On sait très bien qu'un bracelet électronique ou qu'une injonction de soins ne seront pas suffisants pour empêcher un nouveau passage à l'acte. La cour d'assises ne pouvait prévoir la possibilité d'une rétention de sûreté au moment de leur condamnation, mais cela ne retire rien à leur dangerosité effective.
Le principe de non-rétroactivité des lois pénales plus sévères ne s'applique pas ici : la rétention est une mesure de sûreté ; ce n'est pas une peine. Elle est prononcée par des juges, mais elle ne repose pas sur la culpabilité de la personne. Elle ne sanctionne pas une faute ; elle vise à prévenir la récidive. Elle repose sur la dangerosité de certaines personnes condamnées pour des faits graves. C'est une mesure préventive qui répond aux exigences constitutionnelles. Nous avons déjà eu l'occasion d'en parler.
Pour un même niveau de dangerosité, il s'agit de faire en sorte que deux criminels soient traités de façon identique. La date de leur condamnation ne justifie pas de différence de traitement. S'ils réunissent les conditions, ils doivent tous deux pouvoir être placés en rétention de sûreté.
Il fallait donc, et c'est ce qu'a fait l'Assemblée nationale, modifier le projet de loi initial. Monsieur le rapporteur, je connais votre position sur ce point. Nous n'avons pas la même lecture du texte, mais nous aurons l'occasion d'y revenir dans le cours de la discussion. Je connais votre souhait de renforcer les conditions de placement en rétention de sûreté pour les personnes déjà condamnées. Certes, des améliorations sont toujours possibles, mais, j'y insiste, le principe d'une application immédiate de la nouvelle loi doit être maintenu dans ce texte.
Le champ d'application de la loi a fortement évolué. Certains ne manquent pas de s'en étonner, accusant même le Gouvernement d'aller trop loin.
Toutefois, cette évolution était nécessaire. C'était une question de bon sens et d'efficacité des mesures prises. Cet élargissement, qui est souhaitable, va dans le sens d'une plus grande protection des Français. Il contribue également à renforcer la prise en charge des criminels particulièrement dangereux et leur offrira des solutions nouvelles pour réduire leur dangerosité.
Permettez-moi maintenant de vous présenter, mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de loi.
Il comporte trois volets : des mesures de sûreté pour les criminels particulièrement dangereux ; de nouvelles dispositions pour le traitement judiciaire des personnes déclarées irresponsables pénalement et des mesures de nature à améliorer la prise en charge des détenus nécessitant des soins.
Tout d'abord, sur le premier volet, les criminels particulièrement dangereux en fin de peine seront pris en charge dans un centre socio-médico-judiciaire.
Le jour de la condamnation, le condamné est averti par le président de la cour d'assises qu'il pourra être soumis à un examen de sa dangerosité et, le cas échéant, placé en rétention de sûreté en fin de peine. Un an avant la fin de sa peine, le condamné est soumis à cet examen. La commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté se prononce sur la dangerosité de la personne et la probabilité de récidive, sur l'insuffisance de toutes les autres mesures de contrôle de la personne à l'extérieur et sur la nécessité d'un placement en rétention de sûreté.
Si la commission donne une réponse positive à ces trois questions, elle demande au procureur général de saisir une commission régionale composée de magistrats de la cour d'appel. Trois mois au moins avant la date de libération, cette commission rend une décision motivée après débat contradictoire sur le placement en rétention de sûreté. Si aucune autre mesure n'est envisageable et qu'elle décide une rétention de sûreté, cette mesure est valable un an. Elle est renouvelable, mais peut aussi prendre fin à tout moment. La personne retenue ira dans un centre socio-médico-judiciaire placé sous la tutelle des ministères de la justice et de la santé. Elle bénéficiera, de façon permanente, d'une prise en charge médicale et sociale.
S'agissant des personnes atteintes de troubles extrêmement graves et profonds de la personnalité, les soins comporteront une dimension criminologique. La situation sera réexaminée chaque année. Grâce à une bonne coopération entre les services du ministère de la justice et ceux du ministère de la santé, le premier centre socio-médico-judiciaire sera ouvert à titre expérimental au sein de l'hôpital de Fresnes dès le 1er septembre 2008.
Quand la rétention prend fin, la personne peut être soumise à des obligations particulières. Elle peut être placée sous surveillance électronique mobile. Une injonction de soins peut également être ordonnée. En cas de manquement à ces obligations, facteur révélateur d'un regain de dangerosité, la personne pourra faire l'objet d'une nouvelle mesure de rétention.
