Dans le texte, aucune limitation n'est donc apportée à ces missions extra-aéroportuaires.
Rien non plus sur l'affectation des recettes dégagées par ces activités non aéroportuaires, activités que nous imaginons rentables. Or, si nous ne sommes pas contre un élargissement d'activité d'ADP, encore faut-il que toutes les recettes soient affectées à l'objet principal de cette société : l'exécution de services aéroportuaires.
De plus, ce texte n'aborde pas le problème du contrôle, par l'Etat, de la bonne exécution, par ADP, de ses missions de service public. Le fait que le Gouvernement spécifie que « la majorité de son capital est détenue par l'Etat » ne constitue pas une garantie suffisante, d'autant que le risque de voir émerger une minorité de blocage privée est bien réel. Vous ne répondez pas à cette question, monsieur le secrétaire d'Etat, mais elle se pose.
D'ailleurs, que cette minorité de blocage existe ou pas, le principe même du changement de statut d'ADP est d'attirer les investisseurs privés. Or, pour ce faire, je le répète, il faudra nécessairement répondre à leur logique de rentabilité, qui est peu compatible avec la notion de service public.
Par ailleurs, si l'Etat est amené à rester majoritaire, est-il nécessaire de préciser, dans le premier alinéa de l'article L. 251-3 du code de l'aviation civile, qu'il peut s'opposer à la cession d'un ouvrage ou d'un terrain contribuant à l'accomplissement des missions de service public ?
En tant qu'actionnaire majoritaire, l'Etat n'a-t-il pas déjà cette possibilité ? A moins que le Gouvernement lui-même ait un doute sur les préoccupations qui seront celles d'ADP une fois l'Etat devenu actionnaire d'une société anonyme et qu'il estime nécessaire de préciser que l'Etat doit toujours se préoccuper des questions de service public !
Une fois de plus, pour les biens et les ouvrages nécessaires à l'accomplissement des missions de service public, le texte n'apporte aucune précision. Décidément, le Gouvernement fait peu cas de la représentation nationale !
Enfin, si ADP vient à manquer à ses obligations, permettez-moi de juger peu contraignantes les sanctions qui peuvent être prises à son encontre. Pourtant, il s'agit ici non d'une simple occupation du domaine public, avec possibilité de rétrocession, mais bien d'un transfert de la pleine propriété.
Que penser «également du flou juridique qu'entretient ce texte sur les rôles respectifs d'ADP et de l'Etat dans des domaines aussi majeurs que la sûreté ou la navigation aérienne ? Daniel Reiner a évoqué ce problème, et je partage pleinement son point de vue. L'Etat-entreprise chercherait-il à externaliser ses missions régaliennes ?
La propriété du capital d'une entreprise ayant des missions de service public doit demeurer publique, que ce caractère public soit ou non le fait de l'Etat. ADP est un établissement chargé de l'aménagement du territoire national : qu'en sera-t-il demain si les intérêts privés internationaux détiennent une partie très importante du capital ? Les principes de gestion seront évidemment très différents.
Une telle question mérite d'être posée dans le contexte actuel de remise en cause de l'ensemble des services publics : déréglementation européenne, accord général sur le commerce des services, directive Bolkestein, et je ne parle pas, bien sûr, du projet de Constitution européenne que le Gouvernement nous propose d'adopter !
Au contraire, sur le plan européen, des accords avec d'autres entreprises de service public pourraient être trouvés afin de répondre aux importants besoins en termes d'infrastructures. Une telle péréquation communautaire permettrait de satisfaire les exigences de déplacement des citoyens européens.
Lors de la première lecture, le Gouvernement n'avait pas souhaité répondre à cette question. C'est la raison pour laquelle je vous la pose de nouveau, monsieur le secrétaire d'Etat, en espérant que vous y répondrez cette fois, notamment pour nous éclairer sur votre vision de la construction européenne en matière de transport.
Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons que nous opposer à un tel texte et particulièrement à cet article.