Intervention de Michel Billout

Réunion du 31 mars 2005 à 15h00
Aéroports — Article 8

Photo de Michel BilloutMichel Billout :

Tout d'abord, je ne pense pas, monsieur le rapporteur, qu'un vote conforme soit un vote infamant. Je regrette simplement que l'objectif d'obtenir aujourd'hui, sans doute pour aller encore plus vite, un vote conforme vous conduise à une certaine souplesse à l'égard de points sur lesquels la commission des affaires économiques avait adopté une position assez judicieuse. Cette attitude est regrettable, car elle n'était ni indispensable ni même nécessaire.

L'article 8 vise à introduire la possibilité de moduler les redevances versées par ADP et les aéroports régionaux en contrepartie des services aéroportuaires rendus, et ce sans l'accord de l'Etat et sans consultation préalable des usagers.

Il s'agit là d'une remise en cause de l'une des fonctions régaliennes de l'Etat, à savoir la répartition des fonds publics perçus par le biais d'une redevance au regard des services d'intérêt général rendus.

Dans le deuxième alinéa du texte proposé pour l'article L. 224-2 du code de l'aviation civile, l'article 8 introduit une nouveauté puisqu'il permet d'intégrer dans le calcul de la redevance la rémunération des capitaux investis. Il s'agit encore une fois de satisfaire à l'impératif de rentabilité des investissements qui seront réalisés soit par une entreprise privée, soit par une structure en voie de privatisation ou à fort capital privé, alors même que le fondement de cette redevance demeure l'exécution de missions de service public. Comment peut-on confier à une entreprise de ce type la mise en oeuvre de l'intérêt général ?

Ces modulations, est-il précisé dans le texte proposé pour le troisième alinéa de ce même article L.224-2, ne seront acceptées que pour « des motifs d'intérêt général », comme la préservation de l'environnement, l'amélioration de l'utilisation des infrastructures ou la diminution de leur encombrement. Autant dire que les motivations n'auront pas besoin d'être très précises !

Nous pouvons craindre que cet article, qui vise à modifier substantiellement le régime des redevances aéroportuaires, ne soit la porte ouverte à de nouvelles pratiques mises en place au détriment de la qualité du service rendu aux usagers.

En effet, cette mesure permettrait au Gouvernement de se soustraire non seulement au principe d'égalité devant les charges publiques énoncé à l'article XIII de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, mais aussi au principe d'égalité de traitement des usagers du service public, notamment pour ce qui concerne l'utilisation du domaine public.

De plus, pour accroître leurs bénéfices et satisfaire ainsi leurs actionnaires, les gestionnaires d'aéroports pourraient être tentés de fixer les redevances à un niveau plus élevé pendant les périodes de pointe du trafic.

A l'aéroport Charles-de-Gaulle, une telle pratique pénaliserait fortement l'entreprise d'intérêt national Air France, qui possède un hub et propose des vols, tant en heures creuses qu'en heures de pointe, pour répondre à l'ensemble des besoins, et donc remplir ses missions de service public.

Cette nouvelle mesure va aussi tendre à accroître la concurrence entre les compagnies aériennes pour obtenir les aérogares les plus économiques. Quels seront alors les critères d'attribution ?

De plus, les risques de mise en place de traitements différents sont élevés. Ainsi, on pourrait faire payer davantage les compagnies « traditionnelles » comme Air France et diminuer les tarifs pour les compagnies à bas prix, qui offrent un service moindre.

Cette mesure pourrait se traduire par la mise en oeuvre d'une activité aéroportuaire à deux vitesses en fonction des revenus des usagers et risquerait aussi de porter atteinte aux normes de sécurité. Par ailleurs, les exigences de rentabilité immédiate et de réduction des coûts font peser de lourdes inquiétudes quant aux conditions d'accueil des usagers et à la sécurité des locaux.

Enfin, toutes les dispositions relatives aux modalités d'application de cet article - catégorie des aérodromes, assiette et taux de modulation des redevances, modalité de fixation des tarifs - sont renvoyées, une fois de plus, à un décret en Conseil d'Etat, ce qui constitue un véritable chèque en blanc donné à l'exécutif.

M. Gilles de Robien s'est déclaré favorable au système de caisse unique ; nous nous en félicitons, mais nous aurions préféré que cela figure dans la loi.

Telles sont toutes les raisons pour lesquelles nous demandons la suppression de l'article 8.

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