Comment la loi sera-t-elle mise en oeuvre ? Trois hypothèses sont à distinguer.
Il y a d'abord les condamnés pour lesquels une rétention de sûreté a été envisagée par la cour d'assises le jour de leur condamnation. Ils pourront être placés dans le centre fermé à la fin de leur peine s'ils présentent encore une dangerosité telle que leur remise en liberté, même surveillée, n'est pas possible.
Il y a ensuite les tueurs et les violeurs en série qui sont actuellement incarcérés. Ils pourront être placés en rétention de sûreté à la fin de leur peine. Les cours d'assises n'ont pas pu prévoir pour ces condamnés la possibilité d'un examen de leur dangerosité. Mais cette dangerosité résulte des condamnations prononcées contre eux. Il faut donc prévoir un dispositif transitoire.
Les autres condamnés et ceux qui sont actuellement incarcérés pourront être placés sous surveillance judiciaire après la fin de leur peine. Ils pourront notamment se voir imposer un bracelet électronique mobile et un suivi médical. S'ils méconnaissent ces obligations, ils pourront être placés en rétention de sûreté si ces manquements traduisent un regain de dangerosité.
J'en viens maintenant au deuxième volet du projet de loi : les nouvelles dispositions relatives aux irresponsables pénaux en raison d'un trouble mental.
Pour les irresponsables pénaux, la procédure ne s'achèvera plus par la notification d'une ordonnance de non-lieu. Si le juge d'instruction conclut à une irresponsabilité pénale, la décision pourra être précédée d'un débat sur les éléments à charge et l'état mental de l'auteur au moment des faits. Une audience, en principe publique, se tiendra devant la chambre de l'instruction. Actuellement, cette procédure est prévue, mais en appel seulement. C'est notamment la procédure qui a été suivie lors de l'appel du non-lieu rendu dans l'affaire du meurtre des infirmières de Pau.
Le non-lieu, la relaxe ou l'acquittement seront remplacés par des décisions d'irresponsabilité pour cause de trouble mental. Ces décisions seront inscrites - et c'est une première - au casier judiciaire. La personne étant reconnue comme l'auteur du crime ou du délit, il est normal que la justice en conserve la trace.
L'Assemblée nationale a souhaité que les juridictions puissent décider elles-mêmes de placer en hôpital psychiatrique la personne reconnue irresponsable. C'est une simple faculté qu'elles partagent avec le préfet, qui pourra avoir déjà pris un arrêté d'hospitalisation d'office.
Les juridictions qui déclarent la personne irresponsable pourront également la soumettre à des mesures de sûreté destinées à éviter un nouveau passage à l'acte : l'interdiction de se rendre dans certains lieux, l'interdiction de détenir une arme ou encore l'interdiction de rencontrer les victimes, par exemple. Ces mesures seront applicables dès l'hospitalisation. Elles seront très utiles au moment de délivrer des permissions de sortir.
Enfin, si c'est la chambre de l'instruction qui déclare la personne irresponsable, elle renverra l'affaire devant le tribunal correctionnel à la demande des victimes pour statuer sur leurs demandes de dommages et intérêts.
Troisième volet du projet de loi : les nouvelles dispositions pour améliorer la prise en charge des détenus nécessitant des soins.
Dans le prolongement de la loi du 10 août 2007, le détenu qui refusera des soins en détention pourra se voir retirer toutes ses remises de peine. Le refus de soins sera assimilé désormais à une mauvaise conduite.
L'échange d'informations entre le médecin intervenant en milieu carcéral et le médecin qui suivra le détenu à sa sortie de prison sera amélioré. Cela permettra d'assurer un meilleur suivi médical.
De même, les soignants devront signaler au chef d'établissement les risques pour la sécurité des personnes dont ils ont connaissance.
Il s'agit d'assurer la sécurité des personnels intervenant en milieu pénitentiaire et celle des autres détenus. Ces dispositions ne violent en rien le secret médical. Elles sont la traduction de l'obligation qui pèse déjà sur tous les professionnels. Elle évitera que leur responsabilité pénale ne soit engagée du chef de non-assistance à personne en danger.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, vous le constatez, le Gouvernement vous soumet un texte d'envergure, équilibré et réfléchi. C'est un texte qui concilie la sécurité des Français et le respect des libertés essentielles.
Nous allons en débattre en profondeur. Je souhaite que ce débat soit constructif. Je souhaite aussi que ce débat soit à la hauteur des enjeux. Enfin, je souhaite que ce débat dépasse les simples clivages politiques.