Intervention de Nicolas About

Réunion du 30 janvier 2008 à 15h00
Rétention de sûreté — Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Photo de Nicolas AboutNicolas About, président de la commission des affaires sociales :

À cet égard, j'ai trouvé singulier que l'exposé des motifs de votre projet de loi affirme que « pendant cette rétention, la personne bénéficiera de droits similaires à ceux des détenus ». Ne serait-il pas au contraire légitime qu'ils disposent de droits plus étendus que ceux qui sont accordés en milieu carcéral, notamment en matière de visites et d'activités ?

Pour cette même raison, je pense que les centres socio-médico-judiciaires doivent être créés hors des prisons, sans constituer pour autant un service particulier des hôpitaux psychiatriques. Il s'agit, à mon sens, d'inventer un troisième type de lieu et de prise en charge, spécifique à ces personnes elles-mêmes spécifiques, lequel aurait pour triple objectif de protéger la société d'un risque élevé de passage à l'acte criminel, de soigner, mais aussi de permettre, autant que possible, la réinsertion. Je ne suis pas angélique, mais j'ai sans doute gardé quelques réflexes du médecin que je fus.

Sur ce dernier point, madame le garde des sceaux, pouvez-vous nous présenter les moyens qui seront mis en oeuvre, dans le cadre de la rétention de sûreté, pour favoriser une réinsertion sociale ?

La seconde partie de mon intervention porte sur les dispositions relatives à l'injonction de soins.

Ce dispositif, dont le suivi est bien souvent essentiel à une réinsertion sociale réussie, a été encouragé par la loi du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs, qui en a étendu l'application à d'autres mesures que le seul suivi socio-judiciaire.

Pourtant, sa mise en oeuvre comme son contrôle demeurent problématiques en raison du nombre insuffisant de médecins coordonnateurs rapporté au nombre croissant de personnes concernées. De fait, le recrutement de ces professionnels se heurte, ici encore, au caractère peu attractif de la rémunération et à une évolution de la démographie médicale défavorable aux psychiatres.

Pour remédier à ces difficultés et assurer la mise en oeuvre des injonctions de soins prononcées, il était prévu, dans le cadre de la loi du 10 août 2007, que l'effectif des médecins coordonnateurs soit multiplié par trois d'ici au 1er mars 2008, date de la pleine application des nouvelles dispositions relatives à l'injonction de soins, pour atteindre le nombre de 450 médecins.

Pouvez-vous nous indiquer, madame le garde des sceaux, quel est l'effectif actuel des médecins coordonnateurs ? Leur rémunération a-t-elle été revalorisée, comme l'annonçait la Direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins du ministère de la santé ?

Je l'ai dit, le recrutement de médecins coordonnateurs, et, plus largement, de psychiatres, pour intervenir auprès des détenus qui en ont besoin et, bientôt, des personnes en rétention de sûreté, souffre de l'évolution démographique inquiétante de cette profession.

Il manque aujourd'hui 830 psychiatres dans le secteur public hospitalier, auquel revient, aux termes de la loi du 18 janvier 1994, la prise en charge psychiatrique des détenus.

Or, selon le rapport d'information de notre collègue Jean-Marc Juilhard, la situation va empirer ces prochaines années. De fait, on devrait compter près de 2 000 postes de psychiatres hospitaliers vacants à l'horizon 2020. À ce constat numérique s'ajoute le fait que ces professionnels sont mal répartis sur le territoire national et que les écarts se creusent, avec l'apparition de véritables « déserts psychiatriques », notamment en milieu rural, dans les départements situés au nord de la Loire, dans les banlieues sensibles et outre-mer.

Certes, le relèvement progressif du numerus clausus permettra, à terme, de rétablir cette situation, mais le temps nécessaire à la formation d'un psychiatre est tel que des mesures correctrices s'imposent dès maintenant. Je pense notamment qu'il faut ouvrir la prise en charge de ces personnes aux psychiatres libéraux - pour lesquels la pénurie est moins sensible, car leur rémunération est supérieure -, mais aussi penser aux équipes pluridisciplinaires.

Par exemple, des psychologues agréés devraient être encouragés à intervenir au sein des établissements pénitentiaires, des nouveaux centres de rétention socio-médico-judiciaire et au titre du suivi des injonctions de soins. Cette dernière possibilité a été ouverte par la loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales, mais le décret d'application définissant les conditions de diplômes des psychologues autorisés dans ce cadre n'a toujours pas été pris à ce jour.

Vous comprendrez donc que je sois très favorable à la proposition de la commission des lois tendant à conserver la possibilité, pour un psychologue, de mettre en oeuvre une injonction de soins. Il reste toutefois au ministère de la santé à prendre enfin les mesures réglementaires nécessaires à la définition des formations de psychologues autorisées pour la prise en charge des délinquants sexuels.

De la même manière, je soutiens résolument la proposition de maintenir le droit, pour des médecins ayant reçu une formation adaptée, d'être recrutés comme médecins coordonnateurs des injonctions de soins, afin de pallier la pénurie de psychiatres.

Telles sont, mes chers collègues, les principales observations et interrogations que je souhaitais, en tant que président de la commission des affaires sociales, formuler sur ce projet de loi. Sans doute les précisions que vous m'apporterez, madame le garde des sceaux, lèveront-elles les quelques réticences que j'ai pu laisser transparaître ici ou là. Sur le fond, je vous soutiendrai.

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