Intervention de Hélène Luc

Réunion du 31 mars 2005 à 15h00
Aéroports — Article 3

Photo de Hélène LucHélène Luc :

Monsieur le secrétaire d'Etat, en inscrivant dans l'un des tout premiers articles du texte la possibilité de fermer des installations aéroportuaires, vous anticipez les futures préoccupations de la société anonyme ADP, qui seront non plus d'assurer des missions de service public, mais bien de valoriser son patrimoine foncier.

Dans la région d'Ile-de-France, où l'actuel établissement public gère douze aérodromes, ce ne sont pas moins de 1 300 hectares, en dehors des sites de Roissy, d'Orly et du Bourget, qui, via le changement de statut, pourront être livrés au secteur privé. S'agissant d'espaces très convoités, situés le plus souvent à la périphérie des villes, comment le terme « valorisation » pourrait-il signifier autre chose que « spéculation immobilière » ? En toute impunité, ADP pourra décider du jour au lendemain de fermer tel ou tel aéroport, avec pour seule obligation de reverser à l'Etat une partie de la plus-value réalisée.

L'Etat transfère à titre non onéreux son domaine public au nom de la continuité des services aéroportuaires, mais ne prévoit aucun dispositif de récupération ou de préemption en cas de perte de la vocation aéroportuaire. On peut difficilement mieux traiter les investisseurs privés ! Ce gouvernement tend à oublier que le rôle du législateur est de défendre non pas le marché, mais l'intérêt général.

En effet, cette règle de l'attribution à l'Etat de 70 % des éventuelles plus-values foncières pourrait donner à penser que les intérêts patrimoniaux de l'Etat seront préservés, mais s'est-on interrogé sur la manne financière que représenteront pour ADP les 30 % restants ? Personne aujourd'hui ne prend la peine d'estimer la valeur du patrimoine foncier légué par l'Etat à la société anonyme ADP.

Il est vrai que, dans un premier temps, l'Etat récupérera une partie des plus-values, en tant qu'actionnaire majoritaire d'ADP. Cependant, que se passera-t-il demain, lorsque l'Etat ne sera plus qu'un actionnaire parmi d'autres ? En effet, rien ne nous dit que les fermetures d'installations aéroportuaires interviendront dans les prochains mois. Quant aux engagements pris sur le maintien de l'Etat comme actionnaire majoritaire, ils ne nous convainquent pas, au regard du destin qu'ont connu les autres entreprises publiques dont le capital a été ouvert.

Par ailleurs, l'Etat entend tenir compte, pour le calcul de la plus-value, du coût de la remise en état des installations, consistant essentiellement en travaux de dépollution, effectuée par ADP. Sous quel prétexte de tels travaux devraient-ils être pris en compte ? Si la société anonyme ADP décide de fermer un aérodrome, non pour assurer au mieux des missions de service public, mais pour valoriser son patrimoine foncier, pourquoi l'Etat devrait-il participer indirectement au financement de la remise en état du site ? Le rapporteur pour avis de la commission des finances va d'ailleurs encore plus loin, puisqu'il considère que l'ensemble des plus-values réalisées à l'occasion de la cession de biens devront être « la propriété des actionnaires ».

Cette spoliation de l'Etat, quelle que soit son ampleur, est d'autant moins acceptable que le Gouvernement a mis en avant l'argument des contraintes liées à la situation des finances publiques pour écarter tout apport d'une dotation publique à l'entreprise aéroportuaire. D'un côté, le Gouvernement fait régresser les politiques publiques au nom des contraintes budgétaires, mais, de l'autre, il contribue à la fragilisation toujours plus grande des finances publiques par ses cadeaux aux marchés financiers.

Quoi qu'il en soit, en matière d'aménagement du territoire, les enjeux sont extrêmement importants. La gestion et la valorisation de certains terrains concernent nombre de communes riveraines des zones aéroportuaires. Cet élément est une source d'inquiétude pour les usagers et pour les élus.

Pourtant, il n'est fait nulle part mention des communautés aéroportuaires dans ce texte, alors que la loi portant création des communautés aéroportuaires comportait un principe intéressant de gouvernance des sites aéroportuaires, visant à ce que soient traitées simultanément toutes les questions relatives aux nuisances, aux transports, à l'emploi et à la formation, à l'aménagement du territoire et aux financements.

Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de l'article 3.

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