Intervention de Nicolas About

Réunion du 30 janvier 2008 à 15h00
Rétention de sûreté — Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Photo de Nicolas AboutNicolas About, président de la commission des affaires sociales :

En effet, avec le développement des soins ambulatoires, au détriment, trop souvent, des hospitalisations de longue durée, la psychiatrie a, en France comme dans la plupart des pays occidentaux, contribué à accroître considérablement la population des malades mentaux et des psychopathes dans les prisons. Or les moyens n'ont pas été mis en oeuvre pour traiter ces personnes et favoriser, lorsque cela était possible, leur réinsertion dans la société. C'est d'ailleurs ce qui nous conduit aujourd'hui à examiner ce texte.

La rétention de sûreté concernera donc chaque année, nous dites-vous, madame le garde des sceaux, une dizaine d'individus. Je me soucie de la sélection de ces personnes qui n'auront pas été jugées capables de vivre en société, y compris avec les dispositifs de surveillance et de soins existants. Je souhaite en effet m'assurer que toutes les garanties seront prises pour ne pas appliquer cette mesure à des personnes qui relèveraient en réalité, compte tenu de leur état psychiatrique, de l'hospitalisation.

Vous n'êtes pas sans savoir que la dangerosité criminologique ne doit pas être confondue avec la dangerosité psychiatrique, ni les malades mentaux avec les criminels. Il apparaît au contraire que la corrélation entre l'existence de troubles mentaux et le passage à l'acte criminel est très faible, de l'ordre de 5 % pour les homicides. Cela ne signifie pas, bien sûr, que je tiens ces situations pour négligeables. Il s'agit juste de donner un ordre de grandeur.

Cette distinction nous amène au problème de l'expertise qui présidera à la décision d'appliquer la rétention de sûreté. Outre la difficulté inhérente à l'évaluation de la dangerosité, on sait que le nombre d'experts psychiatres est insuffisant. Ainsi, 800 experts sont inscrits près des cours d'appel et de la Cour de cassation, et on constate d'importantes disparités géographiques sur le territoire national. Cette pénurie conduit à ce que ces experts, très sollicités pour les meilleurs d'entre eux, ne consacrent plus qu'une infime partie de leur temps aux consultations cliniques, devenant en quelque sorte des « experts professionnels », ce qui ne me semble pas souhaitable.

Pour éviter cet écueil, est-il prévu de rendre l'activité d'expertise financièrement plus attractive, notamment pour les psychiatres libéraux, et, surtout, professionnellement mieux reconnue ?

Se pose également la question des droits qui seront accordés aux personnes en rétention de sûreté. Sur ce point, madame le garde des sceaux, j'avoue ne pas avoir bien compris vos intentions. Je vais donc vous faire part de mon sentiment personnel.

Les personnes qui seront concernées par ce dispositif, dont l'état de dangerosité criminologique aura été reconnu, doivent effectivement être empêchées de nuire ; je ne le conteste pas.

Pour autant, ayant purgé leur peine, les personnes qui seront placées en rétention de sûreté ne doivent plus être considérées comme des détenus.

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