Intervention de Hugues Portelli

Réunion du 30 janvier 2008 à 15h00
Rétention de sûreté — Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Photo de Hugues PortelliHugues Portelli :

... « la sanction consiste dans le fait de punir en réaction à un comportement coupable et sert à réparer la faute pénale ». En revanche, les mesures de détention sûreté « servent surtout et notamment à la prévention dans le cas spécifique, c'est-à-dire à empêcher des délits ou crimes dans l'avenir en exerçant une influence sur l'auteur ». Enfin, « la détention à titre de mesure de sûreté n'a pas pour but, contrairement à la peine, de faire expier une faute commise, mais de protéger l'ordre public contre l'auteur. C'est non pas la faute pénale, mais la dangerosité dont l'auteur a fait preuve qui détermine le prononcé, l'organisation et la durée de la mesure ».

On peut effectivement rétorquer, comme vous le faites, mes chers collègues, que l'autorité de la chose jugée des décisions de la Cour constitutionnelle allemande ne franchit pas les frontières, §mais il me paraît utile de connaître l'interprétation du juge constitutionnel compétent à propos d'une loi dont le législateur français s'est largement inspiré. Nous ne pouvons ignorer par ailleurs les liens qui existent entre les cours constitutionnelles d'Europe et le développement d'une base jurisprudentielle commune, notamment en matière de droits fondamentaux.

J'en viens, précisément, à la jurisprudence du Conseil constitutionnel français et à la décision rendue par ce dernier le 8 décembre 2005 sur la loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales, décision qui rejoint l'appréciation portée par le juge constitutionnel allemand.

En effet, le Conseil constitutionnel français, après avoir relevé que la surveillance judiciaire est ordonnée par une juridiction, qu'elle repose non sur la culpabilité du condamné, mais sur sa dangerosité et qu'elle a pour seul but de prévenir la récidive, en conclut qu'elle ne constitue ni une peine ni une sanction et qu'elle n'est donc pas contraire à l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Le Conseil constitutionnel remarque, par ailleurs, que cette disposition n'est ni arbitraire ni disproportionnée, parce qu'elle est conforme au principe constitutionnel de protection des personnes et, plus particulièrement, des mineurs et, ensuite, parce que la mesure ne s'applique qu'aux contextes les plus graves. Il ajoute qu'elle peut prévenir des évolutions futures dangereuses.

En outre, la rétention est en rapport avec le but visé, puisqu'elle est fondée sur l'appréciation de la dangerosité de l'intéressé après expertise médicale. Enfin, les garanties procédurales sont sérieuses - caractère juridictionnel de la décision, débat contradictoire, assistance obligatoire de l'avocat, avis de la commission pluridisciplinaire.

En conclusion, dans le cas présent, comme dans l'affaire précédemment examinée par le Conseil constitutionnel, il y a conformité à la Constitution de la rétroactivité de ces mesures.

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