En multipliant les visites dans les établissements pénitentiaires, en comparant notre système à celui d'autres pays - notamment les Pays-Bas, le Royaume-Uni, la Belgique et le Canada -, en auditionnant, avec de très nombreux collègues de la commission des lois, une quarantaine d'éminentes personnalités du monde de la justice, de la psychiatrie, de l'université, du secteur associatif, je me suis forgé une triple conviction sur les carences, les insuffisances dont nous souffrons et auxquelles il convient de porter remède au plus vite.
Tout d'abord, nos prisons sont tragiquement affectées par la proportion considérable de détenus qui souffrent de troubles mentaux, de maladies mentales, et qui, selon les estimations les plus fiables, représenteraient environ 20 % de la population carcérale. Certes, ils ont été considérés comme responsables, mais le choix des cours d'assises ne peut qu'être largement hypothéqué par la faiblesse des réponses offertes par une psychiatrie de plus en plus ambulatoire et dont le nombre de lits disponibles en milieu protégé s'est dramatiquement restreint.
La prison devient alors trop souvent le seul moyen de protéger la société, au risque de faire de l'ensemble de nos établissements pénitentiaires le plus grand asile psychiatrique de France. Comment ne pas observer que les déclarations d'irresponsabilité pénale, en application du premier alinéa de l'article 122-1 du code pénal relatif à l'abolition du discernement, ont diminué de moitié entre 1987 et 2003, tandis que l'altération du discernement, qui aurait dû constituer une circonstance atténuante en vertu de l'alinéa 2 du même article, se transformait dans les faits en circonstance aggravante ?
Je ne fais qu'exprimer des évidences en rappelant que la prison n'est pas le lieu idéal pour soigner les malades mentaux, d'autant moins que, si des progrès remarquables ont été accomplis en ce qui concerne les soins somatiques, il est loin d'en être de même pour les soins psychiatriques.
Dans ces conditions, il est bien difficile ou bien naïf d'espérer une amélioration de la situation de ce type de détenu et une évolution favorable de son éventuelle dangerosité à la fin de sa peine. Et pourtant, ce ne sont pas ces malades mentaux qui sont essentiellement visés par la rétention de sûreté. Ce sont bien plus les personnes les plus dangereuses atteintes de troubles du comportement et qu'une majorité de psychiatres et de criminologues tendent à ranger parmi les psychopathes. Encore conviendrait-il de pouvoir orienter les personnes souffrant de troubles psychiatriques sérieux et durables vers une structure spécialisée, de type unité hospitalière spécialement aménagée, UHSA, le temps nécessaire à leur traitement, ce que nous vous proposerons par amendement.
Mais, à court terme, ce sont bien les dispositions de l'article 122-1 du code pénal et la distinction entre abolition et altération du discernement qui posent problème et sur lesquelles il conviendrait sans doute de revenir.
Ensuite, qu'il s'agisse de faire face à une maladie ou d'aider au contrôle des pulsions, soins et traitements doivent être dispensés dès le début de l'incarcération et non quelques mois avant la date prévue pour la libération.