lien avec le patient. Ensemble, ils devront examiner la demande et vérifier son caractère « libre, éclairé et réfléchi ». Dans le même temps, et dans un délai de huit jours, le patient pourra révoquer à tout moment sa demande.

La même procédure s’appliquera pour les directives anticipées.

Je ne vois donc pas où se trouvent les risques de dérive tant décriés.

Les médecins auront une responsabilité énorme et seront très vigilants, j’en suis convaincue, sur la nature et la recevabilité de la demande. Ils seront d’ailleurs en droit de refuser de participer à la procédure.

De plus, nous proposons d’instaurer une commission nationale de contrôle des pratiques relatives aux demandes d’assistance médicalisée pour mourir, qui viendra compléter ce dispositif déjà très restrictif et très encadré.

Il ne faut donc pas tomber dans la caricature, contrairement à ce que j’ai entendu ce soir. Non, cette loi n’instaure pas un droit de tuer !

Comme chacun sait, l’acte de donner la mort est déjà pratiqué en France, dans une totale clandestinité. Cette réalité doit nous mettre en présence d’une alternative simple : doit-on instaurer un cadre légal strict et restrictif autorisant, dans des cas extrêmes et bien définis, à soulager un patient qui en formule la demande expresse en toute connaissance de cause, ou doit-on laisser perdurer des pratiques clandestines, sans aucune règle et sans encadrement ?

Pour moi, le choix est clair : il faut voter cette proposition de loi !

En effet, mes chers collègues, si nous décidons, aujourd’hui, de ne rien faire, nous maintiendrons l’hypocrisie actuelle qui existe autour de la question de la fin de vie. Nous ne résoudrons pas ce problème, et le débat reviendra encore et encore sur la scène publique.

La loi du 22 avril 2005 a réussi à apaiser quelques craintes, mais n’a pas pour autant totalement répondu à cette question fondamentale, et beaucoup de Français jugent aujourd’hui qu’il faut aller encore plus loin dans la reconnaissance du droit à mourir dans la dignité.

Il est donc de notre responsabilité, en tant qu’élus de la République, d’engager ce débat et d’œuvrer en ce sens en votant ce texte !

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